La fête de Pâques arrive à grands pas et les foyers commencent d’ores et déjà leurs achats. Pourtant, une accumulation de mauvaises nouvelles autour du produit phare des festivités, le chocolat, pourrait bien gâcher ce moment tant attendu.
La fête de Pâques menacée par la hausse du cacao ?
La Saint-Valentin s’était déjà déroulée dans l’ombre de l’inflation, et malheureusement, aucune éclaircie n’est à entrevoir pour le moment. Les prix du cacao continuent de flamber à des niveaux encore jamais atteints, d’environ 95% depuis le début de l’année pour atteindre plus de 8200$ par tonne, alors que le chocolat représente environ 70% des friandises consommées aux Etats-Unis durant le week-end de Pâques.
Une offre qui excède largement la demande
Rappelons qu’en 2023, les contrats à termes sur le cacao avaient déjà bondi de plus de 61% suite à une recrudescence de facteurs climatiques catastrophiques en Afrique de l’Ouest. Dans cette partie du continent, la Côte d’Ivoire et le Ghana représentent plus de 60% de la production mondiale de cacao. Ces deux pays ont été touchés par une saison particulièrement aride et caniculaire, qui a fortement impacté la production.
Face à un tel choc, le régulateur de la Côte d’Ivoire, qui a vu une baisse de ses exportations de 36% entre octobre et fin janvier par rapport à la même période l’année dernière, et le Ghana ont pris la décision d’arrêter les ventes pour la saison 2024/2025. Les usines de transformation ont stoppé ou réduit leur production face à l’explosion des coûts de fabrication, et les producteurs préfèrent vendre sur le marché plutôt que d’honorer leurs contrats d’approvisionnement.
L’ensemble de ces facteurs devrait, selon l’ICCO (International Cocoa Organization), provoquer une chute de la production mondiale d’environ 11%, bien que la hausse des prix influence aussi la demande, qui pourrait également baisser de 5%. L’organisme table alors sur un déficit de 374 000 tonnes contre 74 000 pour l’année précédente. Certains initiés de l’industrie prévoient même un déficit pouvant atteindre jusqu’à 500 000 tonnes.
Aucune perspective de retracement des prix
A l’approche des fêtes de Pâques, le déséquilibre entre l’offre et la demande qui s’opère actuellement et qui pousse les prix vers des sommets toujours plus élevés, est pourtant loin de sa résolution. Durant le mois de mars et d’avril, le cacao connaît généralement des hausses de prix près de trois fois supérieures à la moyenne mensuelle. Sur le plus long terme, Paul Davis, le président de l’Association européenne pour le cacao, estime que les turbulences pourraient encore durer de 18 mois à 3 ans.
Si la tendance se poursuit, la hausse pourrait donc aller bien au-delà des 95% de performance depuis le début de l’année. Antoine Andreani, analyste des marchés senior chez XTB France, anticipe un prix de 9 420$ par tonne durant le mois d’avril si la volatilité se maintient, et 10 000$, une résistance symbolique, d’ici la fin de l’année.
Conséquence prévisible de cette situation, les clients n’ont pu que constater une hausse des prix du chocolat en supermarché. Mondelez, le détenteur des marques Milka et Cadbury, a augmenté ses prix de 12 à 15% en Europe durant 2023. Son concurrent Hershey a suivi la tendance, ce qui a fait décliner ses volumes de ventes de 6,6% sur le dernier trimestre. Et selon les analystes, la tendance devrait se poursuivre tout au long de 2024, ce qui pourrait remettre en cause l’abordabilité du chocolat à l'approche des fêtes.
Les fabricants de chocolat, grands gagnants de la situation
Historiquement, les fabricants de chocolat ont été en mesure de répercuter la hausse du coût des matières premières sur les consommateurs, mais comment préserver le fragile équilibre entre le prix et la demande dans un contexte de choc des prix tel que le marché du cacao n’en a jamais connu auparavant ? Une telle inflation signale-t-elle que ces entreprises sont en passe de connaître d’importantes difficultés financières ?
A l’issue de la publication des résultats de 2023 des entreprises phares de la vente de chocolat, il semble que cette problématique n’ait pas vraiment été un sujet d’inquiétude. Hershey, Mondelez et Nestlé ont vu leur résultat net grimper respectivement de 13,29%, de 82,52% et de 20,92%, avec une marge nette moyenne de 14%. Alors que le prix du cacao a bondi de 61% durant l’année, le poids du coût des marchandises vendues par rapport au chiffre d’affaires a baissé pour ces trois entreprises.
Vers un changement des habitudes de consommation ?
Il faut dire que celles-ci sont coutumières des fluctuations du marché et savent comment s’en prémunir. Les procédés de stabilisation des prix d’achat sont multiples : contrats d’approvisionnement à long terme, couverture financière, réduction des quantités vendues ou de la contenance des produits en cacao (“shrinkflation”) … Les tensions pourraient donc représenter pour ces entreprises une justification suffisante pour augmenter les tarifs et par extension, la rentabilité opérationnelle de leur activité.
Mais des facteurs externes, comme le non-respect des contrats d’approvisionnement et l’accroissement du coût de la couverture financière dû à une volatilité exceptionnellement élevée, pourraient mettre à l’épreuve la résilience habituelle de ces entreprises. Si celles-ci perdaient le contrôle des prix du chocolat au détail, alors les intentions d’achat seraient largement revues à la baisse, et la célèbre chasse aux œufs de Pâques pourrait bientôt n’être plus qu’un lointain souvenir.