Gérer la volatilité des marchés en 2022

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Par Stéphane Monier Publié le 3 février 2022 à 5h57
Demande Esta Etats Unis Usa
@shutter - © Economie Matin
5%L'inflation en zone euro a été de 5% en décembre 2021.

En décembre 2021, les prix américains à la consommation ont augmenté de 7% comparativement à l'année précédente. La dernière fois que l'inflation américaine a été aussi élevée, Ronald Reagan entamait sa deuxième année en tant que président des Etats-Unis et le billet pour visionner le plus grand succès du box-office de 1982, le film « E.T. » de Steven Spielberg, coûtait trois dollars. Stimulé par cette inflation historique, le revirement de la politique monétaire américaine a déclenché un recul des marchés financiers qui annonce une année 2022 marquée par la volatilité.

Le mandat de la Réserve fédérale (Fed) est double : atteindre le plein emploi et assurer la stabilité des prix. Grâce à la vigueur de l'économie américaine, le taux de chômage actuel de 3,9% est proche de son niveau le plus bas depuis un demi-siècle de 3,5%. Toutefois, l'inflation a atteint son plus niveau le plus élevé depuis quatre décennies.

Les coûts du logement, par exemple, constituent un élément important du calcul de l'indice des prix à la consommation. À l'échelle nationale, quatre cinquièmes des marchés du logement américains ont enregistré l'année dernière des hausses de prix à deux chiffres. La pandémie a poussé de nombreux employés à quitter le centre des villes pour travailler à distance. Ensuite, au moment où la population a repris le travail, la demande a encore augmenté. L'an dernier, la concurrence s'est traduite par une hausse des loyers, les propriétaires cherchant à répercuter l'augmentation de leurs impôts fonciers. Selon le site web consacré à l'immobilier realtor.com, le loyer médian américain pour un appartement d'une chambre à coucher a augmenté de 19% au cours de l'année écoulée, pour atteindre 1 651 USD. Selon l'indice S&P Case Shiller, les coûts du logement ont augmenté de 22% au niveau national entre février 2020 et novembre 2021.

La semaine dernière, le président de la Fed, Jerome Powell a réitéré que l'assouplissement quantitatif sous forme d'achats d'actifs prendrait fin début mars, suivi d'une première hausse du taux directeur le plus surveillé au monde. Pour une fois, a-t-il rappelé aux investisseurs, la Fed commence à relever les taux alors que le chômage est plus faible et l'inflation bien plus élevée qu'au début des cycles de hausse précédents.

Même si la Fed n'a pas substantiellement remanié ses perspectives la semaine dernière, elle a souligné qu'il y avait encore de la marge pour accélérer le rythme de la normalisation de la politique monétaire. Quel est, selon la banque centrale, le niveau d'inflation approprié ? L'utilisation par M. Powell du mot « humble » pour décrire les incertitudes de la Fed laisse entendre qu'elle ne possède pas la réponse pour le moment.

L'attention portée par la Fed à la lutte contre l'inflation signifie que la fin de l'abondance de liquidités est proche, avec pour conséquence que les investisseurs s'inquiètent des valorisations des actifs et de la volatilité des cours. Suite à la déclaration de M. Powell, les marchés ont intégré quatre hausses de taux cette année, et trois autres en 2023. Les actifs financiers ont poursuivi leur chute, portant cette année la baisse du S&P500 et du NASDAQ à respectivement 10% et 16%, tandis que le rendement des bons du Trésor américain à dix ans a augmenté de 30 points de base pour atteindre 1,83%. À l'heure actuelle, nous prévoyons que la Fed procédera à quatre relèvements de taux et commencera à réduire son bilan cette année. Nous nous attendons à ce que l'inflation diminue dans le courant de l'année.

Les pressions qui ont poussé les prix à la hausse devraient commencer à se normaliser à mesure que les goulots d'étranglement logistiques et les niveaux d'approvisionnement retrouveront leurs tendances d'avant la pandémie. Cette évolution est déjà visible dans des paramètres tels que le coût du transport maritime, qui, mesuré par l'indice Baltic Dry (BDI), par exemple, a été divisé par cinq relativement au pic du troisième trimestre de 2021 ; ou dans la production automobile, qui se remet de la pénurie de semi-conducteurs qui l'a frappée au cours des neuf premiers mois de l'année dernière. La combinaison de la hausse des loyers et de la croissance des salaires due au plein emploi devrait maintenir l'inflation sous-jacente entre 2,5% et 3% durant 2022, un chiffre supérieur à l'objectif à moyen et long terme de 2% de la Fed. Ces pressions sont caractéristiques d'un cycle économique parvenant à maturité, et ne devraient pas compromettre les conditions monétaires largement favorables à la croissance.

Alors que la Fed se concentre sur l'inflation, la volatilité entraîne des complications pour le consommateur. Le bois de construction, par exemple, a enregistré une variation de 12% des prix mensuels entre 2020 et 2021, une volatilité 40 fois plus élevée que la variation des prix en glissement mensuel observée au cours des 70 dernières années, selon les données de MarketWatch.

