Alors que les urgences humanitaires explosent, les ressources s’effondrent. Une dynamique inverse qui inquiète les observateurs comme les acteurs du terrain. Que se passe-t-il exactement au sein de l’Organisation des Nations unies (ONU), et pourquoi cette situation pourrait-elle affecter des dizaines de millions de personnes dès cette année ?
Aide alimentaire : l’ONU n’a plus d’argent, vers 58 millions de morts de faim ?

En quinze jours, à Gaza, les stocks seront vides. C’est ce qu’a confirmé le Programme alimentaire mondial. Et ce n’est qu’un aperçu.
58 millions de personnes menacées : la famine en ligne de mire
Le Programme alimentaire mondial de l’ONU (PAM) a annoncé, le vendredi 28 mars 2025, une réduction drastique de ses ressources pour l’année à venir. Selon le communiqué officiel, « l’organisation est confrontée à une baisse alarmante de 40 % de ses financements pour 2025 par rapport à l’année dernière ». Cette chute vertigineuse survient alors que le nombre de bénéficiaires atteint un sommet historique.
Cette situation, qualifiée de « crise sans précédent », est directement liée à la diminution massive des subventions internationales. Pour la seule agence américaine USAID, l’administration Trump a supprimé 83 % de ses programmes, soit « des dizaines de milliards de dollars » de soutien en moins. Cette agence représentait à elle seule un budget annuel de 42,8 milliards de dollars, soit 42 % de l’aide humanitaire mondiale.
Outre les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, ainsi que les États scandinaves, ont tous procédé à des coupes dans leurs enveloppes consacrées à l’aide internationale. Résultat : un déficit abyssal, que le PAM n’est plus en mesure de combler.
Le chiffre donne le vertige. Selon une estimation de l’ONU, « 58 millions de personnes risquent de perdre l’aide vitale apportée dans le cadre des 28 opérations les plus critiques de l’agence, faute de financements suffisants ». Autrement dit, l’équivalent de la population de l’Italie privée de ressources alimentaires essentielles.
Le PAM assure pourtant donner « la priorité aux pays qui ont les besoins les plus importants », tout en tentant de « réduire les coûts opérationnels ». Mais comme l’a reconnu Rania Dagash-Kamara, responsable pour les partenariats et l’innovation au PAM : « il ne faut pas se leurrer, nous sommes confrontés à un gouffre financier dont les conséquences peuvent être fatales ».
Cette alerte ne vise pas seulement des situations chroniques. À Gaza, où les tensions militaires ont repris depuis quelques jours, l’organisation prévient : l’aide alimentaire restante suffira à peine deux semaines. Ensuite, plus rien.
L’ONU dans l’impasse : quelles issues possibles ?
La contraction des financements internationaux n’est pas un phénomène isolé ou conjoncturel. Elle traduit une tendance lourde : la priorisation des budgets nationaux au détriment de l’aide extérieure. Sous prétexte de contraintes économiques, plusieurs gouvernements ont réduit, parfois drastiquement, leurs contributions aux mécanismes multilatéraux comme ceux de l’ONU.
Les répercussions sont immédiates. Le PAM, bras opérationnel de l’aide alimentaire, se voit contraint de diminuer ses distributions, de reporter certaines missions, voire de fermer des programmes entiers. Ce n’est plus seulement une question de logistique ou d’efficacité : c’est une question de vie ou de mort pour des millions de bénéficiaires.
Face à cet effondrement du soutien, quelles marges de manœuvre reste-t-il à l’ONU ? L’agence tente d’alerter, de sensibiliser, de réagir. Mais en l’absence de nouveaux donateurs ou de mécanismes innovants de financement, les marges sont minces. Le PAM fait feu de tout bois pour préserver l’essentiel. Mais l’essentiel devient chaque jour plus cher, plus rare, plus fragile.
L’impasse actuelle souligne un paradoxe cruel : alors que les besoins explosent, l’engagement mondial s’érode. Et l’ONU, pilier d’un système humanitaire multilatéral, se retrouve à genoux, faute de moyens. Une équation intenable, dans laquelle les victimes ne sont pas les gouvernements, mais les populations.