Le Bitcoin n’est pas une monnaie comme les autres

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Par Henry-Olivier Essienne Publié le 21 avril 2014 à 2h08

Le Bitcoin est au centre d’une bataille entre des classiques, défenseurs d’une définition stricte de la monnaie et des modernes, soucieux de profiter des perspectives de développement offertes par ce qu’ils préfèrent qualifier de « protocole technique ». Un nouveau palier a été franchi dans cette confrontation à l’annonce des difficultés juridico-financières de la plateforme japonaise MtGox1. C’est dans ce contexte, que dans une question écrite au Ministre de l’Economie et des Finances2, un député assimile le Bitcoin à « une pyramide de Ponzi », provoquant la réprobation immédiate des promoteurs du bitcoin en France3.

Pour les classiques, les déboires de MtGox illustrent les dangers inhérents au Bitcoin, à savoir que :

  • le bitcoin constitue un risque pour notre système de paiement ;
  • le bitcoin sert au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme ;
  • Le bitcoin comporte plusieurs risques liés à la non convertibilité au pair à la monnaie légale.

I – Définition des termes de « Bitcoin » et de « bitcoin »

Le terme Bitcoin est une contraction des mots anglais "coin" (pièce de monnaie) et "bit" (unité d’information binaire). Ce terme désigne à la fois un système de paiement à travers le réseau Internet (Bitcoin) et une unité de compte utilisée par ce système de paiement (bitcoin).

Le "bitcoin" est une unité de compte virtuelle stockée sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs d’échanger entre eux des biens et des services sans avoir à recourir à la monnaie légale.

Le "Bitcoin" est un mode de paiement décentralisé qui échappe aux contrôles des Etats. Il est créé au sein d’une communauté d’internautes, appelés mineurs (miners), ayant installé sur leurs unités informatiques connectés à Internet un logiciel libre. La production de nouveaux bitcoins se fait grâce à un algorithme mathématique contenu dans un logiciel installé sur un ordinateur personnel qui se connecte à un réseau pair-à-pair. Ce réseau créé alors les unités de comptes (bitcoins) qui sont alloués à ces internautes.

Une fois le bitcoin créé, le mineur (miner) peut le vendre et/ou l’échanger sur Internet. Les personnes qui ne sont pas des mineurs (miners) peuvent acquérir des bitcoins sur certaines plateformes internet qui permettent l’achat et la revente de bitcoins contre de la monnaie ayant cours légal.

II – Le Bitcoin n'est pas une monnaie au sens légal

Pour se procurer les biens ou services qu’il ne produit pas lui-même, un agent économique utilise la monnaie qui facilite les échanges entre les différents agents économiques et constitue un élément de simplification et de développement des transactions.

La monnaie est un bien économique car elle a une utilité et elle doit être produite par un agent économique spécifique. La monnaie est également un actif qui permet à son détenteur d’acquérir un bien ou un service.

Depuis Aristote nous savons que la monnaie remplit trois fonctions : unité de compte, instrument d’échange et réserve de valeur.

Même si le bitcoin constitue une unité de compte, le Bitcoin est un instrument d’échange limité aux seuls commerçants, principalement, sur internet, qui ont volontairement pris l’engagement d’accepter le bitcoin en règlement de biens et de services.

Les "classiques" argumentent que le Bitcoin n’est pas une monnaie car il est possible de le refuser en paiement sans contrevenir aux dispositions de l’article R.642-3 du Code Pénal4 qui sanctionne le refus d’accepter les billets et les pièces libellés en euros, la monnaie ayant cours légal en France.

Ils ajoutent que le Bitcoin n’est pas un moyen de paiement couvert par la directive européenne sur les services de paiement (SEPA)5 ni par le Code Monétaire et Financier6, et plus particulièrement de la définition de la monnaie électronique, dans la mesure où le bitcoin n’est pas émis contre la remise de fonds. Le bitcoin ne bénéfice pas de ce fait d’une garantie de remboursement au pair en euro à tout moment et à la valeur nominale.

