Nucléaire : l’EPR de Flamanville a coûté 7 fois plus que prévu

Un projet ambitieux devenu synonyme de dérapages budgétaires et de délais interminables. L’EPR de Flamanville concentre à lui seul les espoirs et les dérives d’une filière nucléaire en quête de renaissance.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 14 janvier 2025 à 12h27
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nucleaire-epr-flamanville-coute-sept-plus-prévu - © Economie Matin
23,7 milliards d’eurosLe coût total de l’EPR de Flamanville atteindra 23,7 milliards d’euros.

La Cour des comptes a révélé que le coût total de l’EPR (European Pressurized Reactor) de Flamanville atteindra 23,7 milliards d’euros, soit une multiplication par plus de sept par rapport aux prévisions initiales. Conçu pour incarner la modernité et l'excellence du nucléaire français, ce réacteur de nouvelle génération est devenu un cas d’école des défis techniques, organisationnels et financiers que la filière nucléaire doit affronter.

Plusieurs années de mise en route

Ce budget colossal inclut non seulement les coûts de construction, mais aussi des surcoûts liés à une multitude de problèmes techniques, comme les soudures défectueuses qui ont nécessité des réparations pour un montant estimé à 1,5 milliard d’euros.

À cela s'ajoutent les retards accumulés : initialement prévu pour une mise en service en 2012, le réacteur ne devrait entrer en activité qu’en 2024, générant des coûts financiers supplémentaires de l’ordre de 6,7 milliards d’euros, notamment en frais d’intérêts.

Ces dérapages, qualifiés d’« échec opérationnel » par la Cour des comptes, soulignent également une gouvernance défaillante, marquée par un manque de coordination entre EDF, les sous-traitants et l’État.

Un gouffre financier sans précédent

Initialement estimé à 3,3 milliards d’euros lors de son lancement en 2004, le budget de l’EPR de Flamanville a été multiplié par plus de sept. Plusieurs facteurs expliquent cette explosion des coûts :

  • Délais allongés : La mise en service, prévue pour 2012, a été reportée à 2024.
  • Problèmes techniques : Près de 4 500 modifications ont été apportées au projet, notamment en raison de soudures défectueuses et d’exigences accrues en matière de sécurité.
  • Surcoût des travaux : Le génie civil a nécessité 1,8 fois plus de béton et 3,5 fois plus d'acier que prévu.
Année Coût estimé (Md€) Événement majeur
2004 3,3 Lancement du projet
2015 12,4 Identification des retards majeurs
2023 23,7 Rapport final de la Cour des comptes

Des responsabilités partagées entre EDF et l’État

Le rapport de la Cour des comptes souligne un manque de coordination entre EDF, maître d’ouvrage, et ses sous-traitants. Les rôles d'architecte et de chef de projet se sont souvent confondus, compliquant le suivi et la maîtrise des travaux.

Les autorités publiques n'ont pas suffisamment anticipé les risques associés à ce chantier. Bien que l’État ait injecté 3 milliards d’euros pour soutenir EDF et ses partenaires industriels, les mécanismes de contrôle et de supervision se sont avérés insuffisants.

Le nucléaire : une filière sous tension

Le nucléaire demeure un pilier central du mix énergétique français, malgré les nombreux problèmes rencontrés dans la construction de l’EPR de Flamanville. Ce réacteur, avec une puissance impressionnante de 1 650 MW, devrait être capable de fournir de l’électricité à environ 1,5 million de foyers, soulignant ainsi l’importance stratégique de cette source d’énergie pour répondre aux besoins nationaux.

La filière nucléaire suscite un vif débat. D’un côté, elle est saluée comme une solution incontournable pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. De l’autre, elle est critiquée pour ses coûts faramineux, la complexité de la gestion des déchets radioactifs et les risques environnementaux qu’elle implique.

Ces positions antagonistes reflètent les défis et les enjeux d’une énergie qui, bien que contestée, reste essentielle dans le paysage énergétique français.

Perspectives et avenir du nucléaire en France

Face aux difficultés rencontrées, EDF et l’État envisagent de tirer les leçons pour le développement de futurs réacteurs EPR2, annoncés comme moins coûteux et plus rapides à construire. Toutefois, la Cour des comptes préconise une analyse approfondie des retours d’expérience avant de s’engager dans de nouveaux projets.

L’EPR de Flamanville symbolise à la fois les ambitions et les dérives du nucléaire français. Si ce chantier est une leçon coûteuse, il pourrait également servir de tremplin pour redéfinir une filière nucléaire plus robuste et plus compétitive. Reste à savoir si ces enseignements seront pleinement intégrés à l'avenir.

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Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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