L’Europe valide une prolongation de dix ans pour les réacteurs nucléaires belges Doel 4 et Tihange 3, un projet qui coûtera 15 milliards d’euros à Engie, une facture colossale.
Nucléaire en Belgique : un surcoût de 15 milliards pour Engie ?

Pourquoi la Belgique fait volte-face sur le nucléaire ?
Depuis 2003, la Belgique avait acté la fermeture progressive de son parc nucléaire. L’objectif était de miser sur les énergies renouvelables et d’optimiser l’usage du gaz et de l’électricité importée. Mais la guerre en Ukraine a provoqué une grande crise énergétique, bouleversant les stratégies nationales.
Face à la flambée des prix de l’énergie et à la dépendance au gaz russe, le gouvernement belge a négocié en 2023 un accord avec Engie et EDF pour prolonger Doel 4 et Tihange 3 jusqu’en 2035. La Commission européenne, après enquête, a validé ce projet en février 2025, jugeant cette aide d’État nécessaire et conforme aux règles du marché.
Mais cette prolongation a un coût, et pas des moindres. Engie devra s’acquitter de 15 milliards d’euros, dont 11,5 milliards dès 2025, principalement pour la gestion des déchets nucléaires.
Cette décision européenne représente un investissement massif pour Engie. Si le nucléaire belge a généré 1,45 milliard d’euros de bénéfice opérationnel en 2024, le groupe avait initialement prévu un désengagement progressif de cette activité.
Avec 4,1 milliards d’euros de bénéfice net en 2024, Engie a vu ses revenus fortement dépendre du nucléaire. Toutefois, cette dépendance ne correspond pas à sa stratégie à long terme, axée sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
L’accord oblige Engie à assumer un poids financier conséquent, en grande partie dédié à la gestion des déchets radioactifs. Depuis les années 2000, la Belgique cherche une solution définitive pour l’enfouissement en profondeur des déchets, un projet qui reste coûteux et difficile.
Si l’investissement peut sembler contraignant, il assure néanmoins à Engie une rentabilité à court terme, avec des revenus garantis par l’exploitation prolongée des réacteurs.
Un pari risqué pour l’État belge ?
Si Engie est en première ligne sur le plan financier, la Belgique prend également un risque économique. En prolongeant l’activité de Doel 4 et Tihange 3, l’État cherche à stabiliser son approvisionnement en énergie et à éviter la volatilité des prix.
Cependant, cette prolongation implique aussi des garanties financières de l’État pour sécuriser les investissements d’Engie. La Commission européenne, soucieuse d’éviter toute distorsion de concurrence, a validé l’accord sous réserve de mécanismes de contrôle stricts.
Un autre enjeu économique est la stratégie énergétique du pays. Le nouveau gouvernement dirigé par le conservateur Bart De Wever envisage non seulement cette prolongation, mais aussi la construction de nouvelles infrastructures nucléaires. Son projet prévoit une capacité nucléaire totale de 8 gigawatts, soit le double de la capacité actuelle.
Une telle ambition nécessitera des investissements publics considérables, ce qui pose la question du coût à long terme pour les finances publiques. La Belgique parie sur une électricité stable et compétitive, mais au prix d’une dépendance renforcée à une filière dont le démantèlement coûtera cher dans les décennies à venir.
À court terme, la prolongation des réacteurs nucléaires assure à la Belgique une production énergétique stable et garantit des revenus à Engie. L’énergéticien français, bien que réticent, y trouve un moyen de préserver ses marges, en évitant une chute brutale de son bénéfice net.
Cependant, à long terme, le coût du démantèlement des centrales, les investissements nécessaires dans la gestion des déchets, et la transition vers d’autres sources d’énergie restent inconnus.