La parfumerie de luxe française a une image exceptionnelle dans le monde entier. Toutefois, des défis importants sont apparus ces dernières années, et se sont amplifiés avec la crise de la COVID 19. Les cousins latins, en particulier les Italiens, les Espagnols ont pris des parts de marché de plus en plus importantes au niveau mondial.
Les défis du luxe à la française : le cas de la parfumerie
Les parfumeries anglaises et américaines, déjà présentes sur le marché mondial, ont su développer leur propre originalité sans, comme dans le passé, imiter la parfumerie française.
Ce recul de la parfumerie de luxe française s’explique par le fait que les marques françaises aient oublié certaines des spécificités qui faisaient leur force et leur originalité, au profit de la croissance et de la rentabilité à tout prix. Mais surtout elles ont oublié d’innover, d’imiter la nature et de maintenir les traditions.
Les parfums sont-ils des produits de luxe lorsqu’ils ne contiennent uniquement qu’1 ou 2% d’ingrédients naturels, même si le marketing affirme le contraire ? Le public est de mieux en mieux informé, en particulier les jeunes. Une grande marque ne peut plus organiser des visites dans ses champs de roses à Grasse pour affirmer que ses parfums contiennent cette essence. Car une simple règle de trois permet de constater la quantité infinitésimale de cet extraordinaire ingrédient dans ses parfums.
La tradition a tendance à être oubliée. La formulation est sous-traitée, très peu de marques comme Guerlain, Dior ou Hermès, ont compris l’intérêt d’avoir un parfumeur interne. Peu de créateurs actuels sont des vrais chimistes comme l’étaient Aimée Guerlain, Edmond Roudnitska ou le récemment disparu Guy Robert. Les étapes traditionnelles de préparation du parfum (la macération, le glaçage et la filtration) sont écourtées ou parfois complètement évacuées pour préparer le « jus », le plus rapidement possible. Le processus de création est raccourci afin de lancer des produits marketing « flanckers » (des copies qui ne sont que des déclinaisons pour le soir, le sport, la saison…) avec des durées de vie de plus en plus courtes. On planifie leur remplacement avant même que le public ait pu en apprécier l’originalité, lorsqu’il y en a une. On oublie surtout d’innover. Hormis de légers changements dans la présentation, faisant fi de la citation d’Alfred de Musset : « qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse ».
Une révolution est nécessaire dans la composition du parfum lui-même pour répondre aux enjeux écologiques et revenir à l’essence de la parfumerie de luxe à la française.
Le souhait d’avoir des produits sains, sans allergènes, la volonté d’éviter tous les composés chimiques toxiques comme les stabilisateurs, phtalates, etc. ont favorisé l’émergence d’innovations dans la parfumerie française et ont encouragé l’intégration de la science et de la technologie dans la création des parfums de luxe. L’écologie doit être réellement prise en compte pas uniquement à des fins de communication (par exemple remplacer le vert à la place du noir comme symbole du luxe). La neutralité carbone doit être appliquée et pas seulement sur le papier. La parfumerie française c’est aussi l’art et la créativité. La plupart des parfums célèbres ont su intégrer ces aspects de l’art et de la culture française, dans leur formulation. Il faut, d’une manière plus subtile, intégrer les six autres arts : sculpture, dessin, peinture, musique, littérature et danse (selon la définition proposée par Etienne SOURIAU en 1969).
La prise en compte des défis écologiques combinée à l’intégration de tous les arts donne naissance à une nouvelle classe des parfums : les fragranceuticals. Ancrés dans la pure tradition française de parfumerie de luxe, ce sont des innovations technologiques stratégiques : des parfums sans allergènes, sans colorants et sans stabilisateurs qui seront certainement le futur de la parfumerie française de luxe.