Présentée comme un tournant stratégique, la PPE3 trace la feuille de route énergétique de la France pour la prochaine décennie. Accélération des énergies renouvelables, indépendance énergétique, compétitivité : ce plan peut-il réellement répondre aux défis actuels ? Dans cet article, on décrypte les enjeux et impacts.
La PPE3 est-elle réellement adaptée aux enjeux énergétiques, économiques et sociaux ?

La lutte contre le réchauffement climatique et la nécessité de garantir une sécurité énergétique durable imposent une transformation rapide et profonde de nos modes de production et de consommation. Accélérer la transition énergétique n’est plus une option, mais une réelle nécessité afin de répondre aux enjeux environnementaux.
La Programmation Pluriannuelle de l'Énergie (PPE) est un plan stratégique de l’État français fixant les priorités en matière de politique énergétique pour 10 ans. Elle trace une feuille de route ambitieuse dans le but de réduire la consommation d’énergies fossiles, développer les énergies renouvelables, renforcer les infrastructures et assurer la transition vers la neutralité carbone d’ici 2050, tout en garantissant la compétitivité et la sécurité énergétique.
Ainsi, la troisième édition de ce plan, la PPE3, soulève une question cruciale : est-elle réellement adaptée aux enjeux énergétiques, économiques et sociaux, ou risque-t-elle d'être inefficace face aux contraintes actuelles ?
Impact sur les énergies: fossiles et renouvelables
Volonté de sortie du charbon et du gaz
La PPE3 prévoit l’arrêt définitif de la production d’électricité à partir du charbon d’ici 2027. Aujourd’hui, cette source d’énergie ne contribue plus qu’à une faible part de l’électricité produite en France, avec moins de 1 % du mix électrique. Les dernières centrales en activité, comme celles de Cordemais et Saint-Avold, fonctionnent déjà à un régime réduit et devraient être remplacées par des alternatives plus propres, comme la biomasse ou des centrales à gaz.
La France veut également réduire sa dépendance aux autres énergies fossiles. Le gaz naturel représente environ 20 % de l’énergie consommée en France, tandis que le pétrole reste prédominant dans les transports et l’industrie, couvrant près de 40 % des besoins énergétiques du pays. L’objectif est d’en sortir progressivement d’ici 2050, selon les engagements pris dans l’Accord de Paris pour limiter le réchauffement climatique.
Expansion rapide des ENR et prise d’ampleur du nucléaire dans le mix énergétique français
Pour y parvenir, le développement des énergies renouvelables est une priorité. L’objectif est d’atteindre 40 % de la production d’électricité issue de sources renouvelables d’ici 2030, notamment en renforçant les capacités de l’éolien et du solaire. L’éolien terrestre devrait ainsi passer de 16,5 GW en 2020 à 34,7 GW en 2028, tandis que le solaire photovoltaïque augmenterait de 10,2 GW à 44 GW sur la même période. L’hydrogène vert, produit à partir d’énergies renouvelables, permettrait notamment de décarboner l’industrie et les transports lourds. Pour y parvenir, cela implique une adaptation du réseau électrique ainsi que l’acceptation locale des infrastructures.
Le nucléaire quant à lui reste un pilier du mix énergétique français. La PPE3 prévoit la construction de nouveaux réacteurs pour remplacer les centrales les plus anciennes et garantir une production stable. En 2020, l’électricité d’origine nucléaire représentait environ 70 % de la production nationale, une part qui devrait rester importante avec les projets de modernisation en cours. Le gouvernement mise aussi sur le développement des petits réacteurs modulaires (SMR), plus flexibles et plus rapides à déployer.
En parallèle, la durée de vie des réacteurs existants pourrait être prolongée, sous réserve d’un renforcement des normes de sécurité, pour assurer la continuité de l’approvisionnement en électricité. Cependant, cette expansion divise, certains mettant en avant les enjeux liés aux coûts, à la gestion des déchets et aux risques.
Impact sur l’économie
Nouveaux métiers, emplois et formations
La transition bas carbone transforme le marché du travail, entraînant la disparition de nombreux emplois et l’émergence de nouveaux métiers nécessitant des compétences spécifiques. Selon l’Ademe, 15 % des métiers sont directement impactés par la transition écologique. Les secteurs les plus touchés, comme la rénovation énergétique, les énergies décarbonées et la réindustrialisation des filières vertes, font face à une pénurie de main-d'œuvre.
Le secteur du nucléaire prévoit, par exemple, un besoin annuel de 10 000 emplois sur les 10 prochaines années, soit plus de 100 000 emplois au total, tandis que les énergies renouvelables, comme l’éolien en mer, devraient générer plus de 20 000 emplois d’ici 2035.
Pour répondre à ces tensions, le dispositif pro-A, renforcé pour les industries électriques et gazières, facilite la reconversion des salariés vers des métiers en demande. Parallèlement, il est crucial d’accompagner les travailleurs des secteurs en déclin en adaptant les formations aux besoins croissants en compétences techniques et scientifiques liées à l’énergie et au climat.
