Pompes à chaleur électrique : passé l’engouement, les propriétaires déchantent

Encouragé par les pouvoirs publics et promu par un incessant matraquage publicitaire, le déploiement des pompes à chaleur électriques enregistre un premier recul. La faute à de nombreux ratés, mais surtout à des promesses d’économies non tenues.

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Publié le 6 juin 2024 à 15h53
2%Moins de 2 % des Français ont demandé à bénéficier de l'offre à 1 euro sur les pompes à chaleur.

Coup de froid sur les pompes à chaleur (PAC). Alors qu’Emmanuel Macron a, le 12 avril, présenté un plan d’action destiné à produire un million de PAC sur le sol français d’ici à 2027, les ventes des modèles « air-eau » dévissent – c’est ce type particulier de PAC qui permet de capter les calories contenues dans l’air ambiant pour les restituer dans le système de chauffage d’un bâtiment. D’après les derniers chiffres de l’Uniclima, l’organisation patronale des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques, seules 306 000 unités auraient ainsi été vendues dans l’Hexagone en 2023, contre 355 000 l’année précédente.

De l’ordre de -14 % sur un an, l’érosion des ventes de PAC serait, notamment, imputable aux fluctuations des aides publiques, au premier rang desquelles MaPrimeRénov’ ; mais aussi à l’effondrement de la construction neuve, ou encore à la multiplication des dérives et arnaques dans le secteur. « Le moment est paradoxal, à l’heure où il est question de décarboner le secteur du bâtiment », convient dans Le Monde Damien Carroz, directeur général d’Atlantic, leader français de l’assemblage des PAC. Un paradoxe qui se nourrit, aussi, des critiques de plus en plus vives s’élevant, ces derniers mois, contre ces dispositifs longtemps présentés comme « la » solution permettant de préserver le climat comme le budget des ménages.

Pannes, réparations hors de prix et nuisances sonores

Les promesses des pompes à chaleur électriques seraient-elles trop belles pour être vraies ? A en croire l’association UFC-Que Choisir, qui a récemment sondé des propriétaires de PAC, l’écrasante majorité d’entre eux (90%) se déclarent satisfaits de leur installation. Mais le diable se niche dans les détails. Ainsi, près d’un tiers des répondants déclarent avoir subi une panne de leur appareil, même si celui-ci est nouvellement installé ; s’élevant en moyenne à 1 500 euros, et pouvant grimper jusqu’à 10 000 euros, les tarifs des réparations se montrent vite dissuasifs. De même que le bruit émis par certaines PAC, généralement installées près des habitations : 14 % des propriétaires s’en plaignent, et 7 % d’entre eux ont même dû affronter le mécontentement de leurs voisins.

Par ailleurs, investir dans une pompe à chaleur électrique est, dans de nombreux cas, loin d’être suffisant pour faire des économies tout en bénéficiant d’un confort thermique optimal. Comme l’a rappelé l’association négaWatt en 2022, « la réalisation d’une rénovation performante est une condition préalable et impérative au fonctionnement des PAC ». Une manière diplomatique de dire qu’aucun miracle n’est à attendre si la PAC se contente de chauffer une passoire énergétique… Plus récente, l’enquête de l’UFC-Que Choisir « confirme », à ce titre, « les analyses de (…) négaWatt, laquelle martèle qu’il est indispensable de disposer d’une isolation performante avant toute pose d’une PAC, afin de limiter l’augmentation des pointes de consommation électrique en hiver ».

Contre-productives sans d’importants travaux préalables de rénovation, bruyantes et plus polluantes en période de pointes, les pompes à chaleur électriques air-eau auraient-elles au moins pour elles de faire briller le « made in France » ? Pas vraiment non plus. A l’exception de quelques groupes industriels comme Atlantic, Intuis et Saunier Duval (Vaillant), la plupart des acteurs tricolores se contentent de petites séries, dont la production est très insuffisante pour atteindre les objectifs fixés par les autorités. Le marché demeure, dans une très large mesure, dominé par les entreprises asiatiques. Reste donc un argument en faveur des PAC électriques, et non des moindres : les économies promises pour les foyers – ou les entreprises – qui abandonnent leur chaudière thermique pour se convertir à la pompe à chaleur.

Des factures qui s’envolent

Mais sur ce point aussi, gare à la déception. Tout d’abord, une PAC coûte cher, voire très cher : près de 15 000 euros en moyenne. Sans être un mythe, la pompe à chaleur « à 1 euro » ne concerne, en dépit du tapage publicitaire que cette offre a occasionné, pas grand monde. Moins de 2 % des Français interrogés par l’UFC-Que Choisir ont ainsi demandé à bénéficier de cette offre, et la moitié de ceux qui l’ont fait se sont vus opposer un refus. En dépit d’aides publiques qui, notamment pour les ménages les plus modestes, peuvent être très conséquentes – et, au passage, nourrir l’appétit de certains acteurs peu scrupuleux - le reste à charge sera souvent très élevé. Investir dans une PAC nécessite donc d’avoir, financièrement parlant, les reins solides – et le temps devant soi pour amortir, sur de longues années, le coût d’une telle installation. A condition, ici encore, que les économies d’énergie – et d’argent – soient au rendez-vous.

Et c’est là, enfin et surtout, que le bât blesse. Toujours d’après l’UFC-Que Choisir, près d’un propriétaire de PAC électrique sur trois (29%) n’a constaté aucune baisse de ses factures de chauffage. Pire : 13 % d’entre eux ont même constaté une hausse de leurs factures depuis qu’ils ont fait installer une PAC. Et pour cause : comme son nom l’indique, une PAC électrique nécessite, toujours, de recourir à un minimum d’électricité pour fonctionner. Une consommation électrique qui peut littéralement exploser en cas de grand froid ou si, comme c’est hélas souvent le cas, l’installation est inadéquate ou n’a pas été correctement dimensionnée.

Si le tableau ne doit pas être noirci à outrance, le récent boom des PAC électriques appelle à faire preuve d’une certaine vigilance. Oui, une pompe à chaleur peut faire réaliser des économies, mais uniquement à un certain nombre de conditions très précises, qu’encore peu d’habitations et bâtiments réunissent, que peu de ménages connaissent et comprennent, et sur lesquelles peu d’installateurs communiquent en toute transparence. A défaut de respecter ces conditions, la pompe à chaleur aura vite fait de devenir… une véritable pompe à fric.

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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