Depuis les premiers jours d’Internet dans les années 1990, le monde a connu une transformation numérique sans précédent, touchant tous les secteurs. Si le commerce en ligne a rapidement trouvé sa place avec la première commande en ligne en 1994, le marché de l’art, de nature traditionnelle, a mis plus de temps à embrasser cette évolution digitale.
La numérisation du marché de l’art
La naissance d’un marché de l’art sur internet
Le particularisme d’une œuvre d’art, se caractérisant par un prix souvent élevé, sa relative fragilité et d'une valeur faite par son authenticité, a freiné l’adoption du commerce en ligne sur ce marché. Pour convaincre les acheteurs habitués aux galeries, aux antiquaires et aux maisons de vente traditionnelles, il a fallu adapter le marché en ligne en proposant notamment une sécurité accrue.
Loin d’un téléphone portable que l’on commanderait sur la toile, une œuvre d’art a quelque chose d’unique et d’irremplaçable. Aussi, son authenticité est bien plus importante car sa valeur peut chuter dramatiquement si elle est remise en question.
Pour les acquéreurs, il était crucial de voir les œuvres en personne avant d'acheter, car l'expérience physique permet de mieux apprécier l'objet. Toutefois, l'unicité de chaque œuvre d'art limitait sa présence sur plusieurs marchés simultanément. Traditionnellement, on choisissait le marché le plus susceptible d'attirer le plus grand nombre d'acheteurs pour obtenir le meilleur prix.
Face à l’internationalisation des artistes et de la consommation, le marché sécurisé de l’art en ligne a révolutionné la dynamique traditionnelle en offrant une vitrine digitale sans sacrifier leur unicité, et en permettant aux œuvres d'être accessibles à un public global. Au-delà de convaincre le public lié aux acteurs traditionnels, la création d’un commerce en ligne a permis d’offrir une solution aux nouveaux investisseurs et aux amateurs d’art intimidés par le monde de l’art.
Le développement des plateformes en ligne
Le marché de l'art en ligne a d'abord émergé sur des plateformes généralistes comme eBay (fondé en 1995) ou Leboncoin (fondé en 2006) en France, qui ont permis à des amateurs avertis de réaliser de bonnes affaires avec des commissions de vente réduites. Toutefois, la montée en puissance de ces plateformes s'est accompagnée d'une prolifération de faux, posant de sérieux défis en matière de confiance et d'authenticité. Pour protéger ces objets très particuliers, des mesures de sécurité plus strictes ont été mises en place, et des plateformes spécialisées en B2C (Business to Consumer), comme Artsy en 2009 et Artsper en 2013, ont vu le jour.
Au-delà de ces services, des plateformes spécialisées en C2C (Consumer to Consumer) ont aussi émergé comme Artransfer, première plateforme de revente d'œuvres d'art contemporain entre particuliers. Le marché s'est donc de plus en plus structuré autour de ces solutions innovantes. Ces alternatives ont offert un environnement fertile au marché de l’art, où la vente est devenue plus accessible tout en maintenant des standards élevés de vérification et de sécurité. Ces tendances ont également été mises en lumière dans le rapport UBS et Art Basel 2024, qui a révélé que le chiffre d'affaires des ventes en ligne avait augmenté de 7 % par rapport à l'année précédente, atteignant 11,8 milliards de dollars. Le marché de l'art en ligne représente désormais 18 % du marché de l'art, une progression significative pour un secteur qui, rappelons-le, est encore jeune et existe depuis moins de 30 ans.
Le renouvellement d’un marché traditionnel à l’ère du numérique
Confrontés à ce nouveau concurrent numérique, les acteurs traditionnels ont été contraints de s’adapter. Les maisons de vente aux enchères historiques, telles qu’Ader (fondée en 1692), Sotheby’s (fondée en 1744) ou Christie’s (fondée en 1766), ont dû se réinventer face à ce marché émergent. Certaines ont même lancé leurs propres plateformes de ventes en ligne, s’assurant ainsi une place significative dans ce secteur en pleine expansion. Depuis 2006, Christie’s propose à ses clients la possibilité d’enchérir en ligne via sa plateforme Christie’s LIVE, permettant à un clic de remplacer le traditionnel lever de main. Cette pratique, initialement introduite aux États-Unis, s'est progressivement étendue à l'échelle internationale dès 2007. Les plateformes Interenchères ou encore Drouot Live se sont aussi développées, offrant aux maisons de vente une vitrine en ligne et la retransmission de leur vente aux enchères en direct.
Cette forte augmentation de la part du numérique semble loin d’être achevée. Le segment numérique du marché de l'art est désormais arrivé à maturité, et son évolution continue promet de redéfinir encore davantage la manière dont l’art est acheté, vendu et apprécié dans le monde entier.
Mathilde Lamezec pour Artransfer