​Des océans mieux protégés grâce à une technologie sous-marine connectée

Face à l’élévation du niveau de la mer, à la pollution par les plastiques et à la surpêche, l’Internet des objets sous-marins (IoUT) élargira considérablement le champ des connaissances sur les mers du monde entier.

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Par Horizon Publié le 12 juillet 2023 à 5h00
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​Des océans mieux protégés grâce à une technologie sous-marine connectée - © Economie Matin
3%Seulement 3% de l’eau est potable sur Terre.

Imaginez des phoques nageant en mer et portant des dispositifs électroniques qui envoient des données en temps réel sur l’eau aux scientifiques, dans leurs laboratoires. Ou des archéologues stationnés près d’une côte alertés automatiquement lorsqu’un plongeur s’introduit dans une épave de valeur.

De tels scénarios deviennent possibles grâce aux technologies sous-marines connectées, qui peuvent aider à surveiller et à protéger les océans, partout dans le monde. Elles peuvent également aider à percer les nombreux mystères que recèle encore la mer.

Nouvelle frontière

«De nombreux financements ont été accordés à des entreprises et à des organismes qui explorent l’espace mais, plus près de nous, les océans restent encore inexplorés», a déclaré Vladimir Djapic, associé pour l’innovation du projet TEUTA financé par l’UE.

La Terre est recouverte à environ 70 % d’océans et plus des quatre cinquièmes d’entre eux n’ont jamais été cartographiés, explorés ou même vus par l’homme.

L’Internet des objets sous-marins, ou IoUT, est un réseau de capteurs et d’appareils intelligents et interconnectés qui facilitent la communication en mer. Il ne faut pas confondre l’IoUT avec l’Internet des objets, ou IoT, qui couvre tous les systèmes, des smartphones jusqu’aux appareils qui permettent d’allumer à distance le chauffage de son domicile.

Le projet TEUTA a débuté en octobre 2020 et s’est achevé en mars 2022. Il a aidé une société croate, H20 Robotics, à développer et à vendre des dispositifs acoustiques légers et peu coûteux ainsi que des plateformes robotiques pour créer des réseaux sans fil sous-marins.

«Jusqu’ici, le nombre de réseaux sous-marins était limité, nous ne pouvions explorer que des zones côtières limitées», a déclaré M. Djapic, directeur général de H20 Robotics, à Zagreb.

Les progrès réalisés dans les technologies sous-marines devraient transformer de nombreux secteurs, notamment ceux de la biologie marine, de la surveillance de l'environnement, de la construction et de la géologie.

Communiquer comme les baleines

Le projet TEUTA a développé une technologie acoustique qui imite la façon de communiquer des baleines et des dauphins.

Les ondes acoustiques, contrairement à celles des communications radio ou optiques, parcourent de longues distances sous l’eau, qu’elle soit trouble ou limpide.

Des capteurs à distance, des outils de mesure, des systèmes de détection ou des caméras installés sur un site sous-marin collectent des données puis les envoient à une bouée flottant en surface. La bouée renvoie à son tour les informations sans fil à la base, via le cloud, sans que des câbles de communication soient nécessaires.

M. Djapic explique que le projet s’attache en particulier à améliorer les communications entre les plongeurs et leurs collègues restés à terre.

«Un plongeur travaillant par exemple dans la construction sous-marine peut envoyer un message à un superviseur et demander des renforts, des outils supplémentaires, etc.», a ajouté M. Djapic.

Des scientifiques pourraient aussi être en capacité, par exemple, d’allumer à distance, depuis leurs laboratoires, un appareil de mesure de la qualité de l’eau installé sur le fond marin.

De leur côté, des archéologues pourraient utiliser cette technologie pour mieux protéger les sites sous-marins vulnérables au moyen de dispositifs de détection des intrusions positionnés dans les zones difficilement accessibles.

En effet, la technologie TEUTA viendra en aide à TECTONIC, un autre projet soutenu par l’UE, dont l’objectif est d’améliorer la documentation et la protection du patrimoine culturel subaquatique sur trois sites pilotes.

Les sites concernés sont la réserve marine de Capo Rizzuto dans le sud de l’Italie, l’ancien port submergé d’Égine dans le golfe Saronique, en Grèce, et un site d’épave dans l’estuaire de Deseado, en Argentine.

