Des prisonniers à Versailles : la réinsertion qui ne passe pas

Une récente initiative visant à organiser une sortie pour des prisonniers au Château de Versailles suscite une vive polémique en France. Prévue pour le 27 juin prochain, cette sortie comprend une visite du château, une promenade dans les jardins, et un pique-nique, le tout financé par l’administration pénitentiaire. Ce projet, destiné à favoriser la réinsertion sociale des détenus, choque de nombreux Français et soulève des questions de sécurité et de coût.

Ade Costume Droit
Par Adelaïde Motte Publié le 22 mai 2024 à 17h00
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Des prisonniers à Versailles : la réinsertion qui ne passe pas - © Economie Matin

Une initiative de réinsertion sociale des prisonniers

La prison de Toul, située en Meurthe-et-Moselle, a voulu proposer aux détenus une visite du Château de Versailles pour le 27 juin, dans le cadre de leur réinsertion sociale des détenus. Une affiche apposée dans le centre de détention a présenté l'initiative aux prisonniers, qui seront transportés en bus sur plus de 350 kilomètres jusqu'au Château. La visite inclura une promenade dans les célèbres jardins du château et un pique-nique.

Selon le ministère de la Justice, cette activité n'est pas un simple divertissement, mais une opportunité pour les détenus de travailler sur des compétences utiles pour leur retour à la vie civile. Cependant, cette perspective n'atténue pas les critiques concernant le coût et la sécurité de l'événement.

Sécurité et logistique : un parcours semé d'embûches

L'organisation de cette sortie pose toutefois de sérieuses questions de sécurité. Entre 10 et 15 détenus, condamnés pour des crimes graves tels que des meurtres ou des viols, seront accompagnés de seulement trois surveillants. Ce sous-effectif est une source d'inquiétude majeure pour les syndicats de police et les agents pénitentiaires.

La question est d'autant plus prégnante que cet événement intervient une semaine après l'évasion de Mohamed Amra, à Incarville (Eure). Deux agents avaient été blessés dans l'attaque du fourgon transportant le détenu et beaucoup de professionnels, experts et commentateurs avaient pointé des défauts de sécurité. Les syndicats de police craignent des incidents, voire des évasions, pendant le trajet ou sur le site touristique bondé de visiteurs.

Une activité pour les prisonniers, des efforts pour les Français

La réinsertion des prisonniers est garantie par la loi, ce qui doit permettre aux prisonniers d'exercer au moins une activité parmi les suivantes : le travail, la formation professionnelle, l'insertion par l'activité économique, l’enseignement, les activités éducatives, culturelles, socioculturelles, sportives et physiques. La plupart du temps, ce sont les activités ludiques et culturelles diverses qui choquent la population. En effet, étant donné les efforts auxquels sont contraints de nombreux Français, l'idée que des détenus puissent profiter de compétitions de sport ou de visites culturelles les choque. « Les places pour le château sont chères. En offrir aux détenus. Cette image renvoyée par l’État est mal venue. Ils feraient mieux de les offrir à des gamins », dénonce un policier des Yvelines.

Les syndicats de police ont fermement condamné cette initiative, la qualifiant d'« irresponsable » et de « scandaleuse ». Alliance Police Nationale a même diffusé un montage sur X (anciennement Twitter), regrettant que « le chemin de la politique pénale de fermeté [soit] encore bien loin » et assimilant les prisons à des lieux de « divertissement ». Jérome Vitry, délégué départemental de police Alliance 78, a exprimé son indignation sur CNEWS : « Comment peut-on, au vu du contexte, conserver l'idée ? On se rend compte qu’il y a des détenus avec l’argent de nos impôts qui vont pouvoir profiter d’une journée détente, pédagogique au Château de Versailles. La prison ce n’est pas le Club Med. »

Le ministère de la Justice, pour sa part, a tenté de rassurer en affirmant que les détenus seraient soigneusement sélectionnés et que la sécurité serait optimale, avec un soin tout particulier apporté au tri des détenus participant à l'activité. Malgré ces assurances, la controverse ne faiblit pas.

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Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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