De nouveaux câbles électriques en Europe pour une énergie moins chère et plus durable

Des chercheurs financés par l’UE cherchent à améliorer le réseau électrique afin de réduire le gaspillage énergétique, les coûts et les émissions.

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Par Horizon Publié le 12 juillet 2024 à 4h00
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rte, électricité, énergie, réseau, investissement, modernisation - © Economie Matin
42,5%L'UE veut que les énergies renouvelables représentent au moins 42,5 % de la consommation en 2030

Lorsqu’en 2021 les journaux ont fait état d’un ralentissement de la production de cuivre ainsi que d’une certaine inquiétude quant à la capacité à satisfaire la demande future, le docteur Anders Wulff a commencé à s’alarmer. 

En tant qu’ingénieur, M. Wulff était mieux placé que la plupart des lecteurs pour savoir que les réseaux électriques européens actuels ne pourraient pas fonctionner sans cuivre. Ce métal rougeâtre est le conducteur utilisé dans les câbles électriques. Sans lui, nous ne pourrions pas transporter l’énergie sur de longues distances.

Câble en céramique

M. Wulff participe à un projet d'innovation soutenu par l'UE qui a pour objectif pour mettre au point un câble fait à partir d'un matériau très différent: la céramique.

«C'est en gros le même matériau que celui qui est utilisé pour les tasses à café ou les assiettes», a déclaré M. Wulff, directeur général de SUBRA, un fabricant danois de supraconducteurs. «Ma tasse à café est rigide, mais si j'amincis les parois jusqu’à quelques micromètres, je peux commencer à la plier.»

SUBRA fabrique des câbles électriques basés sur la technologie des supraconducteurs et accélère ses travaux grâce à un nouveau projet soutenu par l'UE intitulé SUBRACABLE, qui durera deux ans et s’achèvera en août 2025.

Les supraconducteurs sont des matériaux qui, à basse température, conduisent l'électricité sans aucune résistance électrique. Parmi les nombreux matériaux qui peuvent devenir supraconducteurs à basse température figure un type particulier de céramique. 

L’un des avantages de la technologie des supraconducteurs est qu’elle est beaucoup moins dépendante du cuivre. En effet, celui-ci n’est utilisé dans ces nouveaux câbles que dans une moindre mesure en offrant un support structurel au supraconducteur qui, sinon, serait trop fragile.

Des économies en prime

Autre avantage clé: les supraconducteurs gaspillent beaucoup moins d’énergie car ils ne présentent pas de résistance électrique. 

Pour comprendre comment c’est possible, reprenons les bases de l’électricité et appuyons-nous sur l'exemple du grille-pain. 

Lorsqu’un courant électrique traverse un matériau, il se produit une certaine résistance. Dans un grille-pain, l’élément chauffant (serpentin) présente une résistance à l’électricité particulièrement élevée. 

Lorsque l’électricité traverse le serpentin du grille-pain, une part importante de cette énergie est convertie en chaleur à cause de cette résistance élevée. C'est ce phénomène qui génère la chaleur qui grille le pain.

Si, dans les réseaux électriques, la résistance est très inférieure à celle des grille-pains, elle n’en est pas moins élevée. En 2020, environ 16 % de l'énergie a été perdue lors du transport de l'électricité à travers le continent européen.

De leur côté, les câbles supraconducteurs sont capables de conduire l’électricité sans perdre d’énergie sous forme de chaleur à de basses températures obtenues à l’aide de solutions de refroidissement économiques. Ceci laisse entrevoir la possibilité de réduire les pertes d’énergie et, par extension, la demande énergétique.

Gaspiller moins d’énergie aiderait à réduire les émissions de gaz à effet de serre qui accélèrent le changement climatique. Il devient donc urgent de construire un réseau électrique plus étendu et plus efficace.

«Nous allons devoir doubler ou tripler le taux de transmission de l’électricité si nous voulons abandonner les combustibles fossiles», a déclaré M. Wulff. 

Un prototype prometteur

Dans le cadre du projet SUBRACABLE, l'entreprise a pour l’instant produit de petits prototypes (moins d'un mètre de long) – d'un câble supraconducteur innovant en céramique. En abandonnant la technologie de ruban plat actuellement utilisée au profit d’un câble groupé, ils espèrent pouvoir surmonter les obstacles actuellement rencontrés pour produire des câbles supraconducteurs de façon économique et évolutive.

