Réforme de l’Assurance-chômage : plus d’un millions de Français ont vu leur allocation baisser

Quelles sont les véritables conséquences de la réforme de l’assurance chômage sur les demandeurs d’emploi et le marché du travail ? Trois ans après l’application de la réforme 2019-2021 et un an et demi après celle de 2023, l’Unédic dresse un bilan statistique et qualitatif détaillé de l’évolution du système d’indemnisation. Les nouvelles règles ont-elles favorisé le retour à l’emploi ?

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 20 mars 2025 à 15h25
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Worried couple portrait analyzing family bills at home - © Economie Matin
16%Le taux de chômage des jeunes fin 2024 était de 16%.

Un bouleversement dans le calcul des allocations chômage : quelles conséquences ?

Entrée en vigueur en octobre 2021, la réforme du mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR) a redéfini la méthode d’indemnisation. Désormais, les périodes non travaillées influencent directement le calcul du SJR, ce qui a eu pour effet de réduire le montant des allocations journalières pour de nombreux allocataires tout en allongeant leur durée d’indemnisation​. L’objectif affiché du gouvernement : inciter les demandeurs d’emploi à reprendre un emploi plus rapidement en évitant les alternances prolongées entre chômage et contrats courts.

Mais en pratique, la réalité est plus nuancée. Selon l’évaluation de l’Unédic, près de 1,1 million d’allocataires ont vu leur niveau d’indemnisation baisser suite à cette réforme, avec une réduction moyenne de 17 % du montant journalier​. Les plus touchés ? Les intérimaires, les jeunes et les travailleurs en contrat court, qui constituent l’essentiel des profils impactés​.

Un effet sur la reprise d’emploi… mais à quel prix ?

L’un des principaux constats de l’étude de l’Unédic est que la réforme a accéléré la reprise d’emploi pour les demandeurs aux parcours fragmentés. Six mois après leur inscription, le taux d’accès à l’emploi a augmenté de 4,1 à 6,1 points de pourcentage, passant d’environ 52 % à 58 %​.

Cependant, cet effet est presque exclusivement porté par les contrats temporaires de moins de six mois. Autrement dit, la réforme n’a pas permis une augmentation du taux d’emploi durable, puisque le retour à l’emploi s’effectue principalement sous des formes précaires​.

Pire encore, l’étude révèle que de nombreux allocataires ont dû faire des concessions importantes sur leurs conditions d’emploi : baisse des prétentions salariales, acceptation de postes moins qualifiés ou éloignés de leur formation initiale​. Une pression financière qui contraint davantage qu’elle incite.

Le vécu des demandeurs d’emploi : précarisation ou adaptation forcée ?

Une enquête qualitative menée par l’Unédic auprès de 40 allocataires dévoile les difficultés rencontrées par ceux qui ont vu leur allocation diminuer​.

  • Compréhension des nouvelles règles : la plupart des interrogés ont bien identifié la réforme, mais ne saisissent pas toujours ses objectifs ni ses implications profondes​.
  • Impact financier : une baisse brutale des revenus pour certains, avec des témoignages soulignant des situations précaires, notamment chez les personnes seules ou en difficulté pour payer leur logement​.
  • Stratégies d’adaptation : face à cette baisse d’indemnisation, beaucoup se sont retrouvés contraints de reprendre un emploi dans l’urgence, souvent en CDD ou en intérim​.

La dégressivité des allocations élevées : un levier efficace ?

Autre mesure phare de la réforme : la dégressivité des allocations pour les hauts revenus, qui concerne environ 3 % des allocataires (soit 107 000 personnes)​.

À partir du 7e mois d’indemnisation, les bénéficiaires d’une allocation journalière brute supérieure à 92,11 € voient leur allocation diminuer jusqu’à 30 %. L’effet recherché était d’accélérer la reprise d’emploi, et selon l’étude de l’Unédic, la mesure a effectivement eu un impact significatif :

  • Hausse de 5 points du taux de retour à l’emploi dans les 12 mois suivant la fin du contrat​.
  • Réduction moyenne de 24 jours de la durée de chômage​.

Toutefois, cet effet ne signifie pas forcément une amélioration de la qualité des emplois retrouvés. L’enquête révèle que les salariés concernés ont souvent accepté des baisses de salaire, signe que la pression financière joue un rôle déterminant dans leur reprise d’activité​.

Baisse des allocations, mais un accès restreint à l’indemnisation

L’autre grand volet de la réforme concerne le durcissement des conditions d’accès à l’Assurance chômage. Depuis 2019, il faut avoir travaillé six mois au cours des 24 derniers mois, contre quatre mois auparavant, pour ouvrir un droit​.

Cette mesure a eu un effet direct sur l’accès à l’indemnisation :

  • Chaque année, 190 000 personnes ne remplissent plus les critères pour ouvrir des droits​.
  • 285 000 autres doivent attendre plus longtemps pour atteindre la durée minimale nécessaire​.

Les premières victimes ? Les jeunes actifs, les travailleurs précaires et ceux en contrats courts, qui sont les plus touchés par cette restriction.

Un système toujours plus complexe, une lisibilité en question

Enfin, l’étude souligne un problème majeur : la complexité croissante du système d’Assurance chômage. Entre les nouvelles règles d’indemnisation, les conditions d’accès durcies et la modulation des allocations, de nombreux demandeurs d’emploi peinent à comprendre les mécanismes de leur propre indemnisation​.

Ce manque de clarté favorise un phénomène de non-recours, certains allocataires renonçant à leurs droits par manque d’information ou difficulté à naviguer dans le système​.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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