Le 30 janvier 2025, Le Point organisait à la Maison de l’Océan, à Paris, la 4ᵉ édition de son cercle de conférences « Les Outre-mer aux avant-postes ». Parmi les tables rondes, l’une d’entre elles portait sur la vie chère dans les territoires ultramarins.
Outre-mer : les habitants étouffent sous les prix
L'écart entre les prix pratiqués en Outre-mer et en métropole, sur les biens de consommation ou encore les billets d'avion, est colossal. Jean-François Hoarau, économiste et professeur à l’Université de La Réunion, Béatrice Bellay, députée de la Martinique, et Louis-Philippe Mars, vice-président de l’association Ultramarins Doubout, alertent les pouvoirs publics sur une colère qui gronde.
Les Outre-mer, pris en otage d'un système économique verrouillé
En Martinique, dans les Antilles, et plus généralement dans les territoires des Outre-mer, le prix des produits de première nécessité sont parfois 60 % plus chers que ceux pratiqués en métropole. « On ne peut pas considérer que la France est une et indivisible et admettre qu’il y a 30 – 40 % de pauvreté parce que les populations locales sont partout citronnées » vilipende Béatrice Bellay, députée de la Martinique. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le coût élevé des bien de consommation ne s’explique pas uniquement par l’éloignement géographique.
Comme l'ont expliqué les trois invités de la table ronde organisée par Le Point, l’importation est accaparée par quelques grandes entreprises, qui possèdent toute la chaîne de distribution et peuvent ainsi imposer leurs prix sans véritable régulation. Cette structure oligopolistique « n’existe nulle part ailleurs, en tout cas sur l’Hexagone », déplore la députée. Un constat partagé par Louis-Philippe Mars, qui dénonce, lui-aussi, un système dans lequel « les entreprises savent pertinemment qu’elles n’auront pas de concurrence et maximisent ainsi leurs profits ». Il précise, « les oligopoles ciblent la partie haute de la demande, quitte à réduire leur volume, ils s’assurent par là que leurs marges seront tout de même maintenues. » (...) « Il y a vraiment une révolte parce que les gens en ont marre de ne pas voir des choses qui nous paraîtraient normales », poursuit-il. Ce dernier, tout comme la députée Béatrice Bellay et Jean-François Hoarau, exhorte à ce que la continuité territoriale ne soit pas qu'un principe, mais soit réellement appliquée.
Des salaires trop bas pour suivre l’inflation
Si les prix sont élevés, les salaires, eux aussi, restent bien inférieurs à ceux des habitants de la métropole. Le différentiel de pouvoir d’achat est colossal : un Martiniquais gagne en moyenne 25 % de moins qu’un métropolitain, mais il doit dépenser bien plus pour se nourrir, se loger ou se déplacer.
Béatrice Bellay, députée de Martinique, n'a pas manqué de montrer son indignation, : « Nous sommes des territoires qui donnent énormément à la nation (...) Il n’existe toujours pas de service de transport public. On dépense plus dans nos transports que pour manger. » Que ce soit les services de base, comme la téléphonie, de manière générale, tous les prix des biens de consommation sont nettement supérieurs à ceux de la métropole.
Quelles solutions ?
Louis-Philippe Mars souligne d'autre part l’incohérence du système actuel, où « la Corse reçoit plus d’aides publiques que les Outre-mer, alors que ces territoires participent pleinement à l’économie nationale, la Nouvelle-Calédonie notamment, qui fait deux fois sa taille. » Malgré ce constat amer, plusieurs solutions ont été évoquées. L’économiste plaide notamment pour une plus grande coopération régionale, qui permettrait selon lui de réduire la dépendance aux importations et d’investir dans des secteurs stratégiques : « Les marchés naturels sont étroits, mais il y a des perspectives dans l’énergie et l’alimentaire, notamment pour l'exportation. La voie royale, c’est la coopération régionale, notamment concernant la souveraineté alimentaire, qui ne peut être assurée localement. Cela permettra de réduire la distance et de faire des économies d’échelle (...) La question à se poser maintenant c'est : que produire ? »
D’autres pistes sont évoquées : régulation des prix, aide au fret, encadrement des marges et augmentation des minimas sociaux. Mais sans décision politique forte, ces mesures resteront lettre morte. La colère gronde. « C’est un problème de société : soit on le fait, soit on ne le fait pas et on reste sous un modèle économique colonial. Il faut aller vers un système, non pas d’autonomie, mais de dépendance-autonomie : il faut laisser une marge dans le pouvoir de décision pour les territoires ultra-marins ».