La résistance de l’économie mondiale, et particulièrement des pays du G7, hors Royaume-Uni, a continué de surprendre au cours de ce 1er semestre 2023. L’année 2022 avait déjà fait preuve d’une résilience étonnante.
Récession ?
Malgré la guerre en Ukraine, la crise de l’énergie et des matières premières, l’inflation à 2 chiffres dans de nombreux pays membres, une Banque Centrale Européenne (BCE) et une Réserve Fédérale américaine (FED) beaucoup plus agressives qu’attendu, sans compter des tensions accrues entre la Chine et les Etats-Unis, la croissance de la zone Euro avait atteint 3,5%. C’est tout simplement la 3e meilleure performance de la zone depuis sa création en 1999.
Le 1er semestre 2023 s’inscrit dans une lignée presque comparable, même si les chiffres sont bien plus modestes. Alors qu’en fin d’année dernière la plupart des économistes prévoyait une récession aux Etats-Unis pour les 1ers trimestres 2023, les 10 hausses de taux consécutives de la FED n’auront pas suffi à la provoquer. Alors comment expliquer que ces hausses de taux d’ampleur inédites depuis 30 ou 40 ans n’arrivent pas à juguler l’inflation et provoquer un fort ralentissement ?
De l’inflation, Karl Otto Pölhl, Président du directoire de la Bundesbank de 1980 à 1991, disait qu’elle « est comme la pâte dentifrice, une fois qu’elle est sortie du tube, il est impossible de l’y faire rentrer ». Il démissionna de la Bundesbank en 1991, en désaccord profond avec Helmut Kohl sur la parité égale entre les Deutsche Mark de l’Ouest et ceux de l’Est lors de la Réunification, pensant qu’une inflation séculaire serait inévitable. Les taux allemands, entraînant avec eux l’ensemble des taux européens, furent montés de 2,5% mi-1988 à 8,75% en juillet 1992, à la veille du referendum sur le traité de Maastricht, provoquant une récession.
Aujourd’hui, il est communément admis qu’il y a 12 à 18 mois d’écart au moins entre une hausse de taux et son impact sur l’économie réelle. Les taux ont quitté le niveau zéro aux Etats-Unis depuis à peine plus d’un an et à peine plus de 9 mois en zone Euro. De plus, le secteur des services, souvent moins intensif en capital et donc en dette que le secteur manufacturier, pèse de plus en plus dans nos économies avancées, rendant une hausse de taux globalement moins douloureuse. En outre, le monde anglo-saxon, historiquement adepte des taux variables pour financer le logement, a clairement changé pour des taux fixes : au Royaume-Uni par exemple, si les taux variables représentaient 70% des financements immobiliers des particuliers en 2011, ils ne représentent aujourd’hui plus que 10%. Enfin, les difficultés de recrutement rencontrées dans de nombreux métiers à la suite des confinements semblent pousser plus que d’habitude les entreprises à conserver leur main d’œuvre qualifiée, alors même que le ralentissement se profile, maintenant en conséquence un niveau de consommation plus élevé qu’anticipé.
C’est donc dans cet environnement que le semestre s’achève sur des performances boursières fort respectables, la récession tant attendue n’ayant pas eu lieu : 38,8% pour le Nasdaq 100 – le meilleur 1er semestre en 40 ans –, 15,9% pour le S&P 500 et 9,0% pour le MSCI Europe, le 2e trimestre ayant été beaucoup plus fade en Europe qu’aux Etats-Unis.
Quelle que soit l’ampleur du ralentissement économique à venir, croissance atone ou récession, rien à ce stade ne milite pour une récession dure. Le secteur financier, amplificateur traditionnel de tout ralentissement marqué, est toujours solide, malgré les épisodes anxiogènes de SVB ou du Crédit Suisse. Si les résultats des entreprises seront comme à l’accoutumée les juges de paix, la concentration extrême de la performance aux Etats-Unis sur les GAFAM milite pour une pause au 2nd semestre. Acheter les replis et vendre les rebonds marqués pourrait être une stratégie payante pour les mois d’été sur ce type de méga capitalisations alors que les petites et moyennes valeurs, particulièrement en Europe, sont clairement selon nous à des points d’entrée de moyen terme. Quant au crédit d’entreprise, qu’il soit Investment Grade ou High Yield, il propose en zone Euro un couple rendement risque attractif, alors que le risque de duration se modère après la séquence active de hausses de taux.