Washington contre les tomates

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Par Bill Bonner Publié le 16 mai 2019 à 7h10
Vegetarien Tomate Salade
@shutter - © Economie Matin

Des tomates aux télévisions, le libre-échange n’a plus cours : désormais, ce sont les accords gagnant-perdant qui s’imposent… et le perdant, c’est vous.

Le marché boursier a été ébranlé par la guerre commerciale la semaine dernière, après que Donald Trump a augmenté les taxes douanières américaines sur les produits chinois.

Les Chinois ont répliqué avec leurs propres menaces idiotes :

“Si les mesures de taxes douanières américaines sont mises en place, la Chine se verra contrainte, à regret, de prendre les contre-mesures nécessaires”, affirmait une déclaration du ministère du Commerce.

Des tweets et articles contradictoires ont annoncé que la Chine était soit “prête à passer un accord”, soit “en train de prévoir les représailles”.

Ils vont payer

Le citoyen, consommateur, politicien ou homme d’affaires moyen ne sait pas quoi en penser non plus. D’un côté, le président américain clame qu’il force ainsi les Chinois à faire une meilleure offre. Le Donald dit qu'”ils vont payer” s’ils n’accèdent pas à ses demandes.

D’un autre côté, les ménages veulent des télévisions bon marché. Peu importe d’où elles viennent, ils veulent en avoir pour leur argent. Comment les Chinois pourraient-ils faire “une meilleure offre” ? Une télé encore moins chère ?

Mais des produits moins chers en provenance de Chine entraîneraient un déficit commercial encore plus profond – le contraire de ce que Donald Trump affirme vouloir.

Nombre de lecteurs répondront que les taxes douanières américaines ne sont qu’une tactique de négociation. Mais négocier pour quoi ? Pour qui ? Une télé moins chère ? Plus chère ? Toute cette histoire de guerre commerciale semble n’avoir aucun sens – pour une raison toute simple : elle n’en a effectivement aucun.

Pour commencer, il n’existe aucune théorie ou expérience appuyant l’affirmation de Trump selon laquelle les Chinois paieront. Les Chinois ne paient pas de taxes boursières ; ce sont les Américains qui le font.

Dans le cas des matières premières telles que l’acier et l’aluminium, l’entreprise importatrice américaine paie la taxe, augmentant le coût de ses matières premières. Ce coût est ensuite nécessairement transféré à l’acheteur au détail sous la forme de prix plus élevés.

En théorie, le libre-échange – sans que le gouvernement s’en mêle – fournira toujours la quantité maximum de biens et de services aux prix les plus bas. Toute tentative de s’en mêler fera augmenter les prix… et nuira autant, voire plus, à l’empêcheur de tourner en rond qu’à tous les autres.

Des fruits pourris

Il y a d’autres preuves. Le principe des taxes douanières est d’augmenter les exportations américaines tout en baissant les importations, réduisant ainsi le déficit commercial.

Mais depuis que les premières salves de la guerre commerciale ont été tirées, les exportations américaines vers la Chine ont en fait chuté de 7%, passant de 130 Mds$ en 2017 à 120 Mds$ en 2018… tandis que les importations depuis la Chine ont grimpé, passant de 506 Mds$ en 2017 à 563 Mds$ en 2018 – une augmentation de 11%.

En d’autres termes, les Etats-Unis perdent la bataille. La question suivante est donc : comment se fait-il qu’une politique aussi visiblement et complètement puérile et imbécile soit aussi populaire ?

Ce n’est pas une erreur

Nombreux sont ceux qui pensent désormais que la guerre commerciale est simplement une “erreur” commise par un président idiot et ses crétins de conseillers. Ce n’est pas le cas. Dans le journal USA Today :

“Mardi, le département du Commerce a annoncé la fin de l’Accord de suspension de 2013 sur les tomates fraîches en provenance du Mexique.

Cela signifie que les Etats-Unis imposeront une taxe douanière de 17,5% sur les tomates mexicaines d’importation ; selon les experts, cela pourrait engendrer pénuries et hausse des prix.

Selon les estimations de l’université d’Etat d’Arizona, les consommateurs pourraient payer de 40% à 85% plus cher leurs tomates grappes et autres tomates fraîches”.

Et voilà – une guerre commerciale sur des tomates. Les lobbies de cultivateurs en Floride, Texas et en Californie se sont mis d’accord avec des politiciens – notamment le sénateur Ted Cruz –, et ont passé un accord. “Bon… tu bloques la concurrence… et on soutient ta campagne de réélection.”

Gagnant-gagnant, n’est-ce pas ? Les cultivateurs y gagnent. Les politiciens y gagnent. Tout le monde sort vainqueur.

Faux.

Un accord gagnant-gagnant, c’est un accord où les gens peuvent décider par eux-mêmes des tomates qu’ils vont acheter. Ils choisissent les meilleures aux prix les plus bas.

Mais le gouvernement exploite toujours la majorité au profit d’une minorité. Dans cet accord de tomates pourries, quelques cultivateurs gagnent plus d’argent – dont une partie se retrouve dans les caisses des lobbyistes et des politiciens qui ont rendu cela possible.

D’où provient l’argent, cependant ? Chaque centime doit venir des millions de consommateurs qui paient les prix plus élevés que leur imposent les autorités.

Gagnant-perdant, en d’autres termes. Les initiés, les compères et les empêcheurs de tourner en rond sortent gagnants ; le public perd.

Dans le prochain article, nous abordons un sujet plus important et plus provocateur…

Dans les guerres commerciales, les dépenses gouvernementales, les déficits, les lois fiscales, la théorie économique, la politique des banques centrales, la politique étrangère… partout où l’on regarde, les accords gagnant-perdant prennent le dessus.

Pourquoi maintenant ? Accidents ? Erreurs ? Absolument pas.

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Fondateur et président d'Agora Inc., une maison d'édition publiant des lettres d'information financières pour les investisseurs particuliers.

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