Les alternants, grands oubliés de la précarité étudiante

54% des étudiants déclarent sauter des repas pour des raisons financières contre 42% en 2022 et 76% d’entre-eux ont « un reste à vivre » de moins de 100 euros par mois*. Ces chiffres en hausse concernent désormais les étudiants en alternance. Avec un salaire qui oscille entre 900 et 1300 euros, je vous mets au défi de vivre aujourd’hui dans une ville comme Lyon en payant chaque mois un loyer pour un logement correct et en s’alimentant sainement.

Arthur Martel Mbway Lyon 2
Par Arthur Martel Publié le 12 février 2024 à 5h00
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précarité, étudiants, alternants, solutions, aide - © Economie Matin
1000 EUROSLes dépenses mensuelles des étudiants sont désormais toujours supérieures à 1.000 euros par mois.

Les jeunes en alternance ne sont plus les étudiants riches et privilégiés de l'enseignement supérieur. Longtemps épargnés, ils subissent désormais de plein fouet la précarité. Alors qu'un jeune souhaite souvent s'émanciper en choisissant l'alternance, il peut difficilement vivre décemment dans une grande ville si ses parents ne l'aident pas. Cette situation n'est plus possible !

Cette année, un certain nombre d'étudiants ont été dans l'incapacité de payer la Contribution à la vie étudiante (CVEC). Alors qu'avant cent euros ne représentait pas grand-chose dans le budget des apprentis, c'est aujourd'hui ces même cent euros qui leur manque, nécessitant alors que l'établissement accorde un échelonnage ou une avance. Une situation inédite et pourtant bien révélatrice des répercussions de l'inflation sur la vie des étudiants. Une flexibilité à laquelle vont devoir de plus en plus faire face les établissements.

A cela s'ajoute le fait que certains jeunes vont jusqu'à abandonner leur cursus au profit d'un CDI. Un signal fort et une décision à court terme qui montre qu'aujourd'hui certains étudiants ne peuvent plus patienter jusqu'à la fin de leurs études et sont ainsi prêts à renoncer à leur formation. Ils ne vont pas jusqu'au Bac + 5 par manque de compétences ou d'envie mais parce que leur quotidien leur fait dire qu'ils n'ont pas le choix. Cette situation n'est aujourd'hui pas prise au sérieux avec une communication essentiellement axée sur le développement de l'alternance, ses avantages, le million d'apprentis..  Mais si c'est pour avoir un million d'apprentis qui n'arrive pas à vivre et subvenir à leur besoin cela ne sert à rien. Dans quelles conditions ces jeunes-là vont-ils faire leurs études ? D'autant plus que l'on sait que l'apprentissage est un des rythmes d'étude les plus denses où il faut jongler entre sa vie professionnelle, étudiante et personnelle. Si en plus de cela, les jeunes sont contraints de prendre un travail supplémentaire le week-end pour vivre, nous allons avoir un taux d'échec qui va continuer de s'accroitre.

J'appelle tous les établissements à faire front ensemble !

Nous avons un rôle crucial à jouer en tant que chefs d'établissement car nous partons de zéro. Nous commençons tout juste à appréhender cette précarité au sein de nos campus et nous sommes pourtant déjà bien en retard. Il est nécessaire de prendre conscience que nous n'avons pas le temps de se dire que nous serons opérationnels dans deux ans. Il est urgent d'agir.

Notre mission est multiple.

Commençons par sensibiliser les étudiants sur tout ce qui existe. L'action des associations est externe aux établissements et les élèves ne les connaissent pas forcément.

Notre axe principal en tant que chefs d'établissements pour demain est de mettre en place des choses sur le campus directement. Par exemple, le sujet de la précarité menstruelle semble être aujourd'hui quasiment résolu car des prestataires ont installé depuis quelques années des bornes en libre-service dans les établissements. Mais qu'en est-il des autres sujets ? Il n'existe aujourd'hui pas de prestation de service pour une épicerie solidaire. Pourquoi ne pas investir une pièce dans les campus avec des étagères de rayonnage que l'on vient remplir de produits de première nécessité au même titre que les protections menstruelles ?

Proposons des alternatives qui peuvent réduire les coûts dans la scolarité de nos étudiants. Au lieu de faire payer chaque année une dizaine de livres, privilégions plutôt un abonnement à l'année pour permettre aux jeunes d'accéder à l'ensemble des ouvrages en ligne à moindre coût.

Enfin, conservons cette communication avec nos élèves, primordiale pour déceler cette précarité. Pour cela, dotons-nous des bons interlocuteurs pour dialoguer en confiance avec nos promotions. Il est indispensable de dégager de la ressource pour communiquer, renseigner sensibiliser et surtout aider. Tous les campus devraient avoir cet appui disponible dans leurs établissements.

Confrontés aux mêmes problématiques, il est temps d'œuvrer ensemble privé comme public pour aider nos alternants. Travaillons main dans la main sans se marcher dessus avec exactement les mêmes objectifs : aider les étudiants dans leur précarité afin que cela ne devienne pas un frein dans la poursuite de leurs études.

Aide universelle, revalorisation des APL, plafonnement respecté des loyers

Quelle que soit la forme que cela prend nous devons investir sur cette jeune génération qui a le désir de se former. Et cela peut passer par différentes aides : allocation d'étude universelle, majoration d'APL.. Lançons des chèques alimentaire à utiliser en grande surface comme nous l'avons vu récemment avec les chèques énergie et essence.

Aujourd'hui de par les faiblesses des aides accordées aux étudiants et le manque de soutien du gouvernement à leur égard nous sommes dans l'obligation de faire évoluer nos rôles et de devenir conseiller social. De par nos actions, nous nous substituons en partie à l'état dont sa responsabilité est pourtant de faire en sorte que ses étudiants français puissent étudier dans de bonnes conditions. Pourquoi le gouvernement ne se saisit pas pleinement du sujet du respect de l'encadrement des loyers ? Il est urgent que les jeunes puissent trouver un logement qui ne prenne pas la totalité de leur salaire. Nous faisons tout ce que nous pouvons au sein de nos établissements mais nous n'avons pas ce pouvoir-là.

C'est un cri d'alerte que nous lançons aujourd'hui au gouvernement.

*Étude sociologique menée auprès de 5115 étudiants par l'association Linkee, association d'aide alimentaire aux étudiants en France avec le concours de sociologues des universités Lyon II et Paris Panthéon-Sorbonne

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Arthur Martel Mbway Lyon 2

directeur de MBway Lyon

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