Pouvoir d’achat : les pauvres ont pleuré en 2023, les riches se sont marrés

L’année 2023 a laissé un goût amer à de nombreux Français. Alors que l’inflation s’élevait à 4,9 % en moyenne sur l’année, chaque ménage a dû ajuster son quotidien face à une réalité économique implacable. Mais derrière cette moyenne se cachent des inégalités criantes.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 22 novembre 2024 à 7h30
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150 EUROSL’Insee estime que la suppression du chèque énergie a entraîné une perte de 150 euros par foyer bénéficiaire

Les plus riches ont su tirer parti des dispositifs fiscaux et d’un contexte favorable à l’investissement, tandis que les plus modestes ont vu leur pouvoir d’achat s’éroder, frappés par la fin des aides exceptionnelles instaurées lors de la crise sanitaire. Si la tendance s’est légèrement améliorée en 2024 avec une inflation retombée à 1,2 % en octobre, les fractures sociales creusées par cette période restent béantes.

Derrière les chiffres, ce sont des vies bouleversées par cette perte de pouvoir d’achat. Que ce soit pour remplir le réfrigérateur, payer les factures ou simplement faire face aux imprévus du quotidien, une part grandissante de la population se heurte à une réalité brutale : tout coûte plus cher, et l’argent manque. Pendant ce temps, une frange aisée de la population continue d’accumuler des avantages, bénéficiant notamment des réformes fiscales comme la suppression totale de la taxe d’habitation.

L’inflation : une pression inégale sur le pouvoir d’achat des ménages

Pour comprendre les tensions sociales actuelles, il faut revenir sur l’impact de l’inflation en 2023. Selon l’Insee, qui a publié sa dernière étude le 21 novembre 2024, les ménages français auraient vu leurs dépenses augmenter de 1 230 euros en moyenne sur l’année, à condition de ne pas modifier leur consommation. Mais ce chiffre cache des réalités contrastées : les plus modestes n’ont pas la possibilité de puiser dans leurs économies ou de compenser ces hausses par des revenus supplémentaires. Résultat : ils doivent réduire leurs achats essentiels. Une enquête révèle que pour les 10 % des ménages les plus pauvres, cette inflation a provoqué une perte équivalant à 7,1 % de leur niveau de vie. Et donc des sacrifices dans des domaines aussi variés que l’alimentation, l’énergie ou la santé.

À l’inverse, les 10 % des foyers les plus riches n’ont vu leur niveau de vie diminuer que de 3,1 %. Pourquoi ? Ces ménages ont des revenus plus flexibles, souvent liés à des placements ou à des salaires ajustés en fonction de l’inflation. Ils peuvent également profiter d’un pouvoir de négociation pour répercuter une partie des hausses sur leurs propres activités économiques.

Les ménages moyens, eux, oscillent entre ces deux réalités. Leur capacité à absorber l’inflation dépend fortement de leur situation géographique, de leur niveau d’endettement ou encore de leur accès à certains avantages fiscaux. Toutefois, ils ne sont pas épargnés par les arbitrages douloureux qu’impose cette hausse des prix.

Les perdants : des aides supprimées, des ménages précarisés

Pour les foyers les plus modestes, 2023 a marqué une rupture brutale avec les politiques d’aides publiques déployées en 2022. Face à la pandémie et à ses répercussions économiques ensuite exacerbées par la guerre en Ukraine, le gouvernement avait instauré des mesures exceptionnelles, telles que l’indemnité inflation (100 euros versés à des millions de Français), le chèque énergie rehaussé de 200 euros, ou encore une prime exceptionnelle de rentrée pour les ménages aux revenus les plus bas. Ces dispositifs avaient permis de maintenir à flot une partie de la population.

