Retraites : 61% des Français veulent le retour à 62 ans

Entre attentes sociales, défiance politique et scénarios économiques épineux, la question du retour à 62 ans pour l’âge légal de départ à la retraite en France électrise les débats.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 14 avril 2025 8h44
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retraite-epargne-placement-20240421 - © Economie Matin
53%53% des salariés disent penser à leur départ à la retraite avec inquiétude.

Le 14 avril 2025, l’institut Ifop a publié les résultats d’un sondage commandé par la CGT révélant une tendance nette : une majorité des Français rejette la réforme des retraites de 2023, celle qui a repoussé l’âge légal de départ de 62 à 64 ans.

Réforme des retraites : Le retour à 62 ans, un souhait majoritaire sur le plan national

Retraite et volonté populaire : c’est un rapport de force qui ne faiblit pas. Selon l’étude Ifop pour la CGT, publiée le 14 avril 2025, 61 % des Français souhaitent revenir à 62 ans pour l’âge légal de départ à la retraite, contre seulement 34 % qui veulent maintenir le cap à 64 ans, et à peine 5 % qui militent pour une augmentation. Ces chiffres font écho à une série de sondages convergents : Elabe pour BFM (7-8 janvier 2025) annonçait 62 % de soutien pour un retour à 62 ans, tandis que TF1 Info signalait que 81 % des moins de 35 ans considèrent que 62 ans ou moins est l’âge idéal pour partir.

Mais l’opposition ne se limite pas à l’âge : 68 % des Français souhaitent un référendum pour abroger la réforme de 2023 (Ifop pour la CGT, avril 2025), et 65 % voteraient en faveur d’une abrogation en cas de scrutin national. Ce chiffre monte à 73 % chez les salariés, 83 % chez les ouvriers, 86 % chez les proches de la CGT, et dépasse les 80 % chez les électeurs de Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen.

Cette volonté transversale est donc portée autant par des arguments de justice sociale que de viabilité personnelle : 54 % des actifs déclarent ne pas pouvoir travailler à temps plein jusqu’à 64 ans, un taux qui grimpe à 60 % chez les femmes et 66 % chez les ouvriers. Les chiffres ne mentent pas : pour une majorité de la population, 64 ans, c’est déjà trop tard.

Une réforme de la retraite qui fracture plus qu’elle ne réforme

Loin de constituer un simple ajustement technique, la réforme de 2023 s’est muée en totem de division. Non seulement le gouvernement n’a jamais obtenu le soutien populaire, mais il s’est entêté à présenter la mesure comme "raisonnable", "nécessaire", voire "indispensable". Pourtant, François Bayrou lui-même a reconnu, dans Le Parisien du 16 mars 2025, que “le retour à 62 ans n’aura pas lieu compte tenu du contexte international” — une déclaration qui sonne comme un mépris pour 65 % de citoyens.

Le niveau de défiance vis-à-vis du système est révélateur : 43 % des salariés du secteur privé ne croient même pas que leur entreprise les maintiendra en poste jusqu’à 64 ans, et 29 % seulement disent faire confiance aux marchés financiers pour assurer leur future pension via un système de capitalisation. Le système par répartition, lui, conserve 70 % d’adhésion, preuve que le modèle français a encore de solides appuis dans la population.

Autrement dit : on demande aux Français de travailler plus longtemps alors qu’ils doutent de pouvoir tenir.

Le retour à 62 ans est-il finançable ? Les Français disent oui

C’est le grand argument du gouvernement : "On ne peut pas se permettre de revenir à 62 ans, ce n’est pas tenable financièrement." Sauf que les Français, eux, ont déjà tranché sur les solutions alternatives. L’étude Ifop commandée par la CGT (avril 2025) en dresse la liste éloquente :

  • 86 % approuvent l’alignement des salaires femmes/hommes.
  • 82 % soutiennent la taxation des dividendes versés aux actionnaires.
  • 80 % souhaitent une hausse générale des salaires assujettis à cotisation.
  • 78 % sont favorables à une augmentation d’un point des cotisations patronales.
  • 65 % valident l’idée d’élargir l’assiette des cotisations à d’autres formes de revenus comme les primes ou l’intéressement.

Ces chiffres montrent une chose : le financement du système n’est pas un tabou, à condition qu’il repose sur la solidarité, la redistribution et la justice fiscale. Ce que refusent les Français, c’est un report mécanique de l’âge qui fait reposer l’équilibre du système uniquement sur leurs épaules fatiguées.

L’étude révèle un autre indicateur inquiétant : 50 % des actifs, et 53 % des salariés, disent penser à leur départ à la retraite avec inquiétude. Une angoisse renforcée par l’augmentation de la précarité, de l’incertitude sur les carrières longues, et par le fait que près de 43 % des ouvriers pensent qu’ils ne seront pas maintenus jusqu’à 64 ans.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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