Aujourd’hui, un millier d’associations et d’entreprises privées prestataires de santé à domicile (PSAD) interviennent sur tout le territoire. À l’origine d’environ 32 000 emplois de proximité, ils sont de véritables acteurs de lien social auprès des quelques 3,5 millions de patients pris en charge chaque année en France. Ces métiers à vocation mélangeant contact humain, conseils et soins de santé, présentent de réels avantages mais sont également soumis à des problématiques profondes. Retour sur le secteur des soins à domicile et ses particularités.
Santé : les professions libérales proches du burn-out !
La proximité et le relationnel au cœur des métiers de soin
La saturation des hôpitaux et la pénurie de soignants font partie des principales préoccupations des acteurs de la santé en France. Afin de tenter de soulager un système au bord de la rupture, le retour précoce à domicile devient une solution évidente. De plus, alors que les déserts médicaux s’intensifient dans certaines régions, les patients n’ont parfois pas d’autre choix que de recevoir des soins directement à domicile. Le personnel médical libéral prend alors le relai du personnel hospitalier, accompagnant les patients aussi bien dans leur convalescence après une intervention pendant un temps imparti, que pour assurer un suivi sur le long terme dans le cadre de pathologies chroniques.
Chaque année, ce sont plus de 3.5 millions de français qui ont recours aux services de soin à domicile, selon la FEDEPSAD. Que ce soit pour le suivi des personnes âgées, mais aussi pour des problèmes d’insuffisance respiratoire, de diabète, d’incontinence, d’handicap, ou encore pour des services de nutrition à domicile ou de perfusion (pour la chimiothérapie, l’antibiothérapie, Parkinson, mucoviscidose, HTA pulmonaires, soins palliatifs…), les services de soin à domicile prennent en charge un panel chaque jour de plus en plus important de pathologies. Au total, ce sont plus de 6 000 pharmaciens, infirmiers, diététiciens, masseurs-ergothérapeutes, nutritionnistes et kinés qui viennent en aide partout en France à domicile.
Au quotidien, les professionnels de soins à domicile travaillent étroitement avec les patients et leurs familles et créent une véritable relation de confiance. Rentrant dans l’intimité des patients, les interventions deviennent vite personnalisées et individualisées en fonction des besoins spécifiques, pouvant être très gratifiant pour les acteurs comme pour les malades. Les patients, parfois angoissés à l’idée de rentrer à leur domicile si précocement, bénéficient de soins dans leur environnement familier, améliorant ainsi leur qualité de vie et favorisant leur rétablissement.
Mais même si l’aspect relationnel et l’accompagnement des Français dans leur guérison sont perçus très positivement par les professionnels du soin à domicile, ceux-ci font malgré tout face à de nombreuses problématiques.
L’impact émotionnel du métier parfois source de burn-out
Premièrement, ils peuvent être exposés à des risques pour leur santé et leur sécurité lorsqu'ils interviennent auprès de patients ayant des maladies infectieuses, des troubles cognitifs ou des comportements agressifs, et doivent prendre parfois beaucoup de précaution. Communiquer efficacement avec les familles des patients peut être également complexe, surtout lorsque des décisions doivent être prises concernant les soins et le traitement.
La pénibilité et l’impact émotionnel du métier peuvent être à l’origine de burn-out. D’ailleurs, la charge mentale, très lourde, fait qu’en moyenne, un infirmier sur deux arrête son métier au bout de 10 ans. L’impact émotionnel alimente ainsi un cercle vicieux : il accentue la pression exercée sur les professionnels en poste, diminue la disponibilité et le temps alloué aux patients, et peut avoir un impact sur la qualité des soins.
Les professions libérales de santé sont surchargées
Fait particulièrement visible depuis la crise du COVID, le personnel médical a été confronté à une charge de travail très élevée, ce qui a coûté les fermetures de nombreux services d’urgence dans les hôpitaux cette année (120 en France rien que pendant la période estivale, soit presque 20 % des 620 établissements publics et privés hébergeant un service d’urgence dans l’Hexagone). Cela a eu un impact considérable sur la prise en charge des patients ainsi que sur la réalisation d’actes chirurgicaux, mais également sur les prestataires de santé à domicile, dont les journées sont désormais rythmées par de nombreux déplacements et un nombre toujours plus important de patients auxquels prodiguer des soins. Le manque de temps disponible du personnel, notamment en région, augmente la fatigue et un stress subis par les équipes, surtout quand l’accès aux patients est compliqué dans certaines zones rurales ou isolées.