III – Le Bitcoin ne se veut pas une monnaie au sens légal mais un protocole technique

Le Bitcoin n’est donc pas une monnaie au sens légal comme le rappelle la Banque de France7.

Une position institutionnelle qui n’est d’ailleurs pas contredite par les promoteurs du Bitcoin en France.

Pour ces défenseurs du Bitcoin il s’agit d’un protocole technique qui désigne à la fois un système de paiement à travers le réseau Internet et une unité de compte utilisée par ce système de paiement.

Le Bitcoin est un réseau de transactions décentralisé pair-à-pair qui trouve sa place parmi les différents modes de paiements électroniques :

  • le système classique par carte bancaire qui met en présence 4 acteurs : le marchand et l’acheteur ainsi que leurs deux banques, et fondé sur le prélèvement du montant à payer sur le compte de l’acheteur.
  • le système privatif type American Express qui met en présence 3 acteurs où l’intermédiaire financier est à la fois le prestataire du marchand et de l’acheteur.
  • les systèmes pair-à-pair dont relève le bitcoin, et dans lequel le marchand est directement en relation avec l’acheteur.

IV – Le rôle des plateformes et le législateur

Les perspectives d’évolution du Bitcoin en France sont dépendantes du cadre légal imposé aux plateformes d’échanges de bitcoins.

Selon la Banque de France et l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR)8, dans le cadre d’une opération d’achat/vente de bitcoins, l’activité d’intermédiation consistant à recevoir des fonds de l’acheteur de bitcoins pour les transférer au vendeur de bitcoins relève de la fourniture de services de paiement9.

La position de la Banque de France et de l’ACRP semble être adoptée par la jurisprudence10 comme en atteste un arrêt de la cour d’appel de Paris de septembre 2013.

Il reste maintenant au législateur de trouver le bon moment pour intervenir tout en prenant le temps d’une concertation européenne ainsi que le proposait le Ministre de l’Economie et des Finances. Une concertation à laquelle devraient bien évidemment participer les acteurs de ce secteur prometteur.

En effet, c’est en grande partie par la clarification du statut et des obligations des plateformes d’échanges de bitcoins que découlera la mise en place d’un véritable régime légal du Bitcoin en France.

1 « Après la faillite de MtGox, la pression monte pour réglementer le bitcoin », Jérôme Martin, le Monde, 01/03/2014

2 Question Ecrite N° 51719, Assemblée Nationale, Question de M. Eric Straumann à M. le Ministre de l’Economie et des Finances, 11 mars 2014, Question publiée au JO, page 2243

3 « Réponse de Bitcoin France au Député Straumann », M. Philippe Rodriguez, président de BITCOIN France, https://philrod.typepad.fr/buzzila/2014/03/r%C3%A9ponse-de-bitcoin-france-au-d%C3%A9put%C3%A9-eric-straumann.html

4 Article R.642-3 du Code Pénal

5La Directive sur les services de paiement (DSP 1) est une directive européenne (2007/64/CE) adopté le 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, qui a été publiée au Journal Officiel UE L 319 du 5 décembre 2007 et sera abrogée par la Directive sur les services de paiement 2 (DSP 2), adoptée le 24 juillet 2013.

6 Article L.315-1 du Code Monétaire et Financier

7 Les dangers liés au développement des monnaies virtuelles : l’exemple du bitcoin, Banque de France, Focus, n° 10 du 5 décembre 2013,

8ACPR est l’autorité chargée de délivrer les agréments aux prestataires de services de paiement en France

9 Position de l’ACPR relative aux opérations sur Bitcoins en France, Position 2014-P-01 du 29 janvier 2014 [10] Cour d’Appel de Paris, Pôle 6, Chambre 5, 26 septembre 2013, n°12/00161, SAS Macaraja vs SA CIC

Paru sur dalverny.com et repris avec l'aimable autorisation de l'auteur

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