Mais ces aides n’ont pas été reconduites en 2023, aggravant la situation de nombreux foyers. L’Insee estime que la suppression du chèque énergie a entraîné une perte de 150 euros par foyer bénéficiaire, tandis que la fin de l’indemnité inflation représente une ponction supplémentaire de 130 euros. Pour les familles monoparentales, qui comptent parmi les plus vulnérables, la prime de Noël a été légèrement revalorisée (+35 %), mais son impact reste marginal : elle n’a permis de compenser que 10 euros sur une année marquée par une flambée des prix.

Cette fin des aides exceptionnelles s’inscrit dans une logique budgétaire visant à réduire les dépenses publiques, mais elle a eu des conséquences désastreuses sur le quotidien des ménages modestes. En moyenne, ces foyers ont vu leur revenu disponible baisser de 290 euros par an, une chute bien plus prononcée que celle observée pour les ménages aisés.

Les grands gagnants des politiques de Macron : des opportunités pour les plus riches

Pendant que les ménages modestes peinent à boucler leurs fins de mois, les foyers aisés, eux, ont vu leur situation s’améliorer. La suppression totale de la taxe d’habitation en 2023, dernier volet d’une réforme amorcée en 2018, a particulièrement bénéficié aux 20 % les plus riches. Pour ces foyers, cette mesure représente une économie moyenne de 460 euros par an, selon les données dévoilées par l’Insee.

De plus, les ménages les plus aisés ont souvent un patrimoine financier ou immobilier, qui leur permet de tirer parti d’un environnement économique favorable aux investissements. En période d’inflation, les actifs réels, comme l’immobilier, voient leur valeur augmenter, tandis que certains placements financiers offrent des rendements supérieurs à la moyenne. Cette dynamique a permis aux plus riches de non seulement compenser les hausses de prix, mais parfois même d’en tirer profit. L’Insee souligne également que les foyers les plus aisés ont vu leur revenu disponible augmenter grâce à des mécanismes fiscaux ou sociaux mal calibrés. Par exemple, la réforme de la taxe d’habitation, censée bénéficier majoritairement aux classes moyennes, a eu un effet redistributif inverse pour sa dernière phase.

Pouvoir d’achat : des inégalités qui s’accentuent

Ces écarts ont des conséquences humaines et sociales. Pour les ménages modestes, la perte de pouvoir d’achat signifie des renoncements multiples : renoncement aux loisirs, mais aussi à certains soins de santé ou à des produits alimentaires de qualité. Cette détérioration du quotidien alimente un sentiment de déclassement, exacerbé par la perception d’une injustice criante. Comment accepter que certains continuent à accumuler des avantages pendant que d’autres doivent choisir entre payer leur loyer ou se chauffer ?

Pour les foyers aisés, ces écarts ne sont souvent qu’une abstraction. Ils témoignent de leur capacité à se déconnecter des réalités de la majorité des Français, protégés qu’ils sont par un patrimoine stable et des revenus élevés. Mais cette fracture sociale a des répercussions sur l’ensemble de la société : elle affaiblit la consommation, creuse les tensions sociales et remet en question la légitimité des politiques publiques.

Le gouvernement se retrouve face à un dilemme : comment concilier rigueur budgétaire et justice sociale ? La suppression des aides, bien qu’elle réponde à une logique comptable, laisse une grande partie de la population dans une situation de précarité croissante. De leur côté, les dispositifs fiscaux, comme la suppression de la taxe d’habitation, apparaissent de plus en plus déconnectés des besoins réels des Français. Pourtant, il est urgent de réagir. La stabilité sociale ne peut être maintenue si les écarts continuent de se creuser.

Catégories de revenus Pertes moyennes en 2023 Gains ou économies
10 % les plus pauvres - 290 euros Aucun
Foyers modestes (30 % inférieurs) - 170 euros Très limité (prime de Noël : +10 euros)
Classe moyenne - 50 euros Suppression partielle de la taxe
10 % les plus riches + 280 euros (en gains indirects) Suppression de la taxe d’habitation

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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