Virgin qui (ne) rit (pas vraiment), Virgin qui pleure

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Par Gilles Deleris Modifié le 12 janvier 2013 à 10h24

Les gens le savent bien, tous les Kerviel ne sont pas des traders aventureux. Le nom que l’on porte ne nous détermine pas socialement et seuls les simples d’esprit peuvent imaginer que les faiblesses ou les dérives se transmettent par le patronyme.

Il en va des marques comme des noms propres. L’effondrement de la marque Virgin Megastore ne devrait pas affecter au-delà de l’émotion du moment la valeur des marques multiples issues de la galaxie Branson. America, Atlantic, Books, Café, Cola, Comics, Express, Fuels, Galactic, Racing, Radio, Records, Trains et bien d’autres, les marques associées à Virgin – plus de 300 - constituent un véritable abécédaire du quotidien.

Naturellement, l’actualité suscite pour certains clients une inquiétude sur la pérennité de chacune d’entre elles dès lors que l’un des fleurons symbolique de cette nébuleuse s’effondre.

En ce qui concerne Virgin Mobile, cette crainte se manifeste et s’exprime en ligne, dans les forums ou les community managers de la marque répondent avec le ton juste : compassion pour leurs cousins éloignés du Mégastore mais précision sur le thème de l’actionnariat et du contrôle qui fait de Virgin Mobile une entreprise sans relation économique avec la chaine de distribution.

À y regarder de près, il y a dans cette histoire un ton de fable paradoxale, celle de l’arroseur arrosé. En effet, l’effondrement du marché du disque est très largement associé à l’essor de la dématérialisation de la musique, de sa vente en ligne et de technologies… mobiles qui permettent de l’embarquer. La marque de téléphonie a donc, à sa mesure, contribuée à l’obsolescence du modèle de sa cousine. En fait, mieux Virgin Mobile allait, moins Virgin Megastore devait aller…

Est-il donc souhaitable et nécessaire d’en faire plus ? Faut-il changer de logo, changer de marque ?

Dans l’accident tragique du Costa Concordia, nombreux furent ceux qui imaginèrent que la marque ne survivrait pas. Il n’en est rien aujourd’hui. La marque a repris la parole et n’a pas changé son système de marque. Au Concordia succède le Diadema et la flotte décline avec constance les marques prénoms Fascinosa, Deliziosa, Luminosa et bien d’autres. C’est une décision prudente et sereine. On ne se cache pas avec un faux nez. Les marques fortes ont une capacité de résilience. Elles survivent aux crises les plus violentes. Les pétroliers en savent quelque chose.

Quelques entreprises ont, les années précédentes, adopté des stratégies de renommage pour sursoir à une crise grave. Le Crédit Lyonnais, associé aux difficultés institutionnelles du groupe a créé sa bad bank, le CDR puis, quelques années plus tard s’est rebaptisé LCL. Changement de nom, changement de logotype, changement de promesse, c’est tout le dispositif qui a été revisité.

Le cas de Virgin Mobile et des centaines de cousines n’est pas tout à fait comparable. En l’espèce, le community management de la marque a un rôle particulier à jouer, compte tenu de la typologie de clientèle de la marque. Il doit, en priorité, veiller à participer aux conversations des forums sur le thème et s’en tenir aux mises au point nécessaires. Les vendeurs de l’opérateur auront tout intérêt à relayer l’information en toute clarté dès lors que la question leur sera posée. Leur crédibilité et l’extinction de la rumeur dépendront de leur sérénité et de l’homogénéité de leur discours. Il y a donc sans doute quelques éléments de langage à transmettre aux relais d’opinion internes.

Mais en règle générale, nous sommes depuis une génération ou deux des consommateurs surinformés. Chez Lamborghini, nous ne confondons pas chaudière et voiture de luxe, même si nous ignorons que les deux sont les rejetons d’un fabricant de tracteurs… Salle Pleyel, les mélomanes compareront davantage le piano de concert de Peugeot à l’un de ceux de la gamme Yamaha plutôt qu’à une moto de course ou à un monospace.

En outre, les marques se désémantisent avec le temps. Le Dakar se déroule en Amérique du Sud et l’on skie au Club Med ! Les benchmarks des clients sont sectoriels. Quand le Megastore implose, c’est la Fnac qui se fissure, pas la téléphonie. Du reste, les commentaires placent Butler dans le collimateur mais laissent Sir Branson poursuivre ses aventures iconoclastes en toute tranquillité.

Cette affaire pose d’autres questions. Jusqu’où une marque peut-elle se stretcher ? La Bransonmania de la fin du XXe siècle fait-elle encore sens aujourd’hui, sur un spectre aussi large ? Les lois de la physique s’appliquent aussi au marketing : l’élasticité a ses limites. Une marque de plus enrichit-elle les autres ou affaiblit l’ensemble? À force de se diversifier, l’anticonformisme ne finit-il par s’imposer comme une posture standard ?

Les marques culte les plus puissantes cultivent leur expression avec plus de parcimonie. Tout ce qui est rare est cher. Il suffit de faire un séjour à Disneyland pour constater à quel point Mickey cultive la rareté de ses apparitions. L’émotion et l’attachement n’en sont que plus forts et la valeur de la marque plus élevée.

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Gilles Deleris est fondateur et directeur de la création de l'agence W&Cie.

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