Selon M. Djapic, d’autres utilisations sont envisagées, notamment dans l’agriculture ou l’exploitation minière sous-marine.

En ce qui concerne les organismes publics ou les organisations non gouvernementales qui surveillent la qualité de l’eau, la technologie pourrait éviter aux chercheurs d’avoir à aller collecter physiquement des échantillons pour les fournir aux laboratoires.

Si le projet TEUTA a donné un coup de pouce aux technologies de communication sous-marines balbutiantes, un travail reste à faire pour les commercialiser et les utiliser à plus grande échelle, selon M. Djapic.

«Tous les aspects doivent être analysés», a-t-il déclaré. «Notre technologie permet de mesurer les paramètres environnementaux.»

Capteurs et échantillonneurs

Pendant ce temps, en Italie, une équipe de chercheurs étudie une nouvelle approche de collecte de données océaniques à l’aide de capteurs et d’échantillonneurs qui pourraient être intégrés aux observatoires et plateformes actuels.

Ceci permettrait de recueillir de grandes quantités d’informations utiles, par exemple, dans le cadre du projet de Jumeau numérique européen de l’océan annoncé en février 2022. Le jumeau sera une réplique numérique en temps réel de l’océan, intégrant à la fois des données historiques et en direct.

En développant une nouvelle génération de technologies marines, le projet NAUTILOS, financé par l’UE, rassemblera des informations jusqu’ici inaccessibles et aidera à mieux comprendre les changements physiques, chimiques et biologiques qui s’opèrent dans les océans.

Le projet d’une durée de quatre ans, qui prendra fin en septembre 2024, est coordonné par Gabriele Pieri du Conseil national de la recherche, à Rome.

«Notre proposition a pour but de combler une lacune dans l’observation des océans», a déclaré M. Pieri. «Ce sont les plus habitats les plus vastes de la planète, mais aussi les moins observés en raison des difficultés rencontrées in situ pour procéder à l’observation et des coûts de surveillance.»

La technologie NAUTILOS est déjà testée en mer Baltique et en Méditerranée, y compris en mer Égée et dans l’Adriatique.

Les capteurs peuvent, par exemple, mesurer les niveaux de chlorophylle-A et d’oxygène dissous dans l’eau. Ce sont d’importants indicateurs de la qualité de l’eau et, par extension, de la présence de poissons. Ils contribuent donc à protéger les réserves halieutiques.

Les capteurs et les échantillonneurs qui recueillent des informations sur la concentration de microplastiques dans l’eau permettent également de mieux comprendre l’impact de la pollution d’origine humaine sur les océans.

Des alliés inattendus

L’un des partenaires de NAUTILOS, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a même recruté des collaborateurs improbables: des phoques.

Nageant au large de la péninsule de Valdès, en Argentine, ces créatures marines ont été équipées de capteurs qui enregistrent de précieuses données sur leur espèce et sur leurs habitats.

L’équipe de NAUTILOS, composée d’instituts de recherche et d’entreprises, est en train de mettre au point plus d’une douzaine de types de capteurs et d’échantillonneurs. On y trouve notamment des technologies de télédétection et des détecteurs de microplastiques.

Le projet cherche à démontrer que les nouveaux outils peuvent fonctionner indifféremment avec les plateformes existantes et celles de demain, et ont la capacité de passer facilement des unes aux autres.

Relativement bon marché, les outils peuvent être déployés rapidement et fonctionnent conjointement avec d’autres équipements, offrant ainsi de nombreux avantages. Un capteur peut, par exemple, être monté sur un véhicule sous-marin autonome puis installé sur une bouée fixe.

La science citoyenne est un aspect important du projet NAUTILOS, qui fait appel à des bénévoles pour organiser, par exemple, des campagnes autour des plastiques présents dans les océans. Il met aussi à contribution des associations de plongée sous-marine en invitant leurs membres à tester de nouvelles technologies et à donner leur avis.

L’équipe a également développé une application pour smartphone qui permet aux plongeurs de télécharger des photos de la flore ou de la faune sous-marine afin qu’elles puissent être évaluées par des chercheurs.

«L’intérêt suscité par la science citoyenne m’a vraiment surpris», a déclaré M. Pieri. «Beaucoup de gens sont prêts à aider à améliorer la vie marine.»

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation. 

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