Catalyseurs et sélectivité

Cette nouvelle phase du cycle économique annonce un début d'année 2022 volatile. Au-delà des Etats-Unis, la variante Omicron, les tensions entre l'Occident et la Russie, la hausse des cours du pétrole et le recul des données du secteur manufacturier ont contribué aux incertitudes des marchés. En outre, la saison de publication des résultats intervient suite à une série de performances exceptionnelles et les rapports publiés jusqu'ici n'ont guère suscité l'enthousiasme des investisseurs habitués à une croissance à deux chiffres au cours des récents trimestres. La baisse des marchés de ce début d'année s'est concentrée sur les actions et particulièrement sur certains segments affichant des valorisations élevées et des bénéfices faibles.

Fin 2021, nous avons anticipé un environnement plus volatil et réagi en commençant par augmenter les liquidités afin de pouvoir gérer les portefeuilles de manière plus active. En outre, nous avons réduit la sensibilité des portefeuilles aux actions en vendant des options d'achat (calls) lorsque les marchés se sont rapprochés de nos objectifs de fin d'année.

La volatilité devrait continuer à offrir des opportunités pour ajuster le positionnement des portefeuilles. Par exemple, lorsque l'indice VIX, la mesure la plus habituellement utilisée de la volatilité du S&P500, se situe autour de 15-17, nous pensons que l'achat d'options de vente (puts) ou des stratégies put spreads peuvent être appropriés. À l'inverse, lorsque la volatilité est supérieure à 25, la vente d'options de vente couvertes peut aider à générer des revenus. Ces stratégies nous permettent de gérer nos expositions puisque les actions représentent la majeure partie du risque actif dans nos portefeuilles. Si les niveaux actuels du VIX, qui avoisinent les 28, sont certes supérieurs à la moyenne de 19 enregistrée au cours des 15 dernières années, ils restent bien en deçà des records historiques.

En prenant un peu de recul, nous observons qu'historiquement les marchés actions ont connu un regain de volatilité dans la phase initiale de normalisation de la politique monétaire, avant de se stabiliser et de se redresser, ce qui est loin de signaler la fin d'un marché haussier. Cette tendance des marchés boursiers à se redresser au cours des cycles de hausse des taux est logique puisqu'elle reflète la robustesse de l'économie.

Après une bonne performance des actions et une faible volatilité en 2021, nous nous dirigeons vers un fonctionnement plus normal des marchés, corrections comprises. Depuis 1980, la baisse moyenne du pic au creux pour une année donnée a été de 14% sur l'indice SPX. Néanmoins, l'indice a terminé l'année en hausse durant 32 de ces 42 dernières années. En 2021, la différence entre sommets et creux a atteint 5% à peine. Nous voyons deux risques majeurs avec des implications pour les portefeuilles : un cycle de resserrement plus agressif de la Fed, ou une inflation persistante, tous deux susceptibles d'entraver la croissance.

Compte tenu de la liquidité moins abondante que durant la pandémie, les investisseurs devront se montrer beaucoup plus sélectifs dans le choix des actifs. Nous continuons à surveiller et à ajuster les expositions aux actions de nos portefeuilles en privilégiant la qualité et la rentabilité, qui seront toujours plus prisées à mesure que les taux d'intérêt augmenteront et que le financement deviendra plus difficile. En outre, nous pensons que les investisseurs devraient équilibrer leurs expositions aux sociétés technologiques avec d'autres secteurs liés à l'économie réelle, comme l'industrie, les matériaux, les matières premières, la finance et l'énergie.

Pour l'instant, les données relatives aux transactions boursières montrent que les grands investisseurs institutionnels continuent à investir sur faiblesse, et tout indique que les bénéfices des entreprises resteront globalement solides, l'économie mondiale poursuivant sa trajectoire de croissance.

Depuis le début de l'année, l'univers des titres obligataires a été nettement moins agité, en particulier les segments du crédit et à haut rendement. Les spreads des obligations à haut rendement se sont creusés de 62 points de base aux Etats-Unis et de 35 points de base pour le crédit libellé en euros, du fait que les entreprises se refinancent de manière agressive en prévision d'une hausse des coûts d'emprunt.

Avec la hausse des taux d'intérêt, les investisseurs en actions vont se concentrer sur la publication des résultats de ces deux prochaines semaines et tireront profit des opportunités pour ajouter à leurs portefeuilles des titres de qualité, survendus ou sous-évalués. Pour l'instant, nous maintenons notre biais pro-risque modéré : nous surpondérons les actions, en privilégiant les titres et les sociétés les mieux à même de supporter des taux plus élevés et capables de défendre leurs marges. Nous restons sous-pondérés en obligations, avec une préférence pour la dette souveraine chinoise, le crédit à haut rendement et la dette émergente libellée en dollars. Dans l'ensemble, nous préférons rester agiles, opportunistes et diversifiés.

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Stéphane Monier est Chief investment officer chez Lombard Odier.

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