Puces IA : les USA serrent la vis, Chine et UE tremblent

Les nouvelles restrictions américaines sur les exportations de puces destinées à l’intelligence artificielle suscitent une onde de choc internationale. Alors que Washington invoque des raisons de sécurité nationale, cette mesure accentue les tensions avec la Chine et inquiète l’Europe, révélant des enjeux économiques et géopolitiques d’une portée considérable.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 14 janvier 2025 à 7h14
Puces IA : les USA serrent la vis, Chine et UE tremblent
Puces IA : les USA serrent la vis, Chine et UE tremblent - © Economie Matin
3,2 MILLIARDS €La France compte 590 start-ups sur l'intelligence artificielle en 2022 (contre 502 en 2021), qui ont levé plus de 3,2 milliards d'euros sur l'année 2022

Le 13 janvier 2025, l’administration de Joe Biden a annoncé un renforcement des restrictions sur l’exportation des technologies d’intelligence artificielle, en particulier les puces de pointe. Ces composants, essentiels au développement des systèmes d’intelligence artificielle et utilisés dans de nombreux secteurs stratégiques, deviennent un nouveau point de friction dans les rivalités technologiques mondiales.

Les États-Unis cherchent à protéger leur position dominante tout en limitant l’accès de leurs adversaires, principalement la Chine, à ces technologies. La décision a toutefois provoqué des réactions vives, non seulement de la part de Pékin, mais également de partenaires historiques comme l’Union européenne qui s’inquiète.

Puces pour l’Intelligence artificielle : les restrictions inquiètent

L’administration Biden a justifié cette décision par des impératifs de sécurité nationale. Les puces concernées, comme les modèles H200 de Nvidia, sont des technologies critiques utilisées dans des applications militaires, des systèmes de surveillance avancés et des algorithmes de cybersécurité. Washington craint que ces outils ne soient détournés pour des activités menaçant ses intérêts ou ceux de ses alliés. « Entre de mauvaises mains, les systèmes d’IA puissants ont le potentiel d’exacerber des risques importants pour la sécurité nationale, notamment en permettant le développement d’armes de destruction massive, en soutenant de puissantes cyberattaques et en contribuant à des violations des droits de l’homme, telles que la surveillance de masse », écrit la Maison Blanche.

Le cadre réglementaire établi impose désormais aux entreprises américaines de solliciter des licences spécifiques avant d’exporter ces technologies. Ces licences sont délivrées de manière restrictive et visent à empêcher tout transfert vers des pays considérés comme adversaires, en premier lieu la Chine, mais aussi la Russie, l’Iran et la Corée du Nord. Gina Raimondo, secrétaire au Commerce des États-Unis, a souligné que ces mesures s’inscrivent dans une stratégie visant à préserver la supériorité technologique américaine face à une concurrence mondiale qui explose.

Cependant, la portée de ces restrictions va bien au-delà des seules exportations. Les entreprises doivent également respecter des quotas stricts sur la diffusion des technologies avancées, même dans les pays alliés. Cette politique reflète une volonté américaine d’imposer un contrôle global sur l’usage des technologies sensibles.

La Chine dénonce une attaque économique et géopolitique

La Chine, principal pays visé par cette décision, a immédiatement réagi en qualifiant les restrictions de violation flagrante des règles commerciales internationales. Selon Pékin, les États-Unis utilisent le prétexte de la sécurité nationale pour entraver son développement technologique et maintenir leur hégémonie mondiale. Le ministère chinois du Commerce a averti que ces mesures pourraient entraîner une fragmentation accrue des chaînes d’approvisionnement technologiques et nuire au commerce mondial.

La Chine, déjà touchée par des sanctions similaires depuis 2023, se trouve désormais confrontée à des obstacles supplémentaires dans son ambition de devenir un leader mondial en intelligence artificielle. Les efforts chinois pour contourner ces restrictions, notamment en renforçant ses capacités locales de production de semi-conducteurs, risquent de ralentir, accentuant sa dépendance à des fournisseurs tiers.

Par ailleurs, cette décision pourrait exacerber la compétition technologique sino-américaine dans des domaines stratégiques comme les infrastructures de données et les supercalculateurs. La montée en puissance des capacités chinoises dans ces secteurs représente un enjeu majeur pour Washington, qui redoute un rééquilibrage des forces technologiques globales.

L’Union européenne : pas concernée… pour l’instant !

Bien que partiellement exemptée des nouvelles règles, l’Union européenne s’est dite préoccupée par les conséquences de ces restrictions. La Commission européenne a critiqué l’approche unilatérale des États-Unis, soulignant que ces mesures risquent d’affaiblir les relations commerciales transatlantiques et de perturber les chaînes de valeur mondiales. « Nous pensons qu'il est également dans l'intérêt de l'économie et de la sécurité des États-Unis que l'UE achète des puces d'IA avancées aux États-Unis sans aucune restriction », juge la Commission.

Les responsables européens ont également mis en avant la vulnérabilité de l’Europe, qui reste fortement dépendante des technologies américaines pour ses propres besoins en intelligence artificielle. Malgré des initiatives telles que le « European Chips Act » lancé en 2022, les capacités européennes de production de puces avancées restent insuffisantes pour répondre à la demande croissante.

Les répercussions sur l’industrie technologique américaine : Nvidia s'inquiète

Les nouvelles restrictions ne sont pas sans conséquence pour les entreprises américaines elles-mêmes. Nvidia, l’un des principaux fabricants de puces concerné, a exprimé son inquiétude quant à l’impact de ces mesures sur ses activités. La Chine représente un marché majeur pour Nvidia, et la perte de ce débouché pourrait réduire considérablement ses revenus.

Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, a toutefois défendu ces restrictions, affirmant qu’elles sont nécessaires pour éviter que des adversaires utilisent des technologies américaines à des fins militaires ou pour mener des cyberattaques. Mais pour les acteurs de l’industrie, la question reste ouverte : ces mesures risquent-elles de freiner l’innovation en privant les entreprises des ressources nécessaires pour développer la prochaine génération de technologies ?

« En tentant de truquer les résultats du marché et d'étouffer la concurrence - l'élément vital de l'innovation - la nouvelle règle de l'administration Biden menace de dilapider l'avantage technologique durement acquis par l'Amérique », pointe Ned Finkle, vice-président des affaires gouvernementales chez Nvidia.

Les puces pour l'IA au centre d'une nouvelle guerre commerciale ?

La décision américaine de renforcer les restrictions sur les puces IA s’inscrit dans un contexte de tensions technologiques et commerciales exacerbées. Si elle reflète la volonté des États-Unis de protéger leur avance technologique, elle soulève de nombreuses questions quant à son efficacité et ses conséquences à long terme. Les réactions de la Chine et de l’Union européenne montrent que ces mesures pourraient fragmenter davantage l’économie mondiale et accentuer les divisions géopolitiques.

Alors que la bataille technologique s’intensifie, le monde se dirige-t-il vers une nouvelle ère de protectionnisme technologique ?

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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