La pénurie comme une opportunité (extraits)

Le premier ne doit être ni glorifié ni minimisé. Il est fondamental que tout un chacun questionne ses choix de consommation (quand ses conditions matérielles le lui permettent) et s’oriente vers une certaine sobriété, entendue comme une réduction volontaire de sa consommation et de son empreinte écologique au sens large. Comme ce livre espère l’avoir démontré, être sobre revient à moins acheter de biens industriels et complexes (ce qui passe notamment par éviter autant que possible les supermarchés et les grandes enseignes du commerce en ligne), moins utiliser les transports ou les infrastructures nécessitant d’importantes ressources et ayant un impact écologique élevé (principalement l’avion, le numérique, la voiture en zone urbaine), aller au bout de l’utilisation des choses (au regard de l’ensemble des cycles de production, mieux vaut continuer à rouler dans sa vieille voiture polluante que d’acheter une nouvelle voiture électrique, qui plus est un SUV), moins manger de produits à base de protéines animales et issus de pays lointains, etc.

Évidemment, ces choix restent pour beaucoup soumis à des décisions plus larges et impliquent donc des politiques courageuses et radicales telles que l’interdiction de la publicité, des systèmes de taxations touchant d’abord les produits polluants les plus onéreux, le soutien à des initiatives locales, des investissements dans des réseaux de transports efficaces, etc.

Mais quoi qu’il advienne, des pénuries n’en sont pas moins inévitables. Ce qui implique d’ores et déjà de se mobiliser contre tout projet ou politique accentuant la pression sur les ressources en général et/ou produisant des nuisances sur les écosystèmes. Mégabassines, aéroports, autoroutes, zones commerciales ou industrielles, infrastructures extractives ou favorisant l’agrobusiness. Autant d’installations dont l’aboutissement ne fera au mieux que repousser les problèmes, mais toujours en les accentuant. Nous l’avons vu, les obstacles sont nombreux quant à l’adoption de mesures radicales de la part des pouvoirs publics. C’est donc aux mobilisations populaires d’impulser un nouveau rapport de force et de combattre toute mesure n’allant pas dans le sens d’une plus grande sobriété, combinée à plus de justice sociale. Peu importe la forme que prendront ces mobilisations, leur succès dépendra de leur convergence et de la multiplicité des liens tissés entre elles.

Manifestations, grèves, blocages, recours juridiques, sensibilisation, éducation populaire, engagement politicien, initiatives locales, autant de types d’actions que l’urgence nous interdit de négliger.

La tâche est énorme mais l’engagement, quel qu’il soit, ne doit pas uniquement être motivé par la perspective de remporter la bataille, auquel cas le risque de découragement menace de resurgir à chaque mauvaise nouvelle (et donc quotidiennement pour qui suit l’actualité de près). Il importe ainsi de faire preuve de modestie quant aux luttes à mener, de tenter de parvenir à des modes de vie et d’action en accord avec ses conviction personnelles et de préférer « couler en beauté que flotter sans grâce ». Le présent ouvrage souhaite évidemment contribuer modestement à cette tâche et fournir des outils de compréhension et de vulgarisation à de potentielles mobilisations.

Texte tiré du livre "Pénuries : quand tout vient à manquer" écrit par Renaud Duterme et publié aux éditions Babelio, reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur.

Pour vous procurer le livre : https://www.babelio.com/livres/Duterme-Penuries-Quand-tout-vient-a-manquer/1561789