Puces IA : la stratégie choc de Nvidia face à la guerre des tarifs

Un géant de la tech qui retourne sa chaîne de production. Un pari industriel à plusieurs centaines de milliards. Et des décisions politiques qui secouent la planète microprocesseur. Une mutation est en cours.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 15 avril 2025 9h16
7 000 milliards de dollars : Nvidia deviendra-t-elle la nouvelle reine de la tech ?
Puces IA : la stratégie choc de Nvidia face à la guerre des tarifs - © Economie Matin
500 MILLIARDS $Nvidia prévoit d’atteindre 500 milliards de dollars d’infrastructures IA produites sur le territoire américain d’ici à 2029

Le 14 avril 2025, Nvidia a confirmé un changement d’orientation radical : la fabrication de ses puces d’intelligence artificielle et de ses superordinateurs ne se fera plus seulement en Asie, mais aussi sur le sol américain. Une décision qui intervient dans un climat de tensions commerciales aiguës et qui redéfinit, à grande vitesse, l’équilibre géopolitique de l’industrie des semi-conducteurs.

Nvidia rapatrie ses supercalculateurs : l’Amérique au cœur de la production IA

C’est un basculement industriel majeur. Nvidia a annoncé que l’assemblage, les tests et la production de ses puces Blackwell et de ses stations IA DGX Station et DGX SuperPOD seront désormais effectués aux États-Unis. Plus précisément, les puces seront traitées en Arizona par TSMC, Amkor et SPIL, tandis que les ordinateurs seront produits à Dallas et Houston, au Texas, en collaboration avec Wistron et Foxconn.

Objectif affiché : déployer plus d’un million de pieds carrés d’infrastructures industrielles pour répondre à une demande exponentielle en matière d’ordinateurs dédiés à l’intelligence artificielle. Et si ce chiffre semble déjà vertigineux, il ne représente qu’un volet d’un programme plus vaste : Nvidia prévoit d’atteindre 500 milliards de dollars d’infrastructures IA produites sur le territoire américain d’ici à 2029, comme l’a affirmé Jensen Huang dans un billet publié sur le blog officiel de l’entreprise : « Les moteurs de l’infrastructure IA mondiale sont désormais construits pour la première fois aux États-Unis.

Trump, douanes et relocalisation : quand l’effet boomerang devient stratégie

Derrière ce mouvement de relocalisation se cache une tension commerciale bien connue. Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump multiplie les mesures protectionnistes. Le 3 avril 2025, il a imposé une nouvelle salve de droits de douane sur les composants électroniques : 34 % sur la Chine, 32 % sur Taïwan, 25 % sur la Corée du Sud. Même les assemblages de circuits imprimés sont désormais menacés de surtaxe.

Si les semi-conducteurs sont temporairement épargnés, les analystes restent sceptiques : « Le matériel qui alimente les centres de données va devenir beaucoup plus cher », avertit Gil Luria, analyste chez D.A. Davidson cité par Reuters. De quoi remettre en cause des projets aussi gigantesques que Stargate, l’initiative d’OpenAI, Oracle et SoftBank visant à créer 20 data centers pour un coût total annoncé de 500 milliards de dollars.

Dans ce contexte, la manœuvre de Nvidia s’inscrit dans une logique de réduction des risques douaniers, mais aussi de conformité réglementaire. Comme le résume le communiqué officiel de la Maison-Blanche : « C’est l’effet Trump. Nvidia prend les devants, entraînant une dynamique inédite dans la fabrication de puces sur le sol américain. »

Un enjeu stratégique dans la guerre des puces : résilience, souveraineté, domination

Nvidia n’est pas seul à anticiper les bouleversements du secteur. L’entreprise taïwanaise TSMC, leader mondial de la fonderie, a obtenu une subvention de 6,6 milliards de dollars dans le cadre du CHIPS and Science Act américain. En échange, elle s’est engagée à investir 100 milliards de dollars aux États-Unis sur dix ans. Même son de cloche pour AMD, Intel ou Broadcom, qui révisent leurs plans d’expansion ou de localisation.

Cette vague de rapatriements ne se limite pas à une simple réaction fiscale : elle traduit une redéfinition du rapport de force mondial autour de l’intelligence artificielle, de la résilience des chaînes d’approvisionnement et de la souveraineté technologique. Une dynamique qui trouve un écho particulier alors que les tensions avec la Chine s’accentuent et que l’administration américaine évoque ouvertement la stratégie du « découplage technologique ».

Ce que l’on observe n’est pas une simple manœuvre de communication ou une stratégie ponctuelle d’évitement fiscal. Nvidia s’implante structurellement aux États-Unis. Elle le fait dans un climat politique où les barrières douanières sont devenues aussi stratégiques que les algorithmes. Elle le fait aussi pour anticiper les réallocations budgétaires des géants du cloud, contraints de revoir à la baisse leurs dépenses d’infrastructure. Et elle le fait, enfin, pour se positionner comme l’architecte de la future domination industrielle de l’IA made in USA.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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