La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt le 29 juillet 2024 concernant deux affaires jointes (C-112/22 CU et C-223/22 ND) portant sur l’accès des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée aux mesures de sécurité sociale, d’aide sociale ou de protection sociale. En particulier, la question était celle de savoir s’il était possible de réduire l’accès à ces aides, ce qui revient à trancher sur l’idée de « préférence nationale » avancée par l’Extrême-Droite.
La préférence nationale pour les aides sociales ? la CJUE dit « nein » !
Or, c’est simple : ce n’est pas possible.
La directive 2003/109/CE au centre de l’affaire
La directive 2003/109/CE établit les conditions pour que les ressortissants de pays tiers obtiennent le statut de résidents de longue durée dans l'Union européenne. Un élément clé de cette directive est l'égalité de traitement avec les ressortissants nationaux en matière de sécurité sociale et d'aide sociale, après une période de résidence légale et ininterrompue de cinq ans dans un État membre.
Ce qu’a dit la CJUE concernant l’accès aux aides
Non-Discrimination et Égalité de Traitement
La directive prévoit que les ressortissants de pays tiers résidents de longue durée doivent bénéficier des mêmes droits que les citoyens de l'UE après cinq ans de résidence légale. Toute prolongation de cette période de résidence comme condition pour accéder à ces droits est contraire à la directive. Par conséquent, la condition de résidence de dix ans imposée par certains États membres est considérée comme une violation de cette directive.
« Un État membre ne peut subordonner l’accès des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée à une mesure de sécurité sociale, d’aide sociale ou de protection sociale à la condition, qui s’applique également aux ressortissants de cet État membre, d’avoir résidé dans cet État membre au moins dix ans, dont les deux dernières années de manière continue. Il lui est également interdit de punir pénalement une fausse déclaration concernant une telle condition de résidence illégale », écrit ainsi la CJUE.
La préférence nationale, une "discrimination Indirecte"
La CJUE a déterminé que l'exigence d'une résidence de dix ans, ce que demandait l’Italie, constitue une discrimination indirecte. Même si cette condition s'applique également aux ressortissants nationaux, elle affecte de manière disproportionnée les non-nationaux. Ce qui signifie que bien que la loi soit formulée de manière neutre, elle a un effet discriminatoire en pratique.
Les deux affaires examinées par la CJUE concernaient des ressortissantes de pays tiers résidentes en Italie qui avaient faussement déclaré répondre à la condition de résidence de dix ans pour obtenir le "revenu de citoyenneté". L'une était arrivée en 2012 et l'autre en 2013, donc ni l'une ni l'autre ne remplissait la condition de résidence continue de dix ans requise par la législation italienne. La Cour a jugé que cette condition violait la directive européenne en prolongeant de manière unilatérale la période de résidence requise.
Implications de la décision de la CJUE sur les aides sociales
Accès aux Aides Sociales : Les ressortissants de pays tiers ayant résidé légalement pendant cinq ans dans un État membre doivent avoir accès aux mêmes aides sociales que les ressortissants de cet État. Les États membres ne peuvent pas exiger une résidence plus longue.
Jurisprudence : Cet arrêt crée un précédent juridiquement contraignant pour tous les États membres de l'UE. Les juridictions nationales doivent s'y conformer, et toute législation nationale qui impose des conditions de résidence plus longues sera susceptible d'être annulée.
Politiques d'Immigration : Les politiques nationales visant à restreindre l'accès aux aides sociales par des conditions de résidence prolongées seront limitées par cette jurisprudence.