Aujourd’hui, le piratage de contenu et la cybercriminalité sont les deux faces d’une même pièce. Les hackers ont des moyens de plus en plus développés et efficaces, tandis que les cyberattaques dans le secteur des médias et du divertissement se multiplient (attaques par bourrage d’identifiants, extractions des identifiants des utilisateurs, clés cryptographiques…)
Piratage de contenu sportif : il est temps de sévir contre l’IPTV illégale !
La mission des RSSI s’étend ainsi alors que les consommateurs, attirés par les prix cassés de l’IPTV illégale, pourraient ne pas réaliser qu’en téléchargeant l’application de ce service pirate, ils s’exposent à des logiciels malveillants et à de potentiels vols d’informations cruciales. Et, malheureusement, c'est ce qui arrive le plus souvent !
L'IPTV justement, ou "Internet Protocol Television", est une technologie qui permet d'accéder à des chaînes de télévision par le biais de la connexion Internet. Cette technologie est maintenant utilisée en grande partie à des fins illégales. En effet, les pirates informatiques détournent le contenu envoyé par les diffuseurs, puis le redistribuent par l'intermédiaire de leurs propres services d’IPTV illégaux. Cette manipulation est contraire à la directive européenne sur le contrôle d'accès et à la législation sur les droits d'auteur et la protection des mesures techniques. Du côté des consommateurs, si ces services permettent d'accéder à moindre coût à plusieurs milliers de chaînes de télévision et à des dizaines de milliers de films et de séries, ils présentent des risques, non seulement en raison de leur caractère illégal, mais aussi des menaces qu'ils peuvent faire peser sur la sécurité des utilisateurs. Outre le fait qu'ils récoltent les données des abonnés pour les revendre et qu'ils mettent en péril les moyens de paiement des consommateurs, ils sont également des vecteurs de virus et autres logiciels malveillants.
Enfin, s'abonner à un service illégal, c'est aussi prendre le risque d'attirer l'attention de l'ARCOM et des sanctions imposées par cet organisme. Malgré son interdiction, cette IPTV illégale s'est développée en raison de la fragmentation des services de contenus et de l'augmentation des abonnements proposés par les fournisseurs légitimes.
À l'heure où les contenus n'ont jamais été autant consommés, que peut faire le législateur pour éradiquer cette pratique ?
Une pratique largement répandue, un manque à gagner important pour les radiodiffuseurs
Il est très difficile d'évaluer avec précision la perte totale de revenus que représente l’IPTV illégale pour les fournisseurs, mais il est clair que l'utilisation généralisée de cette pratique a un impact énorme. En 2021, l'Alliance audiovisuelle contre le piratage (AAPA) a présenté ses estimations, donnant une idée de l'ampleur du phénomène. Et les chiffres sont inquiétants.
Près de 17,1 millions de personnes en Europe utiliseraient des services IPTV illégaux (soit 4,5% de la population). Cette tendance est particulièrement marquée chez les jeunes Européens, puisque près de 12 % (11,8 %) des 16-24 ans ont choisi d'accéder à des contenus via un service d’IPTV illégale. Le rapport estime également que les fournisseurs illégaux d’IPTV pourraient avoir généré des revenus de 1,06 milliard d'euros, ce qui représente une perte potentielle de 3,21 milliards d'euros.
Une différence entre la perception et la pratique
Malgré la démocratisation de l’IPTV sous sa forme illégale, les citoyens européens ne semblent pas encore prendre conscience de l'ampleur du problème. L'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a récemment publié les résultats de son étude intitulée "Les citoyens européens et la propriété intellectuelle : Perceptions, sensibilisation et comportement", qui dresse un tableau plutôt positif des attitudes à l'égard des contenus illégaux : « En général, la plupart des Européens ne sont pas favorables à l'obtention de contenus numériques à partir de sources illégales. La majorité d'entre eux n'est pas d'accord avec une série de raisons parfois invoquées pour justifier ce comportement, comme le fait que c’est uniquement destiné à un usage personnel (65% ne sont pas d'accord ou sont plutôt d'accord), si le prix du contenu est trop élevé (72%), ou si le contenu n'est pas disponible auprès d'une source légale (74%) ».
Le cas de l'IPTV semble donc révéler une réelle ambivalence au niveau européen : démocratisée pour les nombreux avantages qu'elle offre, elle semble pourtant largement condamnée. Il existe une réelle différence entre la perception et la pratique, ce qui souligne la nécessité d'accompagner toute tentative de légiférer d'une réelle sensibilisation sur le sujet.
Quelles sont les solutions pour les fournisseurs de contenus ?
Les retransmissions des grands événements internationaux sont marquées par une recrudescence des activités illégales. Pour faire face à l'augmentation de l'utilisation illégale et abusive de l'IPTV, les diffuseurs se tournent souvent vers des sociétés spécialisées dans la cybersécurité. Ces professionnels peuvent créer des programmes anti-piratage efficaces, basés sur des technologies telles que le watermarking, qui permettent d'identifier les sources de fuites de contenu et de désactiver les canaux de distribution illégaux une fois qu'ils ont été identifiés.
Mais ces solutions défensives ne suffisent pas à elles seules. En effet, pour lutter contre le piratage sportif et s'attaquer à l’IPTV illégale, les radiodiffuseurs et les législateurs doivent travailler ensemble pour promouvoir une stratégie efficace visant à faire respecter pleinement les droits de propriété intellectuelle. Il est également important de continuer à sensibiliser non seulement les citoyens européens, mais aussi les décideurs, les forces de l'ordre et tous les acteurs de l'industrie en général, afin de les sensibiliser et de réduire autant que possible cette pratique illégale.
La Commission européenne a voulu renforcer la lutte contre la piraterie audiovisuelle en travaillant sur un instrument législatif qui n'a malheureusement pas répondu aux attentes de l'industrie. Cependant, on constate depuis peu une volonté croissante des autorités du monde entier de s'attaquer au problème, avec une multiplication des opérations et des outils visant à mettre un terme à la piraterie. Dans de nombreux pays, les "gros poissons" de la piraterie illégale sont de plus en plus souvent rattrapés par la justice. Ce fut récemment le cas en Autriche, mais aussi au Brésil, où les autorités ont annoncé avoir bloqué 80 % des boîtiers illégaux grâce à une opération menée pendant les matchs du championnat brésilien. Une véritable source d'inspiration pour lutter contre ce phénomène ici en France.