Une mer turquoise, une plage de sable blanc, et une bouteille de soda échouée entre deux coquillages. Derrière ce cliché devenu tristement banal, un géant mondial tire les ficelles. Le plastique est partout. Et certains l’y laissent volontairement.
Pollution plastique : Coca-Cola abandonne ses promesses vertes

Le 26 mars 2025, l’organisation Oceana publie un rapport d’une sévérité inédite sur Coca-Cola, dénonçant une stratégie industrielle qui alimente massivement la crise mondiale du plastique. Cette publication révèle, chiffres à l’appui, que loin de réduire son impact, l’entreprise multiplie les emballages à usage unique. Derrière les promesses de durabilité, une réalité bien plus opaque. Le plastique est au cœur d’un modèle économique qui étouffe la planète.
Coca-Cola : champion du plastique, recordman de la pollution
Coca-Cola, c’est 137 milliards de bouteilles plastiques jetables vendues en 2023. Selon Oceana, cela représente près de 3,45 millions de tonnes de plastique utilisées cette même année, contre 2,96 millions en 2018. À ce rythme, l’entreprise atteindra 4,13 millions de tonnes d’ici 2030, si aucun changement n’intervient.
Et cette montagne de plastique ne disparaît pas. Oceana estime qu’au moins 602 000 tonnes de déchets plastiques de Coca-Cola finiront chaque année dans les océans d’ici 2030, soit l’équivalent de 18 millions de baleines bleues... dans leurs estomacs. Entre 2024 et 2030, cela représenterait 3,61 millions de tonnes cumulées injectées dans les écosystèmes aquatiques.
Dans un rapport publié en 2024, la revue Science confirmait que Coca-Cola est responsable de 11 % des déchets plastiques de marque retrouvés dans l’environnement sur cinq ans, dans 84 pays différents. Résultat : pour chaque pourcent de plastique produit en plus, un pourcent de plus se retrouve dans la nature.
Recyclage du plastique : une illusion qui pollue plus qu’elle ne sauve
Alors que Coca-Cola clame recycler ses emballages, la réalité est bien différente. En 2022, seulement 58 % de ses bouteilles en PET à usage unique ont été collectées au niveau mondial, et 28 % seulement aux États-Unis. Pendant ce temps, 93 % des bouteilles réutilisables ont été récupérées. Cherchez l’erreur.
Le recyclage ne garantit en rien la réutilisation du matériau dans des bouteilles : selon Coca-Cola elle-même, seulement 17 % du PET utilisé en 2023 était recyclé, et moins de la moitié de ce plastique recyclé redeviendra bouteille. Une logique linéaire, loin de l’économie circulaire tant vantée.
Pire : des études ont révélé que le processus même de recyclage libère des microplastiques dans les eaux usées, jusqu’à 1 184 tonnes par an dans certaines usines, contribuant indirectement à la pollution qu’il est censé endiguer.
Et le comble ? Coca-Cola investit près d’un milliard de dollars chaque année pour acheter du plastique recyclé (rPET), alors que la même somme investie dans des systèmes de bouteilles réutilisables permettrait de couvrir 10 % de ses ventes mondiales.
Le plastique : une bombe sanitaire pour les consommateurs
L’ingestion involontaire de microplastiques est aujourd’hui une certitude. En 2024, une étude a détecté du plastique dans 100 % des placentas humains analysés, avec une prédominance de PET — soit le plastique utilisé par Coca-Cola. L’année précédente, une autre recherche estimait que 1 litre d’eau embouteillée contient en moyenne 240 000 particules plastiques, dont 90 % sont des nanoparticules. Et que dire des 46 microplastiques retrouvés dans une seule bouteille de Coca-Cola, analysée par l’ONG française Agir pour l’Environnement en 2024 ? À chaque gorgée, ce sont des résidus invisibles qui pénètrent nos organismes.
Les conséquences sanitaires, bien qu’encore à l’étude, sont déjà alarmantes : perturbations hormonales, risques de cancer, maladies cardiovasculaires, troubles neurodéveloppementaux, et même plastique retrouvé dans le cœur, le cerveau, les reins, les testicules et le lait maternel.
L’échec de la stratégie "World Without Waste" de Coca-Cola
Coca-Cola avait promis la lune. En 2018, l’entreprise annonçait vouloir recycler l’équivalent de chaque bouteille vendue d’ici 2030 et atteindre 25 % d’emballages réutilisables. En décembre 2024, elle a renié cet objectif sans préavis. La page consacrée à ce programme sur le site officiel a même été supprimée.
À la place ? Des engagements affaiblis : 30 à 35 % de plastique recyclé dans ses emballages et 70 à 75 % de collecte d’ici 2035. Des chiffres à première vue honorables, mais qui masquent un fait majeur : le plastique recyclé est toujours du plastique jetable. Il pollue, il coûte cher, il ne résout rien.
Et si la vraie solution était déjà connue ?
La solution existe pourtant : les bouteilles réutilisables. En 2023, Coca-Cola en a vendu 29 milliards, soit 10,2 % de son volume total. Dans plus de 40 pays, la marque utilise déjà des systèmes efficaces de consigne et de retour. Une bouteille en verre peut être utilisée jusqu’à 50 fois, une bouteille en plastique rigide jusqu’à 25 fois. Leur taux de récupération atteint 93 %. Et leur impact carbone est nettement inférieur : jusqu’à 48 % d’émissions en moins, selon Coca-Cola Andina.
Le Comité d’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024 a montré que la réutilisation à grande échelle est possible : réduction de 70 % des bouteilles à usage unique lors de l’événement, grâce à un modèle basé sur les fontaines et les gobelets consignés. Alors pourquoi Coca-Cola n’investit-elle pas davantage ? L’entreprise préfère acheter du plastique recyclé à prix d’or plutôt que de repenser fondamentalement son modèle logistique.
Plastique : quand les océans paient l’addition
Le rapport d’Oceana est sans appel : Coca-Cola, en persistant dans la voie du tout-jetable, compromet gravement l’environnement, la santé publique et sa propre réputation. Pire encore, elle tourne le dos à des solutions viables qu’elle maîtrise déjà. Face à cet aveuglement stratégique, la seule réponse possible est politique. Si Coca-Cola refuse d’agir de manière responsable, ce sont les États qui doivent l’y contraindre — pour que le plastique ne soit plus une fatalité, mais une erreur corrigée.