Deux mois sans Premier ministre, presque trois sans gouvernement… Et maintenant une équipe ministérielle qui penche à droite. De quoi rassurer les patrons de PME, plongés pour certains dans une forme d’angoisse, depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. En effet, la perspective de réévaluer le SMIC à la hausse ainsi que la réduction du temps de travail sans contrepartie, comme l’avait suggéré le Nouveau Front Populaire, n’avaient pas franchement convaincu les chefs d’entreprise. Alors, seront-ils plus sensibles aux arguments du gouvernement Barnier ? Le nouveau Premier ministre saura-t-il réduire le taux de défaillance et redonner de la visibilité aux entreprises ? Rien de certain selon Jean-François Faure, président-fondateur du groupe AuCOFFRE..
« Tiens ta droite » : l’opération séduction de Michel Barnier sur les patrons
Michel Barnier, icône du patronat ?
Sur le papier, Michel Barnier a tout du gendre idéal : diplomate et consensuel pour enjôler papa, soigné et lisse pour charmer maman. Des atouts qui semblent aussi faire mouche auprès des patrons, plutôt enthousiastes et optimistes depuis sa nomination. D’un seul revers de la main, il a balayé l’option d’un gouvernement à gauche. Mais parviendra-t-il à concilier les contraires et à réduire cet éternel clivage entre patron et salarié ? Rien n’est moins sûre, même pour cet ancien négociateur qui a su mener sa barque pendant les accords du Brexit.
En revanche, cette prouesse technique aura eu le mérite de le rompre à l’exercice, pour éviter de tomber dans les pièges d’une Assemblée fracturée et un brin revancharde. À la fois solide sur ses principes et doté d’une fibre sociale empruntée au gaullisme, il a la capacité de rassembler, y compris la sphère patronale qui nourrit en lui beaucoup d’espoirs pour redresser la France, fragilisée par des mois de conflits politiques.
La gauche recule, la droite prospère
Aux lendemains des élections législatives, la tension était palpable. Devenu la première force politique du pays, le Nouveau Front Populaire avait donné le ton, plongeant quelques patrons dans l’inquiétude. Abrogation de la réforme des retraites, révision des services publics, soutien du pouvoir d’achat… C’est surtout leur approche économique radicale qui a fait frémir les chefs d’entreprise.
Parmi les propositions sur lesquelles nombre de dirigeants se sont érigés contre l’augmentation du SMIC à hauteur de 1.600 euros net, fait grincer des dents. Si la gauche plaide en faveur d’une hausse brutale de 14%, les patrons encaissent difficilement le coût. En effet, cette mesure pourrait avoir des conséquences irréversibles sur les petites entreprises, en particulier celles de moins de 10 salariés, qui représentent 84 % des dépôts de bilan. De quoi agiter les patrons de PME qui souhaitent alerter les hautes sphères de l’État sur les vices cachées d’une telle mesure. Attention à la banqueroute, disent-ils, sous prétexte de vouloir soutenir le pouvoir d’achat !
L’envie, aussi louable soit-elle, de désmiscardiser le pays, serait un pansement appliqué sur une plaie ouverte. Résultat ? Plus de faillites, moins d'emplois, un tissu économique de proximité fragilisé et au final une grande gagnante : l’importation de produits venant de Chine. Il est donc préférable de repenser la fiscalité, alléger les impôts de production, et encourager l'innovation pour véritablement soutenir le pouvoir d'achat et la compétitivité. Un appel du pied qui ne laisse pas Michel Barnier insensible…
Repenser la fiscalité
Sur la question des impôts, la France est déjà championne : les 10 % les plus fortunés subissent une des fiscalités les plus lourdes au monde. Soit. Certaines rentes d’entreprises mériteraient d’être réexaminées mais un alourdissement global des impôts ne résoudra pas les problèmes dans laquelle la France s’est enlisée au fil des décennies. Dépenses publiques excessives, dette incontrôlée et engagements environnementaux non tenus… Voici les maux qui gangrènent le pays. Et l’emploi ? Rien n’est dit sur ce sujet pourtant crucial. Alors que le taux d’emploi en France est inférieur à celui de l’Allemagne, il serait nécessaire de réformer l’accès des jeunes au marché du travail et de savoir maintenir les seniors en activité. Par ailleurs, il est temps de repenser la notion même de travail : pourquoi ne pas envisager la semaine de quatre jours ? Cela permettrait entre autres d’encourager le développement des associations d’utilité publique et de reconnaître ceux qui y œuvrent.
Quant aux entreprises, taxer leur activité avant même qu’elle ne soit rentable est une grave erreur. Nous traversons une période record de liquidations. Il serait plus judicieux de poursuivre la baisse des impôts de production pour permettre aux entreprises de prospérer avant d’être imposées. Garde à la ratification du pacte Dutreil qui entrainerait de facto la fuite immédiate des entreprises à l’étranger ! Un virage pris régressiste à ne surtout pas prendre sous peine de voir les héritiers vendre pour payer les impôts, ouvrant ainsi la porte aux prédateurs étrangers. Augmenter les taxes sur les ventes capitalistiques, oui, mais épargnons les transmissions intra-familiales au risque de voir les entreprises passer sous pavillon étranger à vil prix. Le gouvernement Barnier sera-t-il réceptif face aux revendications des dirigeants ? La suite au prochain épisode.