Des initiatives comme le label des “Écoles de la transition énergétique” et le programme France 2030 visent à enrichir les formations pour doter la France des compétences nécessaires à une transition écologique réussie.
Impact sur les industries consommatrices d'énergie
L'accès à une électricité décarbonée, stable et compétitive est essentiel pour soutenir la réindustrialisation et atteindre les objectifs de décarbonation et d’électrification des secteurs fortement consommateurs d’énergie, exposés à une forte concurrence internationale. Pour limiter les coûts et encourager l’efficacité énergétique, plusieurs dispositifs sont en place : l’ARENH, permettant aux industriels d'acheter une partie de leur électricité à un prix régulé jusqu’en 2025, des taux réduits d’accise pour les industries électro-intensives ou encore des appels d’offres interruptibilité pour stabiliser le réseau en cas de tension.
En outre, des soutiens directs, via des programmes comme France Relance et France 2030, financent des projets améliorant l’efficacité énergétique. Ces initiatives combinées visent à renforcer la compétitivité des entreprises tout en accélérant la transition énergétique.
Besoins d’investissements et adaptation des infrastructures
La transition énergétique requiert d’importants investissements dans les infrastructures énergétiques. Les réseaux électriques doivent être modernisés pour intégrer une part croissante d’énergies renouvelables intermittentes, comme l’éolien et le solaire, tout en soutenant l’autoconsommation et la production locale. La PPE prévoit également des améliorations dans les réseaux de chaleur et des infrastructures dédiées aux carburants alternatifs.
Dans l'industrie, il est primordial de disposer de systèmes de stockage et d'effacement d'énergie pour faire face aux pics de consommation. Les projets d’hydrogène vert vont aussi nécessiter des infrastructures spécifiques pour le transport et le stockage. Plusieurs diagnostics sectoriels ont notamment été réalisés, comme le diagnostic "DEF’HY", portant sur les compétences et les infrastructures nécessaires au développement de la filière hydrogène.
Enfin, l’atteinte des objectifs de la PPE repose sur une planification territoriale incluant les collectivités locales, afin de définir des zones adaptées pour l’installation de projets renouvelables. L’État intensifie le pilotage de la transition avec des dispositifs tels que la délégation interministérielle au nouveau nucléaire et la montée au capital d’EDF dans le but de le transformer en un instrument essentiel de la politique énergétique.
Impact sur les citoyens et collectivités locales
Evolution du coût de l’énergie
L'évolution du coût de l'énergie pour les ménages et les entreprises est une préoccupation majeure de la PPE3. Cette feuille de route peut entraîner des fluctuations des prix de l'énergie, qui impacterait directement les consommateurs.
- Pour les ménages, la PPE3 mise sur l’efficacité énergétique afin de limiter la hausse des tarifs avec des aides à la rénovation et des dispositifs d’accompagnement pour réduire leur consommation. Cependant, ces investissements pourraient entraîner des coûts supplémentaires à court terme.
- Pour les entreprises, l’objectif est de garantir un cadre énergétique compétitif en facilitant l’accès aux énergies décarbonées et en optimisant les processus industriels. La volatilité des prix de l’électricité et du gaz reste néanmoins un défi majeur.
Rôle des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre des projets énergétiques
Pour que les projets énergétiques de demain réussissent, il est essentiel d’obtenir l’adhésion du public. Cela passe par deux leviers majeurs : la participation citoyenne et la transparence. Informer, consulter et impliquer les habitants dès le début du processus permet de renforcer leur confiance. Des campagnes d’information et des consultations publiques sont mises en place pour s’assurer que les projets répondent aux attentes et préoccupations locales.
Par ailleurs, les collectivités territoriales jouent un rôle essentiel dans le déploiement des projets énergétiques mentionnés précédemment. Elles sont responsables de l’adaptation des infrastructures locales, de la promotion des initiatives d’énergie renouvelable et de la coordination avec les acteurs locaux.
La PPE3 encourage en outre les collectivités à développer des plans énergétiques locaux et à collaborer avec les entreprises et les citoyens pour atteindre les objectifs de transition énergétique. La réalisation de ces objectifs se traduit notamment par la mise en place de projets pilotes, la facilitation des investissements et des campagnes de sensibilisation auprès des citoyens.
Conclusion
La PPE3 fait preuve d’ambition et est globalement adaptée aux enjeux identifiés. Toutefois, son succès reposera sur sa capacité à lever plusieurs obstacles : simplifier les processus administratifs afin d’accélérer le déploiement des ENR, maîtriser les coûts pour les consommateurs et les entreprises, et assurer une coordination efficace entre acteurs nationaux et locaux. Sans une gestion rigoureuse des contraintes actuelles, en particulier sur le plan économique et social, la PPE3 risque de manquer certains de ses objectifs.
En définitive, son plan ne se limite pas à des objectifs techniques : il redessine le paysage économique en créant de nouveaux métiers et en favorisant la formation, tout en garantissant la compétitivité des industries. Il met également les citoyens et les territoires au cœur des initiatives, en renforçant leur rôle actif dans la transformation énergétique.