La France a-t-elle une fâcheuse tendance à vouloir toujours faire plus que ses voisins ? Avec la proposition de loi visant à interdire massivement les PFAS, ces “polluants éternels”, l’Assemblée nationale s’apprête à serrer la vis bien au-delà des régulations européennes déjà en place. Objectif affiché : protéger la population et l’environnement. Mais derrière cette posture, se cache une approche aveugle, aux conséquences économiques lourdes et à l’impact écologique discutable.
PFAS : la croisade française, entre excès de zèle et inefficacité
PFAS : des substances aux propriétés uniques, mais controversées
Derrière l’acronyme PFAS (pour substances per- et polyfluoroalkylées) se cache une immense famille de plus de 4 700 composés chimiques. Leur point commun ? Une résistance exceptionnelle. Ces molécules sont quasiment indestructibles : elles repoussent l’eau, les graisses, les salissures, supportent des chaleurs extrêmes et ne se dégradent pas facilement. C’est précisément pour ces raisons qu’elles sont utilisées partout : dans les poêles antiadhésives, les vêtements imperméables, les emballages alimentaires, les cosmétiques, l’électronique, l’aéronautique ou encore le matériel médical. Leur problème ? Cette incroyable durabilité se retrouve aussi dans l’environnement : une fois libérés, certains PFAS s’accumulent dans l’eau, les sols et même le corps humain, sans que la nature ne sache les éliminer. Mais attention, tous les PFAS ne sont pas dangereux. Certains sont strictement encadrés car suspectés d’avoir des effets nocifs sur la santé, tandis que d’autres n’ont jamais montré de toxicité avérée. D’où l’importance d’une approche au cas par cas… que la France semble avoir choisi d’ignorer.
Une interdiction massive… et précipitée
Le 12 février 2025, la commission du développement durable a validé une proposition de loi qui s’attaque frontalement aux PFAS, des substances omniprésentes dans l’industrie et les objets du quotidien. Résistants à l’eau, aux graisses, aux températures extrêmes, ils sont utilisés partout : revêtements antiadhésifs, textiles imperméables, circuits électroniques, dispositifs médicaux…
Sont-ils toxiques ? Certains, oui. D’autres, non. Mais peu importe : plutôt que d’adopter une approche scientifique et mesurée, la France choisit l’interdiction généralisée. Un coup de balai qui ne distingue pas les substances réellement dangereuses de celles qui ne posent aucun problème avéré. Un excès de précaution ? Non, un dogmatisme qui flirte avec l’absurde.
Une posture plus qu’une nécessité
Soyons clairs : personne ne conteste que certains PFAS, comme le PFOA et le PFOS, posent de réels problèmes de toxicité. C’est d’ailleurs pourquoi l’Europe les a déjà interdits via le règlement REACH. Mais la majorité des 4 700 composés regroupés sous le terme PFAS n’ont pas fait l’objet d’études concluant à une dangerosité avérée.
Alors pourquoi cette précipitation française ? Pour “montrer l’exemple” ? Pour cocher une case écologique ? Pour devancer les décisions européennes ? En tout cas, certainement pas pour améliorer efficacement la situation. L’Union européenne travaille déjà sur une réglementation progressive et fondée sur des preuves scientifiques. Paris, lui, joue la surenchère.
Un cadeau empoisonné pour l’industrie
Derrière les discours vertueux, une réalité saute aux yeux : cette interdiction brutale va frapper de plein fouet plusieurs secteurs stratégiques. Textile technique, aéronautique, électronique… Pour ces industries, les PFAS ne sont pas un caprice, mais une nécessité. Et les alternatives ? Elles sont rares, coûteuses, et parfois inexistantes.
Résultat : une mise en difficulté des industriels français, pendant que leurs concurrents étrangers continueront d’utiliser ces substances. Pire encore, la loi ne s’appliquera pas aux produits importés. Traduction : les fabricants français auront des contraintes supplémentaires, mais pas leurs rivaux chinois ou américains. Une distorsion de concurrence flagrante qui affaiblira notre économie sans aucun bénéfice écologique à l’échelle mondiale.
Un impact écologique limité, voire nul
La grande promesse de cette loi, c’est de protéger l’environnement. Mais dans les faits, l’interdiction française ne changera rien au problème global. La pollution aux PFAS ne s’arrête pas aux frontières. Pendant que la France se tire une balle dans le pied, les États-Unis, la Chine et la Russie continueront d’utiliser des PFAS bien plus toxiques que ceux que nous nous apprêtons à bannir.
Résumons : des pertes économiques certaines, un impact environnemental incertain, et une industrie affaiblie face à la concurrence mondiale. Un bilan qui sent plus la posture politique que la décision rationnelle.
Une écologie de façade
Interdire en bloc, c’est facile. C’est spectaculaire. Mais c’est aussi inefficace. Plutôt qu’une interdiction aveugle, une régulation progressive et ciblée, fondée sur la science, aurait permis d’éliminer les PFAS réellement problématiques tout en laissant le temps aux industries de s’adapter.
Mais la France préfère la méthode radicale. Quitte à plomber son industrie. Quitte à voir son interdiction contournée par les importations. Quitte à s’isoler dans une approche dogmatique.
Une chose est sûre : entre pragmatisme et surenchère, le choix a été fait. Reste à savoir qui en paiera le prix.