PFAS : la croisade française, entre excès de zèle et inefficacité

La France a-t-elle une fâcheuse tendance à vouloir toujours faire plus que ses voisins ? Avec la proposition de loi visant à interdire massivement les PFAS, ces “polluants éternels”, l’Assemblée nationale s’apprête à serrer la vis bien au-delà des régulations européennes déjà en place. Objectif affiché : protéger la population et l’environnement. Mais derrière cette posture, se cache une approche aveugle, aux conséquences économiques lourdes et à l’impact écologique discutable.

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Par Jean-Baptiste Giraud Publié le 14 février 2025 à 11h16
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PFAS : la croisade française, entre excès de zèle et inefficacité - © Economie Matin
4700La famille des PFAS compte 4700 substances.

PFAS : des substances aux propriétés uniques, mais controversées

Derrière l’acronyme PFAS (pour substances per- et polyfluoroalkylées) se cache une immense famille de plus de 4 700 composés chimiques. Leur point commun ? Une résistance exceptionnelle. Ces molécules sont quasiment indestructibles : elles repoussent l’eau, les graisses, les salissures, supportent des chaleurs extrêmes et ne se dégradent pas facilement. C’est précisément pour ces raisons qu’elles sont utilisées partout : dans les poêles antiadhésives, les vêtements imperméables, les emballages alimentaires, les cosmétiques, l’électronique, l’aéronautique ou encore le matériel médical. Leur problème ? Cette incroyable durabilité se retrouve aussi dans l’environnement : une fois libérés, certains PFAS s’accumulent dans l’eau, les sols et même le corps humain, sans que la nature ne sache les éliminer. Mais attention, tous les PFAS ne sont pas dangereux. Certains sont strictement encadrés car suspectés d’avoir des effets nocifs sur la santé, tandis que d’autres n’ont jamais montré de toxicité avérée. D’où l’importance d’une approche au cas par cas… que la France semble avoir choisi d’ignorer.

Une interdiction massive… et précipitée

Le 12 février 2025, la commission du développement durable a validé une proposition de loi qui s’attaque frontalement aux PFAS, des substances omniprésentes dans l’industrie et les objets du quotidien. Résistants à l’eau, aux graisses, aux températures extrêmes, ils sont utilisés partout : revêtements antiadhésifs, textiles imperméables, circuits électroniques, dispositifs médicaux…

Sont-ils toxiques ? Certains, oui. D’autres, non. Mais peu importe : plutôt que d’adopter une approche scientifique et mesurée, la France choisit l’interdiction généralisée. Un coup de balai qui ne distingue pas les substances réellement dangereuses de celles qui ne posent aucun problème avéré. Un excès de précaution ? Non, un dogmatisme qui flirte avec l’absurde.

Une posture plus qu’une nécessité

Soyons clairs : personne ne conteste que certains PFAS, comme le PFOA et le PFOS, posent de réels problèmes de toxicité. C’est d’ailleurs pourquoi l’Europe les a déjà interdits via le règlement REACH. Mais la majorité des 4 700 composés regroupés sous le terme PFAS n’ont pas fait l’objet d’études concluant à une dangerosité avérée.

Alors pourquoi cette précipitation française ? Pour “montrer l’exemple” ? Pour cocher une case écologique ? Pour devancer les décisions européennes ? En tout cas, certainement pas pour améliorer efficacement la situation. L’Union européenne travaille déjà sur une réglementation progressive et fondée sur des preuves scientifiques. Paris, lui, joue la surenchère.

Un cadeau empoisonné pour l’industrie

Derrière les discours vertueux, une réalité saute aux yeux : cette interdiction brutale va frapper de plein fouet plusieurs secteurs stratégiques. Textile technique, aéronautique, électronique… Pour ces industries, les PFAS ne sont pas un caprice, mais une nécessité. Et les alternatives ? Elles sont rares, coûteuses, et parfois inexistantes.

Résultat : une mise en difficulté des industriels français, pendant que leurs concurrents étrangers continueront d’utiliser ces substances. Pire encore, la loi ne s’appliquera pas aux produits importés. Traduction : les fabricants français auront des contraintes supplémentaires, mais pas leurs rivaux chinois ou américains. Une distorsion de concurrence flagrante qui affaiblira notre économie sans aucun bénéfice écologique à l’échelle mondiale.

Un impact écologique limité, voire nul

La grande promesse de cette loi, c’est de protéger l’environnement. Mais dans les faits, l’interdiction française ne changera rien au problème global. La pollution aux PFAS ne s’arrête pas aux frontières. Pendant que la France se tire une balle dans le pied, les États-Unis, la Chine et la Russie continueront d’utiliser des PFAS bien plus toxiques que ceux que nous nous apprêtons à bannir.

Résumons : des pertes économiques certaines, un impact environnemental incertain, et une industrie affaiblie face à la concurrence mondiale. Un bilan qui sent plus la posture politique que la décision rationnelle.

Une écologie de façade

Interdire en bloc, c’est facile. C’est spectaculaire. Mais c’est aussi inefficace. Plutôt qu’une interdiction aveugle, une régulation progressive et ciblée, fondée sur la science, aurait permis d’éliminer les PFAS réellement problématiques tout en laissant le temps aux industries de s’adapter.

Mais la France préfère la méthode radicale. Quitte à plomber son industrie. Quitte à voir son interdiction contournée par les importations. Quitte à s’isoler dans une approche dogmatique.

Une chose est sûre : entre pragmatisme et surenchère, le choix a été fait. Reste à savoir qui en paiera le prix.

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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