Effectuant une véritable gymnastique entre les impératifs horaires des centres hospitaliers, des ambulances et des patients, le personnel hospitalier et libéral souhaite, malgré ces problématiques, rester impliqué et efficace dans les soins. Les différents corps de métier de santé tentent de se coordonner au mieux, surtout lorsque les patients ont besoin de soins complexes et interdisciplinaires, et que le temps disponible pour communiquer entre eux est moindre.
Pour pallier le manque de place et de disponibilité au sein des hôpitaux, le soin à domicile, bien géré, peut permettre d’optimiser l’attente des soins et la rapidité des sorties. Certains acteurs du secteur développent, pour coordonner à distance les soins des applications de gestion des dossiers patientèles, afin de faciliter les échanges entre les différents corps médicaux. Mais tous ces nouveaux dispositifs nécessitent des financements, des formations, et des temps d’adaptation, et la filière a besoin d’aide pour mettre ces nombreux dispositifs en place.
Une nécessité d’investissement pour revaloriser ce secteur sous tension
Malgré la stratégie d’accélération pour le développement de la « Santé Numérique » lancée par le gouvernement - visant à améliorer la qualité des soins à domicile grâce à des solutions IT, le financement reste une problématique bien présente. Les associations, les professionnels du soin à domicile, et même le ministère des solidarités appellent le gouvernement à revaloriser les métiers de l'aide à domicile. Ces derniers souhaitent engager une réflexion et une réforme de fond de l'aide humaine en développant une offre de service accessible sur tout le territoire. En effet, la moitié des structures d'aide à domicile rapportent des ruptures de prise en charge faute de personnel ; un poste proposé sur trois reste constamment vacant depuis plus de 2 ans (UNA).
Pour renforcer le dynamisme de la filière, le salaire d’un aidant à domicile nécessite d’être revalorisé pour donner l’envie de faire ce métier, encore trop peu attractif selon l’UNA. Les entreprises employant des professionnels des soins à domicile sont quant à elles entièrement dépendantes des remboursements de la sécurité sociale basés sur les LPPR (liste des produits et prestations remboursables par l'Assurance Maladie). Face aux baisses régulières, elles doivent trouver des solutions au quotidien pour maintenir la qualité de leur prise en charge et faire en sorte que l’activité soit pérenne, et ce sur un marché très concurrentiel.
Certains acteurs du corps libéral rencontrent en effet parfois des difficultés à accéder à un équipement médical adéquat ou à d’autres ressources nécessaires pour fournir des soins de qualité - notamment à cause des récentes pénuries de composants électroniques. Résultat, il peut être plus coûteux, à la fois pour les entreprises de ce secteur mais aussi pour la patientèle, d’offrir et de s’offrir un service de soin à domicile de haute qualité.
À cause du manque de personnel, mais aussi du manque d’attractivité du secteur, les professionnels sont confrontés à une variété de cas plus larges, et ont parfois besoin d'une formation supplémentaire pour s'occuper de patients atteints de maladies chroniques ou complexes. En effet, le nombre de patients âgés ne fait qu’augmenter ces dernières années (papyboom), entraînant de plus en plus de suivis spécifiques pour des maladies précises. Malheureusement, le manque de temps et de financements disponibles pour effectuer et encadrer ces apprentissages limitent les possibilités en matière de développement et de formation. Ceci, d’autant plus que les professionnels de santé doivent s’adapter et se tenir au courant régulièrement des réglementations en vigueur en matière de soins de santé, dépendant des différentes juridictions et des évolutions législatives.
L’ensemble de ces problématiques nécessitent une attention particulière de la part des décideurs afin d'améliorer les conditions de travail des professionnels du secteur et d'assurer une prestation de soins de qualité aux patients à domicile. Il est nécessaire de trouver des solutions pour restructurer et réorganiser l’écosystème pour améliorer l’attractivité d’un secteur qui reste central pour l’avenir de la santé en France.