Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) que le gouvernement s’apprête à valider par décret est inefficace pour la décarbonation et coûteux pour l’Etat et les Français.
La future programmation énergétique de la France est mensongère

En termes feutrés, le Haut-commissaire à l’énergie atomique la qualifie de « trop ambitieuse »… et le Sénat trouve ce projet « incohérent » et « déficient ».
Une autre voie est possible
Le chemin viable pour la décarbonation complète de la France en 2050 consiste à remplacer les énergies fossiles par des énergies décarbonées : électricité, biomasse, biocarburants mais à condition de se focaliser :
- sur les secteurs les plus émetteurs de carbone. En 2019, 70% des émissions de CO2 provenaient de trois secteurs : le transport, le bâtiment et l’industrie ;
- et de relever le défi de la hausse des besoins en électricité avec des marges de sécurité.
Le meilleur scénario donne la priorité au nucléaire et aux énergies renouvelables pilotables (donc pas aux éoliennes ni aux panneaux photovoltaïques) avec le maintien de la part du nucléaire et de l’hydraulique complétée par du gaz et du biogaz pour les pointes.
Ce scénario permettrait au moins 300 milliards d’économies d’investissement dans le système électrique (production + réseau).
Des mensonges entretenus
Ce projet de PPE 3 entretient trois mensonges :
- Sur la complémentarité entre l’énergie d’origine nucléaire et les énergies renouvelables intermittentes du vent et du soleil (EnRI) ;
- Sur la sécurité apportée par les énergies intermittentes en entretenant la confusion entre la puissance électrique installée nécessaire pour éviter les coupures et la production cumulée d’électricité. Non seulement les besoins en électricité ne sont pas supérieurs à nos capacités de production mais la capacité de production des énergies renouvelables intermittentes du vent et du soleil est minime au regard des capacités installées ;
- Et sur le coût du nucléaire qui reste la source d’énergie massive la moins chère pour les Français.
Reconstruire toute la filière nucléaire prendra du temps. La timidité des pouvoirs publics n’aide pas à la relancer faute d’une vision prospective à 30 ans et ses atermoiements contribuent aux difficultés financières d’EDF résultant du pillage de ses ressources par l’ARENH et l’Etat.
Trois mesures immédiates à prendre
- Suspendre la procédure d’adoption par décret de la PPE 3 qui suscite les fortes réserves des institutions consultées.
- Suspendre tout nouveau contrat de subvention ou garantie de prix aux nouveaux projets d’ENR intermittentes.
- Commander à RTE l’étude du scénario du Cérémé (Cercle d'Étude Réalités Écologiques et Mix Énergétique) et organiser un débat sur ses mérites comparés.
Les objectifs
Faire de la relance du nucléaire une priorité affirmée constituant la colonne vertébrale de la réindustrialisation de la France, malgré les inévitables difficultés du redémarrage après 20 ans d’arrêt.
Combattre les directives de l’Europe qui excluent le nucléaire des énergies favorables au climat et imposent des pourcentages élevés d’ENRi (directive RED) dans la production d’électricité contrairement aux traités qui permettent une liberté des choix technologiques.
Donner à EDF sa pleine responsabilité des choix industriels et cesser le pillage fiscal et de ses liquidités (« cash flows ») au profit des fournisseurs alternatifs ou des ENRi.
Il existe des risques de sous-production et de surproduction (les deux coûtent cher), ainsi que de grandes incertitudes dans les prévisions, notamment sur la demande (véhicules électriques, hydrogène, réindustrialisation, …).
Le risque de surproduction pourrait amener à payer deux parcs de production d’électricité utilisés à moitié.
Le coût de fourniture élevé est lié à une fiscalité excessive (taxes) liée historiquement à des subventions aux EnRI, ainsi qu’aux tarifs d’accès aux réseaux accentués par le problème de l’électricité clandestine des « loop-flows » liés aussi aux mêmes EnRI.
Les trois mesures à prendre immédiatement par le gouvernement :
- Suspendre la publication du décret PPE 3 ;
- Arrêter les subventions et garanties de prix aux EnRI (solaire et éolien) ;
- Organiser un débat contradictoire au Parlement autour scénario du Cérémé.
Il s’agit de faire du nucléaire la grande priorité nationale pour la sécurité et la souveraineté énergétiques, la réindustrialisation, et la défense du pouvoir d'achat des Français.
Comment empêcher les administrations de dépenser 300 milliards pour dupliquer notre système de production électrique et doubler le coût de l'électricité en France ?
Le Sénat essaye… (Voir la lettre au Premier ministre en annexe).
164 sénateurs de la majorité de droite et du centre ont demandé le 11 mars 2025 au Premier ministre de renoncer à la validation de la future Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE 3) par décret. Ils jugent son contenu fragile et estiment que le Parlement doit pouvoir se prononcer sur la stratégie énergétique et l’avenir du mix énergétique français.
La PPE 3 en projet est mensongère. Si divers organismes scientifiques la dénoncent, si le Haut-commissaire à l’énergie atomique (Vincent Berger) la critique comme « trop ambitieuse », et si le Sénat s’alarme et demande sa révision, pourquoi le gouvernement semble rester aveugle et sourd ?...
Annexe
Monsieur le Premier Ministre,
Nous souhaitons vous faire partager notre inquiétude au sujet du projet de Programmation Pluriannuelle de l'Energie (PPE 3) que le gouvernement envisagerait de valider sous la forme d'un décret.
La concertation publique sur le sujet aurait dû faire sensiblement évoluer ce projet mais cela n'a malheureusement pas été le cas.
Le dossier à l'appui du projet de décret, nous apparaît en effet souvent incohérent en termes de chiffrages, insuffisamment documenté au niveau des choix proposés, fragile sur le plan de la demande d'énergie et l'offre, indigent sur le chiffrage économique d'ensemble et de détail.
En outre son évaluation environnementale est déficiente. Ce projet de décret se présente donc tout au plus comme un empilement de solutions de production, un saupoudrage en réponse aux pressions des différentes filières, sans aucune vision globale et avec des effets négatifs pour de nombreuses années pour les particuliers comme pour les entreprises.
Par ailleurs, et ce n'est pas son moindre défaut, ce projet de PPE 3 ne tient pas compte des conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur la production, la consommation et les prix de l'électricité ni de la Proposition de Loi « Programmation nationale et Simplification normative dans le secteur énergétique » adoptée au Sénat le 16 octobre dernier. Le travail parlementaire et en l'occurrence celui du Sénat ne peut être à ce point ignoré surtout dans le contexte politique actuel.
Aussi nous vous demandons de renoncer à la publication de ce décret et à reprendre le travail collectif initié au Sénat pour permettre au Parlement de voter sur le futur mix énergétique. Sur un sujet aussi majeur pour l'avenir de notre pays il nous semblerait totalement inconcevable que la représentation nationale soit ignorée.
Espérant que vous serez sensible à nos inquiétudes et que vous répondrez favorablement à notre demande, nous vous prions de croire, monsieur le Premier Ministre, à l'expression de notre haute considération.
Stéphane PIEDNOIR Sénateur de Maine-et-Loire, Vincent DELAHAYE Sénateur de l'Essonne ainsi que 162 autres Sénateurs signataires.