Lorsque la chaîne de télévision américaine Newsmax est condamnée pour avoir diffamé Dominion dans le cadre de l’élection présidentielle de 2020, ce n’est pas qu’un fait divers américain. C’est un signal fort envoyé à tous les médias : l’information n’est pas un jeu, et la vérité a un prix.
Newsmax face à la justice : quand diffuser un mensonge coûte des milliards

Le 9 avril 2025, la justice du Delaware, aux États-Unis, a tranché : la chaîne d'information Newsmax a bien diffusé des affirmations fausses et diffamatoires contre la société Dominion Voting Systems, l’accusant à tort d’avoir truqué l’élection présidentielle américaine de 2020.
Une condamnation claire : le mensonge n’est pas protégé
Newsmax est une chaîne conservatrice américaine, souvent qualifiée de pro-Trump, qui a largement relayé des accusations de fraude électorale après la victoire de Joe Biden en 2020. Au centre de ces allégations : la société Dominion, qui fournit des machines de vote électronique.
Le juge Eric Davis a estimé que Newsmax avait délibérément diffusé de fausses informations, sans les présenter comme des opinions, mais comme des faits établis. Une nuance décisive : dans le droit américain, une opinion est protégée par le Premier Amendement (la liberté d’expression), mais pas une affirmation mensongère.
Un procès et 1,6 milliard de dollars en jeu
La décision du 9 avril ne met pas fin à l’affaire : elle confirme que les propos étaient diffamatoires, mais c’est le procès prévu le 28 avril 2025 qui devra établir si Newsmax a agi avec « malveillance réelle », c’est-à-dire en toute connaissance de cause.
Dominion réclame 1,6 milliard de dollars de dommages, estimant que ces accusations mensongères ont durablement détruit sa réputation, freiné la signature de nouveaux contrats et généré une perte de confiance généralisée.
Il ne s’agit pas d’un cas isolé : en avril 2023, Fox News, autre chaîne conservatrice, avait déjà accepté de verser 787 millions de dollars à Dominion pour clore une procédure similaire. Ces chiffres astronomiques montrent l’ampleur financière potentielle de la désinformation.
Une leçon universelle : vérifier l’information avant de la diffuser
Cette affaire révèle les risques systémiques de l’emballement médiatique, partout dans le monde. Un média peut-il se contenter de relayer ce que dit un invité ? Est-il responsable s’il diffuse un contenu sans preuve ? Que vaut une chaîne d’information si elle abandonne le principe de vérification ?
Dans un paysage saturé de contenus, où la rapidité prime sur la rigueur, cette affaire rappelle que les médias ne peuvent s’exonérer de leur responsabilité. Le rôle du journalisme n’est pas d’amplifier des rumeurs, mais de les confronter aux faits.
Ce rappel à l’ordre judiciaire n’a rien de marginal. Il s’inscrit dans une tendance globale : la judiciarisation de la désinformation. En France, des procédures similaires ont déjà visé des sites ayant relayé de fausses informations sur la vaccination, ou sur des personnalités publiques. Les jurisprudences se multiplient.
Les citoyens aussi sont concernés : pourquoi c’est l'affaire de tous
Un public mal informé est un public manipulable. C’est vrai aux États-Unis, en France, et ailleurs. Si un média peut influencer une élection par des contenus mensongers, ce sont les fondements de la démocratie qui vacillent. L’affaire Newsmax rappelle que l’information est un bien commun, et que sa distorsion a des effets concrets sur les choix collectifs.
Elle invite aussi les spectateurs, lecteurs, internautes à adopter une posture plus critique : s’interroger sur les sources, les intentions, les preuves. Car si les médias sont responsables juridiquement, le public l’est moralement. Charge donc aux lecteurs, auditeurs et téléspectateurs, en France comme ailleurs, d'être conscients des biais de leurs médias favoris.
Un signal pour l’avenir des médias
Dans un monde où la frontière entre opinion, rumeur et fait s’estompe, la justice du Delaware remet les pendules à l’heure. La liberté de la presse n’est pas la liberté de calomnier. Et diffuser une fausse information, même au nom du pluralisme, n’est pas sans conséquence.
La vraie leçon de l’affaire Newsmax ? Elle ne concerne pas seulement les États-Unis, ni même les seules chaînes d’information. Elle rappelle à tous les professionnels – journalistes, blogueurs, influenceurs – que la véracité n’est pas un luxe, mais bien un impératif.