Par rapport aux câbles en cuivre classiques, le prototype utilise 99 % de cuivre en moins et entraîne une perte d’énergie 90 % inférieure. 

Le câble SUBRA présente un autre avantage par rapport aux autres supraconducteurs: ses exigences moindres en termes de température.

Habituellement, pour fonctionner, les supraconducteurs doivent être refroidis à des températures extrêmement basses pouvant atteindre jusqu’à -270 °C.

Le prototype du projet SUBRACABLE est un supraconducteur à haute température, c’est-à-dire qu’il a moins besoin d’être refroidi. La température requise avoisine les -196 °C, ce qui rend le refroidissement environ 100 fois moins cher que pour les supraconducteurs à basse température.

«L’idéal, pour notre société, serait de pouvoir éviter l’aspect refroidissement», a expliqué M. Wulff. «Nous nous en sommes rapprochés le plus possible, mais le refroidissement est toujours indispensable.»

L’équipe du projet SUBRA espère produire une version d’essai de 50 mètres du câble dans le courant de l'année prochaine, ainsi qu’un câble de démonstration complet de 400 mètres d'ici 18 mois. 

D’après M. Wulff, l’objectif est de pouvoir bâtir, d'ici à 2027, une nouvelle usine parfaitement opérationnelle dédiée à la production en volume de ces câbles.

Course aux énergies renouvelables

Déployer des câbles supraconducteurs pour accélérer la transition vers une énergie plus propre est l'objectif d'un autre projet financé par l'UE. Intitulé SCARLET, ce projet durera quatre ans et demi et prendra fin en février 2027. 

Les chercheurs mènent des travaux de modélisation sur deux câbles possibles et espèrent commencer à tester des prototypes début 2026. 

L'un des câbles est un conducteur à haute température similaire à celui du projet SUBRACABLE, l'autre est constitué de diborure de magnésium, un composé gris foncé obtenu en faisant réagir du magnésium et du bore à haute température.

«L'idée est de faire en sorte que les câbles soient prêts à être produits au terme du projet et accessibles à quiconque souhaite les acheter», a déclaré le docteur Niklas Magnusson, coordinateur du projet SCARLET et ingénieur chez SINTEF, un organisme de recherche indépendant basé en Norvège. 

Baisse des coûts

Les chercheurs étudient la façon de réduire les coûts d’installation des infrastructures des sources d'énergie renouvelables. 

Par exemple, dans les parcs éoliens offshore, de grandes plateformes collectent toute l’énergie électrique générée par les éoliennes. De la taille d'environ un demi stade de football, les plateformes contiennent de nombreux équipements, dont un convertisseur AC/DC nécessaire pour acheminer l'électricité jusqu'au rivage. 

Avec un câble supraconducteur, une grande partie de cet équipement devient inutile. En règle générale, l'électricité est acheminée vers le rivage par des câbles à haute tension, ce qui exige que la plateforme collectrice présente une importante capacité de conversion et de transformation.

Les supraconducteurs n’ayant pas de résistance, ils peuvent transporter des courants élevés sans qu’aucune transformation coûteuse en haute tension soit nécessaire. 

Ainsi, d’après M. Magnusson, sur un parc éolien produisant un gigawatt d'énergie, quelque 10 000 tonnes de matériaux équipant la plateforme pourraient être éliminées. 

Il estime que l'utilisation d'un câble supraconducteur sur un parc éolien peut réduire les coûts d’installation d'environ 15 %. 

De telles économies pourraient s’avérer capitales alors que l'UE s’est fixé pour objectif de faire en sorte que les énergies renouvelables représentent au moins 42,5 % de la consommation en 2030, contre 23 % en 2022. 

Les gains nets sont d’autant plus importants qu’ils doivent parvenir à compenser un obstacle majeur à l’adoption de câbles supraconducteurs par le marché de l’électricité: une habitude bien ancrée résultant de plusieurs décennies de dépendance au cuivre, selon M. Magnusson.

«Si vous souhaitez remplacer une technologie utilisée depuis déjà 50 à 100 ans, il faut qu’elle en vaille vraiment la peine», a-t-il conclu.

Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par le biais du programme Horizon de l’UE, via le Conseil européen de la recherche (CER) dans le cas de SUBRACABLE. Les opinions des personnes interrogées ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission européenne.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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