Les pousses vertes de l’agriculture urbaine

L’agriculture urbaine et le partage alimentaire fleurissent en Europe grâce aux traditions locales et à la recherche européenne.

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Par Horizon Publié le 1 novembre 2023 à 8h00
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Les pousses vertes de l’agriculture urbaine - © Economie Matin
20%Les dépenses alimentaires coûtent 20% du budget mensuel d'un ménage.

Si vous allez aux Pays-Bas, vous verrez peut-être des enfants lancer des dés et déplacer leur grand-mère sur un plateau de jeu géant pour collecter les ingrédients dont elle a besoin pour préparer le repas.

Il s'agit d'un jeu de société qu’apprécient beaucoup les jeunes enfants d'un quartier de la ville d'Utrecht. Mais il y a plus dans ce divertissement qu’il n’y paraît. 

Des recettes et des plans

«À la fin du jeu, les enfants reçoivent une petite fiche de recette et un petit plan qui leur permet d’aller chercher eux-mêmes les aliments correspondants dans leur propre forêt alimentaire», explique Jessica Duncan, sociologue à l’Université de Wageningue, aux Pays-Bas, dont l'équipe a conçu le jeu.

Leur forêt alimentaire se trouve à Rijnvliet, un quartier dont les habitants peuvent cueillir passiflores, poires, herbes aromatiques, pommes et ingrédients divers. Un groupe d’artistes y a dressé son camp pour réunir la communauté autour d’activités associant divertissement et plaisirs gourmands. Un vendredi soir, ils y ont préparé des pizzas à l’aide des ingrédients de la forêt.

Cette forêt alimentaire néerlandaise n’est qu’un exemple parmi tant d’autres du succès croissant remporté par les fermes urbaines et les activités organisées par les collectivités autour de l’alimentation. Ces lieux se multiplient en Europe alors que la population tend à adopter des produits locaux et plus durables.

«Nous assistons à la naissance d’une vague de partage de nourriture pour toutes sortes de raisons», a déclaré Mme Duncan, qui a pu visiter la forêt alimentaire dans le cadre d’un projet de recherche intitulé CULTIVATE auquel elle participe.

Le projet, qui s’étalera sur quatre ans jusqu'à fin 2026, a bénéficié d’un financement de l'UE pour promouvoir un partage alimentaire durable en Europe.

Alors que l’Europe cherche des moyens d’améliorer à la fois l’alimentation de l’homme et l’empreinte environnementale de l’agriculture, les villes, les banlieues et les villages peuvent contribuer à ce changement car la majorité des habitants de l’UE y vivent.

Les autorités urbaines, les habitants et les groupes de bénévoles peuvent donner l’exemple en matière de production et de consommation d’aliments à travers les choix qu'ils opèrent dans l’approvisionnement des écoles et des cantines publiques, la gestion des déchets, les chaînes de distribution locales et même la culture de végétaux destinés à l’alimentation.

Des mesures telles que celle-ci aident l’UE à se rapprocher de l’objectif de son Pacte vert, à savoir la mise en place d’un système alimentaire durable fondé sur le constat que la santé des individus est interconnectée avec celle des communautés et de la planète.

Partager c'est prendre soin des autres

Un autre exemple de la manière dont le partage alimentaire prend racine en Europe nous vient d’un collectif nommé «Food Not Bombs» basé à Gdansk, en Pologne, au bord de la mer Baltique.

Des bénévoles collectent les denrées périssables qui restent sur les marchés à la fin de la journée et préparent de la soupe qu’ils offrent gratuitement aux touristes et aux sans-abri.

Un précédent projet de recherche de l'UE intitulé SHARECITY, a répertorié les initiatives de partage de nourriture telles que celles-ci. Il a ainsi cartographié les activités de 100 villes du monde entier qui proposent des milliers d'initiatives telles que des jardins urbains, des cuisines collectives, la distribution de surplus alimentaires et le partage de semences.

«Nous avons toujours partagé de la nourriture», a déclaré Anna Davies, professeure de géographie au Trinity College de Dublin en Irlande, et coordinatrice du projet CULTIVATE. «C’est la base de la civilisation humaine.»

L’agriculture urbaine peut offrir un moyen de renouer avec la nature, d’établir des relations et d’acquérir de nouvelles compétences tout en développant un sentiment d’épanouissement personnel. Selon les chercheurs, profiter du fruit de son travail avec d’autres personnes est bon pour la santé mentale.

«Les jardins partagés peuvent offrir toute une série d’avantages, pas seulement de cultiver le sol pour se nourrir: ils aident à lutter contre la solitude et améliorent la santé et le bien-être», a déclaré Mme Davies.

Initiatives méconnues

Il arrive toutefois que des projets alimentaires urbains soient menés en dehors des programmes officiels mis en place dans les domaines de la nutrition, de l’aide sociale et du développement urbain.

