Le fournisseur de gaz Primagaz est sous haute tension. Depuis plus d’un an et demi, ses bénéficiaires rapportent des dérèglements en cascade : anomalies de facturation, prélèvements incontrôlés, courriers d’impayés illisibles… Et au milieu de ce chaos, une menace constante : l’interruption des livraisons, fréquemment exécutée, même en pleine période hivernale. Une punition infligée parfois à des destinataires parfaitement de bonne foi, seuls coupables d’un dispositif de facturation devenu incontrôlable.
Chez Primagaz, le bazar comptable devient explosif : factures incohérentes, clients à bout, service client en fuite

Et ce, malgré l’alerte officielle lancée en novembre 2024 par le Médiateur national de l’énergie, qui avait publié une mise en garde inédite, accompagnée de reproductions de courriers clients. Rien n’y a fait. La preuve par l’absurde avec les documents toujours reçus aujourd’hui par de nombreux usagers.
Mensualisation sabotée : la promesse d’un service stable part en fumée
Ils seraient des milliers, voire des dizaines de milliers, à recevoir des documents kafkaïens, leur réclamant le règlement de sommes postérieures à une livraison de gaz, sans aucune explication, alors qu’ils sont déjà mensualisés.
En mars 2025, un couple d’usagers de Primagaz reçoit une relance d’impayé de 1 521,70 €, avec un tableau illisible rempli de lignes contradictoires : +189 €, –189 €, +442 €, tous associés à des numéros identiques, tous datés du même jour. Impossible de savoir s’il s’agit de factures, de régularisations, ou de simples lignes comptables : aucun solde initial, aucun solde final, aucune logique.
Comble de l’ironie, le courrier leur reproche le rejet bancaire du paiement, alors que c’est le service client de Primagaz lui-même qui leur avait conseillé de procéder ainsi, au motif qu’ils étaient mensualisés ! Une demande d’éclaircissement ouverte mi-janvier 2025 reste à ce jour sans réponse sur l’espace client.
À la lecture de ce courrier, difficile de trancher : est-ce un relevé de compte ou un tirage du Loto ? Une certitude : les droits des consommateurs sont bafoués, tout comme les règles élémentaires du droit commercial.
Dans une lettre de réclamation datée du 21 mars 2025, les destinataires du courrier dénoncent une situation absurde. Ils exigent un relevé intelligible de leur situation comptable, accompagné de l’intégration claire et justifiée de toute régularisation à venir dans leur échéancier de mensualisation.
Primagaz épinglé : une alerte sans effet du Médiateur de l’énergie
Dès le 14 novembre 2024, le Médiateur national de l’énergie alertait sur les « dysfonctionnements graves et persistants » causés par le changement de système informatique chez Primagaz.
Blocage de prélèvements, factures absentes, doubles paiements, compteurs non enregistrés, service client injoignable… En mars 2025, le constat est identique. Lors de notre test, après sept minutes de message automatique, le service client coupe la ligne sans avertissement.
Depuis l’automne 2023, les clients du fournisseur de gaz de pétrole liquéfié (GPL) Primagaz sont pénalisés par le changement de système d’information de l’entreprise.
Dans un courrier en date du 28 octobre 2024, Olivier Challan Belval, médiateur, exhortait le PDG de Primagaz, Jan Schouwenaar, à dédommager les usagers lésés et à régler l’ensemble des anomalies avant fin 2024. Ce dernier avait évoqué des « efforts » engagés, mais pointé un « impact financier non négligeable » pour l’entreprise.
L'entreprise sous pression : les clients fuient, la réputation vacille
À l’approche du printemps 2025, la situation est toujours critique. Les relances automatiques sans justification continuent d’affluer, pendant que les canaux de médiation restent bloqués. L’exaspération des usagers atteint un point de rupture, et la concurrence en profite pour récupérer les abonnés désabusés avec des offres transparentes et un service plus réactif.
Chaque usager devient ainsi une cuve de gaz émotionnel, sur le point d’exploser sous la pression du non-sens administratif.
Le cas Primagaz s’ajoute à une série noire de fiascos informatiques dus à des transitions mal maîtrisées. Entre 2011 et 2014, le logiciel Louvois de l’armée française a laissé des milliers de militaires dans la précarité, avec salaires oubliéset erreurs massives. Le système fut qualifié d’« incontrôlable » par le ministère de la Défense, puis abandonné.
En début 2024, c’est la police nationale qui a été victime d’un nouvel incident, avec primes non versées ou mal calculées, suscitant une forte colère syndicale. Dans le privé, EDF, Free, SNCF ont également vécu des crises similaires, noyant leurs services clients sous les réclamations.
Le schéma est toujours le même : migration précipitée, tests insuffisants, communication floue, et opacité envers les usagers. Et toujours les mêmes perdants : les abonnés, les agents, les citoyens.