En tant que mère, je ne peux que me joindre au cri de la mère de Dramane, jeune garçon dans le coma suite à une agression lundi 28 mai 2021 en Essonne : « La vie de nos enfants est en danger ! ».
L'incompréhension et la tristesse m'assaillent face à la médiatisation régulière de drames qui frappent nos jeunes avec en toile de fond la rivalité des bandes et le mésusage des réseaux sociaux. Les décès récents des adolescentes Marjorie et Alisha y semblaient liés et une sourde colère gronde en moi : que faisons-nous pour cesser ces tragédies? Avons-nous failli en tant que société ?
Il ne faut jamais répondre à la violence par la violence, en revanche, il convient de se poser des questions sur ce qui la nourrit et ses manifestations.
Interroger le rôle et le contrôle des médias et des réseaux sociaux
Un bilan de la direction générale de la police nationale, divulgué par Le Figaro, évoque un bond de 24% dans les affrontements entre groupes rivaux en France métropolitaine en 2020. La couverture médiatique des rixes et des meurtres entre jeunes adolescents semble elle aussi avoir bondi au cours de ces derniers mois, à un an des présidentielles.
Ce faisant, on ne peut que s'interroger sur les impacts d'une telle médiatisation : est-ce que la violence des images auxquels ont accès les plus jeunes normalise la brutalité ? Les jeunes recherchent-ils la médiatisation ?
Ces questions, dérangeantes car elles posent la question de la monétisation de l'information, apparaissent d'autant plus pertinentes au regard du rôle des réseaux sociaux dans ces drames. En amont, comme pour la jeune Alisha dont l'intimité avait été exposée par Snapchat suite à un piratage d'Instagram, pendant et après, avec un partage de tabassages, bagarres et d'invectives entre groupes rivaux : les réseaux sociaux sont des médiateurs de la violence juvénile. Il est même possible de voir en eux des accélérateurs, des déclencheurs voire des mobiles des violences et des homicides entre les adolescents. Dès lors, il convient de se demander quel contrôle en tant que parents, en tant que société, avons nous sur les réseaux sociaux qu'utilisent plus de 90% de nos enfants ?
La réponse est une claque pour les parents : notre connaissance et notre contrôle de la vie digitale de nos enfants sont très limités, parfois inexistants. Aussi, il est urgent de repenser la médiation numérique dans notre rapport à l'autre, et ce, de façon globale.
Pour un progrès technologique et numérique qui met au centre l'humain
Sans être nostalgique, ni naïf, on peut désirer pour nos enfants une jeunesse où l'on s'amuse avec ses copains sans craindre un harcèlement constant qui peut pousser les adolescents au suicide, comme Evaelle, ou encore de mourir lors d'affrontements entre bandes rivales.
L'élargissement de la définition du harcèlement par une loi en 2018 va dans le bon sens, elle permet une plus grande vigilance du harcèlement en ligne, en mettant en avant le critère du nombre et du sens des messages reçus par la personne ciblée. Elle doit toutefois être complétée par une éducation aux usages du numérique afin qu'ils soient un outil émancipateur pour les jeunes générations.
Cette pédagogie peut être mise en œuvre à différentes échelles de la société et par une diversité d'acteurs : école, parents, pouvoirs publics, société civile, personnalités. A ce titre, l'initiative de Just Riadh, influenceur Youtube et Instagram mérite d'être saluée : il a invité ceux qui l'insultent sur les réseaux sociaux à le rencontrer en personne, échanger et pour promouvoir une prise de conscience du poids des mots. Cette forme de sensibilisation, qui se déploie sur les mêmes plateformes où peut se déchainer la haine, est inspirante et pourrait toucher plus facilement nos jeunes.
Notre devoir est de mettre l'humain au coeur du développement technologique et numérique, toujours, pour contrebalancer l'ambivalence des médiations qui peuvent aussi rendre l'autre plus éloigné, moins incarné et accroitre la violence de nos mots. Sous une impression d'anonymat et en sentant faussement audacieux, la banalité du harcèlement et les partages sur les réseaux sociaux de scènes brutales, ont un effet sur la réalité. Les nombreux drames médiatisés ne font que confirmer cette tendance : à nous de l'inverser.