Ceci s’explique en partie par le fait que les membres des communautés qui organisent des activités de partage alimentaire manquent souvent de temps pour mettre en avant les avantages associés à ces efforts.

«Leurs effets sont rarement mesurés», a indiqué Mme Davies. 

Un jardin collectif aménagé en ville peut proposer des activités enrichissantes à des personnes âgées qui donnent de leur temps ou fournir des denrées qui serviront à l’organisation de petits-déjeuners proposés dans le cadre scolaire, sans que les autorités en aient forcément connaissance.

Le projet CULTIVATE veut faire en sorte que le partage de nourriture soit plus largement connu et apprécié.

Il utilise l’intelligence artificielle pour cartographier, suivre et surveiller les initiatives européennes de partage de nourriture présentes sur Internet.

Une plateforme en ligne intitulée Sharing Solutions aidera à les faire connaître et rendra compte de leurs objectifs environnementaux et sociaux. Elle sera testée à Utrecht, à Barcelone et à Milan.

Lien culturel

D’autres chercheurs s’intéressent aux autres avantages de l’agriculture urbaine.

Cristina Grasseni, professeur d'anthropologie culturelle à l'Université de Leiden aux Pays-Bas, étudie les différentes cultures à travers l’alimentation.

«Produire de la nourriture semble être bon pour la santé mentale des gens», a-t-elle déclaré.

L’approche de Mme Grasseni consiste à passer du temps auprès de ses sujets d’étude. Elle a ainsi passé deux saisons avec des bouviers qui conduisant leurs troupeaux vers les hauts pâturages.

Plus récemment, Mme Grasseni a fait du bénévolat dans une ferme urbaine située à Utrecht dans le cadre d'un projet qu’elle dirige et qui est financé par l'UE. Baptisé FOOD CITIZENS, le projet en question a débuté en septembre 2017 et s’achèvera fin février 2024.

Mme Grasseni a déclaré que les initiatives de culture à vocation alimentaire en milieu urbain offrent une expérience bien plus enrichissante que le supermarché, «comme renouer avec la nature, se salir les mains, activer des réseaux relationnels et passer du temps dans un environnement peu stressant».

Le projet étudie l’implication de la population dans les activités agricoles de plusieurs villes européennes, dont Rotterdam aux Pays-Bas.

Dans une fiducie foncière solidaire située au nord de Rotterdam, environ 200 ménages sont co-propriétaires de 20 hectares de terre et emploient un agriculteur chargé de faire pousser des fruits et légumes bio. L’agriculteur transmet son savoir aux habitants qui donnent de leur temps pour l’aider. Ils se partagent la production en fonction de la taille de la récolte, qui dépend des conditions de culture.

Un véritable patchwork

D’après Mme Grasseni, les plus de 50 études de cas menées en Pays-Bas, en Italie et en Pologne révèlent que les initiatives alimentaires auto-organisées ne reposent sur aucune approche commune et qu’il n’existe pas de «citoyen alimentaire» moyen.

Les forêts alimentaires semblent avoir beaucoup de succès aux Pays-Bas. De son côté, la Pologne conserve un système de jardins familiaux dédiés à la culture de légumes.

Le quartier de Rijnvliet a été aménagé sur l'une des dernières terres agricoles d'Utrecht et sa forêt alimentaire rend hommage à cet héritage. Il permet à ses habitants de profiter d’un coin de verdure, d’aliments cultivés en local et d’un endroit pour se retrouver.

Les enfants y découvrent que ce qu’ils mangent pousse vraiment sur les arbres et attendent avec impatience les futures récoltes pour préparer les recettes de leur grand-mère.

Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par l’UE, par le biais du Conseil européen de l’innovation (CEI).

FOOD 2030

L’UE cherche à encourager une transition vers des systèmes alimentaires durables, sains et inclusifs par le biais de «Food 2030», son cadre d’action dédié à la recherche et à l’innovation.

Food 2030 est le fruit de la prise de conscience que les modes de production et de consommation actuels sont affectés par des crises auxquelles ils contribuent, comme la malnutrition, le changement climatique, la perte de biodiversité et la rareté des ressources.

Le cadre en question rassemble des acteurs de différents domaines du secteur de la recherche et de l’innovation pour relever des défis étroitement liés grâce à l’adoption d’une approche systémique et multipartite.

Ses principaux objectifs sont le développement de connaissances et de solutions efficaces favorisant une alimentation saine et durable; des systèmes alimentaires respectueux du climat, circulaires et pertinents sur le plan environnemental; et des communautés résilientes et responsables. Il vise aussi à encourager de nouveaux modèles commerciaux, à renforcer les capacités et l’éducation en faveur d’une transition juste et équitable vers des systèmes alimentaires respectueux des capacités de la planète.

Cet article s’inscrit dans la stratégie Food 2030 Pathway dédiée à la transformation des systèmes alimentaires urbains.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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