L’équipementier aéronautique Zodiac est sous le feu des projecteurs depuis que celui-ci a dit « oui » à la proposition de rachat émise par Safran. Une fusion qui fait couler beaucoup d’encre, notamment en raison des récentes difficultés rencontrées par Zodiac. Mais pour la majeure partie des experts ainsi que pour les dirigeants de Safran, difficultés ou pas, cette opération revêt un caractère stratégique et offre des perspectives d’avenir prometteuses. Et ce d’autant plus que malgré ses difficultés, Zodiac possède un savoir-faire reconnu à l’international.
Avec le lancement d’une OPA amicale par Safran en janvier dernier (bagatelle à 10 milliards d’euros) et le départ, mardi 6 juin, de son président du directoire, Olivier Zarrouati, l’heure est au bilan pour l’équipementier Zodiac Aerospace. Et notamment en raison des réticences exprimées par le fonds d’investissement TCI, partie prenante à l’acquisition, qui avait contesté la valeur de l’entreprise le 26 mai dernier. Le fonds spéculatif anglais soulignait alors une accumulation de couacs au cours des derniers mois pour demander une réévaluation du prix de rachat des actions par Safran.
Malgré ses difficultés, Zodiac tient bon
Pris de cours par un carnet de commandes en pleine explosion, l’équipementier a en effet connu certaines difficultés (profit warning, avertissement qualité, perte de commandes). Didier Evrard, le directeur général en charge des programmes chez Airbus, soulignait cependant, le 8 juin dernier, une amélioration de la situation : « Zodiac parvient à alimenter la ligne de production, c’est un gros pas de franchi ». Sans doute se rappelle-t-il des difficultés rencontrées par son propre groupe (mauvaises ventes de l’A380, difficultés sur l’A400M, perte du contrat d’hélicoptères en Pologne, crash du H225 en Norvège, etc.) dans ce secteur difficilement prévisible.
Autre bon point pour Zodiac : ses clients ne lui ont pas tourné le dos. En effet, quoi qu’on en dise, tous les voyants ne sont pas au rouge pour le groupe d’équipement aéronautique. La politique d’acquisitions ambitieuse (une quinzaine depuis 2008) et les efforts de soutien de la croissance interne ont permis de doubler les ventes du groupe en dix ans — elles sont passées de 2 à 5,2 milliards d’euros entre 2007 et 2016. Ce dynamisme s’est fait ressentir sur la valeur en bourse de l’entreprise — qui a plus que triplé depuis 2010. Zodiac réalise ainsi la deuxième meilleure performance du secteur, juste derrière Safran.
Zodiac, un savoir-faire à part entière
Les critiques à l’encontre de Zodiac, concernant sa branche siège, ne doivent pas faire oublier les excellents résultats de sa branche Aerosystems (systèmes cockpit, électriques, hydrauliques) qui affiche toujours une très belle rentabilité de 15 % à 20 %. On peut, entre autres, citer ses toboggans gonflables d’évacuation qui équipent pas moins de 55 % des avions dans le monde. Et l’équipementier a également prouvé son savoir-faire en matière d’équipements de sécurité hors aéronef, notamment avec le système d’arrêt d’urgence EMASMAX, une rigole de béton cellulaire qui permet d’éviter les sorties de piste.
L’arrêt d’urgence d’un Boeing 737 de la compagnie Eastern Airlines, en octobre 2016, à l’aéroport de LaGuardia (États-Unis), après avoir atterri dans des conditions météorologiques particulièrement difficiles, a en effet permis de mettre en lumière l’expertise de Zodiac et favorisé le regain de confiance envers l’équipementier : il s’agissait de la 11e réussite consécutive de ce système. Depuis, le groupe a enregistré la plus importante commande de son histoire pour des sièges de cabine de classe économique — là où justement Zodiac faisait l’objet de critiques. Ainsi, même si des efforts soutenus doivent encore être consentis, pour beaucoup d’observateurs, cette commande, enregistrée début 2017, annonçait le début du retour en grâce de Zodiac.
Et l’intérêt que suscite le savoir-faire de l’équipementier ne s’arrête pas là : « Zodiac a été sélectionné sur le CSeries de Bombardier, le MR-21 d’Irkut, le MRJ de Mitsubishi et l’E2 d’Embraer, qui n’ont pas encore démarré », rappelle Philippe Petitcolin, directeur général de Safran.
Vers l’émergence d’un nouveau leader mondial
Le rapprochement des deux groupes est donc en quelque sorte un mariage de lions pour le secteur, permettant ainsi l’émergence d’un nouvel acteur qui affichera un chiffre d’affaires colossal de 21,2 milliards d’euros ainsi qu’une présence dans 60 pays du monde. La nouvelle entité sera le 3e acteur aéronautique mondial, derrière United Technologies (25,4 Mds) et GE Aviation (22,2 Mds), ainsi que le 2e mondial dans les équipements aéronautiques, avec 39 % du marché mondial. Et ce ne sont pas les quelques difficultés qu’a connues Zodiac qui entacheront l’enthousiasme de Safran : « l’intérêt stratégique du rapprochement n’a pas évolué. Les fondements de Zodiac sont sains. Je suis persuadé que nous sommes capables de remettre l’entreprise sur les rails » rappelait Philippe Petitcolin le 26 mai dernier.
Depuis quelques années, Safran fait en effet profession d’expansion, et s’associer avec un acteur déjà spécialisé et très — en l’occurrence, presque trop — sollicité, devrait lui permettre de poursuivre son développement tout en se reposant sur son cœur de métier : Safran conserve la pole position dans les outils de propulsion, avec les très populaires réacteurs CFM (30 000 exemplaires produits) et le nouveau venu — le Leap et ses 1 100 modèles à produire par an à partir de 2018. Un double marché prometteur, alors que les principaux constructeurs (Airbus, Boeing, Embraer et Bombardier) prévoient de produire plus de 2 000 nouveaux avions par an.
Ainsi, en rachetant Zodiac, Safran se dessine un avenir sous les meilleurs auspices. En effet, d’après son directeur général, le groupe aéronautique détient tous les atouts nécessaires pour faire rayonner le nouvel ensemble sur la scène internationale : « Safran a démontré son savoir-faire en ce qui concerne les outils de gestion et de pilotage de la production, les processus ou l’organisation du travail. Dans ce domaine, nous sommes parmi les meilleurs au monde ». Le secteur aéronautique est prévenu, un nouveau champion est en train de voir le jour.