Nous voilà repartis pour le psychodrame de chaque début d’année avec l’annonce de l’ouverture des négociations entre les distributeurs et leurs fournisseurs pour le référencement des produits commercialisés à marques nationales.
Négociations commerciales : Et si les distributeurs affichaient leurs prix d’achat pour sortir du jeu de dupes une bonne fois pour toutes ?

Il y a bien sûr le camp du « bien » et le camp du « mal ». Tous les clichés sont recyclés et resservis sur les plateaux de télévision comme un bon remake. D’un côté, les chevaliers blancs de la distribution ; de l’autre, les industriels de l’agroalimentaire…
Le consommateur est pris à témoin, le message subliminal : « Nous (les distributeurs) voulons passer des baisses de prix, justifiées par l’évolution des coûts de matières premières ou de l’énergie ! Mais les industriels veulent encore augmenter leurs prix... Vous pouvez venir faire vos courses dans nos magasins, nous défendons votre pouvoir d’achat !»
Mettre carte sur table
Curieuse posture au regard du rapport de force en place entre ces protagonistes. Est-ce à dire que la situation des distributeurs ne leur permet pas de négocier correctement leurs achats ? Est-ce à dire que l’offre marque distributeur (MDD) ne peut rivaliser avec les marques nationales ? Est-ce à dire qu’ils réclament l’assistance de l'État pour les soutenir dans leurs négociations ?
Non bien sûr. Tout cela relève d’un plan de communication de plus en plus huilé d’année en année. L’image de gentils distributeurs, responsables, complices des PME et en lutte contre les grands groupes internationaux - qui pourtant envahissent leurs linéaires et accroissent leurs profits - se peaufine.
L’argument massue brandi par tous est l’opacité des grands groupes sur leurs coûts de production. Or, cet argument semble peu cohérent avec la croissance des parts de marché des MDD, qui, par nature, confèrent aux distributeurs une parfaite connaissance des coûts pour des produits équivalents. Il est difficile d’imaginer qu’un groupe de distribution pesant plusieurs pourcents de parts de marché ne dispose pas des compétences nécessaires pour maîtriser ces éléments.
Afficher les prix d'achat
Mais ne faisons pas la fine bouche et sachons tirer parti de cette quête de transparence. Je propose donc que nos chers distributeurs, dont nous ne saurions douter de la sincérité, s’appliquent à eux-mêmes ces exigences. Comme nous le faisons depuis la création de notre réseau écomiam, 3ème réseau spécialisé dans la distribution de produits surgelés français, j’invite mes collègues distributeurs à afficher en magasin le prix d’achat des produits agroalimentaires ainsi que leur marge. C’est le parti pris assumé que je mets en œuvre depuis 15 ans, pour rendre accessible une alimentation de qualité, 100% d’origine France, sans sacrifier nos agriculteurs sur l’autel d’une concurrence déloyale.
L’affichage du prix d’achat permettra au consommateur de mieux apprécier la différence de valeur entre les différents produits (MDD, marque nationale, premiers prix) indépendamment du niveau de marge appliqué par le distributeur. L’autre avantage pour les filières de production est que le prix d’achat sera définitivement fixé lors de la vente aux consommateurs. Les industriels n’auront plus à anticiper d’éventuelles rétrocessions de prix futures, ce qui les poussent à sans cesse mettre la pression sur l’amont (les agriculteurs) pour en amortir les effets. Enfin, cette pratique permettrait de rationaliser et de rendre plus lisibles les promotions proposées aux consommateurs, évitant ainsi les effets de leurre.
Pour conclure, l’accumulation des règles ou des lois censées rééquilibrer le rapport de force entre les différents acteurs de la chaîne alimentaire a montré ses limites. Au final, les plus puissants s’en accommodent toujours mieux et à leur avantage, au détriment du maillon le plus faible : les agriculteurs. La proposition formulée permettrait de s’affranchir de ce maquis administratif et de redonner plus de vigueur à la nécessaire concurrence de l’offre, dans une confrontation enfin clarifiée.