Belgique : le grand retour de la production électrique nucléaire

La Belgique devait tourner la page du nucléaire. Depuis 2003, une loi prévoyait une sortie progressive de l’atome, à l’image de l’Allemagne. Mais le nouveau gouvernement de la Belgique dirigé par le conservateur flamand Bart De Wever change radicalement de cap. Il annonce non seulement la prolongation de plusieurs réacteurs, mais aussi la construction de nouvelles installations. Une volte-face aux enjeux multiples qui questionne l’avenir énergétique du pays.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
By Grégoire Hernandez Published on 6 février 2025 12h00
nucleaire-production-electrique-belgique
Belgique : le grand retour de la production électrique nucléaire - © Economie Matin

Nucléaire : une loi de 2003 remise en cause

La loi de 2003 fixait un calendrier précis pour la fermeture progressive des réacteurs nucléaires belges. Pourtant, en raison des tensions géopolitiques et de la flambée des prix de l’énergie depuis la guerre en Ukraine, ce plan a été progressivement remis en question. Dès 2023, le précédent gouvernement avait déjà obtenu un accord avec Engie pour prolonger de dix ans les réacteurs Doel 4 et Tihange 3, soit jusqu’en 2035. Bart De Wever va plus loin : le nouveau Premier ministre de la Belgique veut lever totalement les restrictions de la loi en abrogeant les articles interdisant la production d’énergie nucléaire et imposant l’arrêt des centrales existantes.
« Nous devons garantir un approvisionnement sûr et abordable en électricité », a déclaré Bart De Wever dans sa déclaration de politique générale. Ce revirement marque un alignement avec des pays comme la France, qui mise sur l’atome pour sa transition énergétique, plutôt qu’avec l’Allemagne, qui a préféré le tout renouvelable.

Le projet du gouvernement est ambitieux : prolonger la capacité nucléaire actuelle de 4 gigawatts (GW) et en ajouter 4 autres, soit un total de 8 GW d’ici les prochaines décennies. En plus des réacteurs Doel 4 et Tihange 3, d’autres unités actuellement en fin de vie pourraient être maintenues en activité. Mais surtout, le tout nouveau gouvernement veut relancer la construction de nouveaux réacteurs, notamment des petits réacteurs modulaires (SMR).
Ces SMR, encore au stade de prototype dans de nombreux pays, sont présentés comme une alternative plus flexible et plus sécurisée aux grandes centrales traditionnelles. La Belgique espère attirer des investisseurs internationaux pour lancer un projet pilote sur son territoire.

Un basculement aux conséquences européennes

Si l’énergie nucléaire offre un avantage en termes de production d’électricité décarbonée et stable, plusieurs obstacles demeurent. D’abord, la question des coûts : Engie, principal exploitant des centrales belges, a déjà exprimé des réticences. « Développer de la production d’électricité sur base nucléaire ne fait plus partie de nos priorités stratégiques », a indiqué Vincent Verbeke, responsable d’Engie Belgique.
Ensuite, le défi du financement et des délais. Construire un nouveau réacteur demande des investissements massifs et au moins une décennie avant la mise en service. Or, le pays doit répondre dès maintenant à ses besoins en énergie, notamment face à l’explosion des prix et à la fin du gaz russe bon marché.
Enfin, la gestion des déchets nucléaires reste une problématique majeure. Où stocker les résidus radioactifs ? Comment assurer une transparence suffisante pour éviter les oppositions citoyennes ?

Le choix de la Belgique pourrait influencer ses voisins et rebattre les cartes du mix énergétique européen. En 2024, le pays a été le premier importateur d’électricité française, profitant de l’excédent de production nucléaire de l’Hexagone. En renforçant sa propre capacité atomique, la Belgique pourrait réduire cette dépendance et devenir elle-même exportatrice.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré fin janvier 2025 : « Nous devons développer davantage notre production d’énergie issue de sources renouvelables et, dans certains pays, du nucléaire. » Le virage pris par la Belgique semble donc s’inscrire dans une tendance plus large, où l’atome retrouve une place centrale dans la stratégie énergétique du continent.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Étudiant en école de journalisme. Journaliste chez Économie Matin depuis septembre 2023.

No comment on «Belgique : le grand retour de la production électrique nucléaire»

Leave a comment

* Required fields