Comment le gouvernement Ouattara muscle sa lutte contre l’immigration clandestine

La nouvelle a fait grand bruit en cette rentrée 2024. Annoncée dès le 14 août par le gouvernement ivoirien, la réinstauration des visas entre la Côte d’Ivoire et le Maroc est officiellement rentrée en application le 1er septembre, et ce pour une période “expérimentale” de deux ans. Au-delà d’une simple mesure administrative, ce dispositif témoigne de la détermination du gouvernement dans sa lutte contre l’immigration clandestine. Décryptage.

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Par Charles de Blondin Publié le 24 octobre 2024 à 16h23
Ouattara Immigration Controle Afrique
Comment le gouvernement Ouattara muscle sa lutte contre l’immigration clandestine - © Economie Matin

Un double objectif

Il est de notoriété commune que le Maroc constitue un pays de transit pour de nombreux migrants à destination de l’Europe. De par sa situation géographique et son accès jusque-là facilité depuis la Côte d’Ivoire, le royaume chérifien apparaît en effet comme une véritable passerelle vers l’Europe.

Le premier motif invoqué par le gouvernement ivoirien pour la mise en place temporaire de cette mesure est d’enrayer l’immigration clandestine en direction des pays européens. S'il est très difficile d'estimer le nombre de migrants en transit sur le sol marocain, les Ivoiriens sont, sur le papier, parmi les plus nombreux. Mais seulement sur le papier. La pratique est en effet devenue monnaie courante chez les immigrés : se procurer un - faux - passeport ivoirien serait synonyme de davantage de succès dans son exil. Libre entrée au Maroc depuis le territoire ivoirien, donc, image positive du pays en Europe et rapatriement, en cas d’échec, dans un pays qui enregistre une croissance forte, démocratique et en paix, locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest… Pour beaucoup, ce ne sont pas les arguments qui manquent. Ces dernières années, les chiffres de Frontex, l’agence européenne de protection des frontières, ont bien souvent surestimé le nombre de ressortissants ivoiriens du fait de ce stratagème. Au-delà de la lutte contre l’immigration clandestine, c’est tout également de véritables réseaux de faussaires spécialisés dans la fabrication de faux passeports que s’applique à combattre le gouvernement.

Une Côte d’Ivoire maître de son territoire

En octobre dernier, le ministre ivoirien de l’Intérieur, Vagondo Diomandé, dénonçait déjà “une situation qui tend à ternir l’image” de la Côte d’Ivoire. Force est de constater que le gouvernement n’hésite pas à expérimenter afin de trouver la meilleure option possible pour son pays. Ce sont tout autant ses frontières que son image à l’international que la Côte d’Ivoire protège par cette mesure, visant à mettre fin au désordre migratoire.

Ces dernières années, la Côte d’Ivoire s’était déjà emparée du sujet et avait pris plusieurs initiatives fortes : « amélioration des conditions de vie et de travail des populations », accords passés avec l’Europe, renforcement des mesures de contrôle et de surveillance aux postes frontières, démantèlement de filières… ainsi que l’envoi de missions d’identification dans les pays européens. Une politique de continuité, donc, pour le contrôle de son territoire.

Deux poids, deux mesures

L’annonce de cette réinstauration des visas n’est pas passée inaperçue. Certains thuriféraires de la bonne conscience et des jugements hâtifs n’ont pas manqué d’immédiatement jeter l’opprobre sur cette mesure, jugée “xénophobe”. A ceux-là peut-être faudrait-il rappeler qu’en ce moment même des milliers de réfugiés burkinabé sont accueillis dans tout le nord de la Côte d’Ivoire, fuyant les violences des groupes djihadistes. Et que la solidarité et l’hospitalité sont les valeurs fondatrices de la Côte d’Ivoire. Car la lutte contre l’immigration clandestine et la volonté de maîtrise de ses frontières ne sont pas choses anormales pour une nation. Et que surtout pour accueillir et ouvrir lesdites frontières, il faut d’abord les maîtriser.

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Cdeblondin

Diplômé d'une grande école de commerce et de l'EEIE, Charles de Blondin est consultant en intelligence économique. Après avoir exploré le Proche-Orient et vécu en Jordanie pour étudier l'arabe, il décide de fonder le média Billet de France en 2019 dont il est le rédacteur en chef. Dans ce cadre, il réalise différents grands reportages de l'Arménie à la Mauritanie en passant par l'Ukraine.

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