Montée des incivilités et de la violence dans les hôpitaux : et si l’on se préoccupait de la sécurité des personnels soignants ?

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Par Philippe Billet Publié le 13 novembre 2013 à 3h33

On pointe souvent du doigt la maltraitance des personnes âgées en maisons de retraite, les attentes interminables et inacceptables pour les patients dans les services d'urgence... certes, mais parle-t-on assez des manifestations de violence devenues banales en milieu hospitalier ? Mon propos n'est pas de rédiger une chronique de la violence ordinaire dans les hôpitaux mais de souligner les risques encourus par les personnels soignants dans certains services, chiffres à l'appui, d'alerter sur l'insécurité croissante dont pâtit le personnel des services des urgences alors qu'il se consacre à accueillir une grande partie des détresses humaines et à sauver des vies, et surtout d'évoquer quelques solutions pour y remédier au-delà des initiatives de self-defense qui fleurissent... car elles existent et il est bon de les rappeler !

« Nouvelle agression d'un collègue en psychiatrie à Bron ! » Une fois de plus, un collègue hospitalier s'est fait agresser dans l'exercice de ses fonctions, a réagi le syndicat FO de l'établissement... « Patients dangereux à Sainte-Marie » : pourquoi ne pas le dire, sur la quinzaine de services de l'hôpital psychiatrique Sainte-Marie, une unité fermée de dix-sept lits est spécialement dédiée aux malades qui peuvent constituer un danger pour eux-mêmes ou pour la société.

« Hôpital Michalon : 4 membres du personnel agressés », dont un médecin, souffrant d'un traumatisme crânien et d'une perte d'audition transitoire, et un brancardier, touché aux côtes. « On n'avait jamais vu une telle violence », déplore le Président de la commission médicale d'établissement du CHU. Des exemples récents de faits divers relatés par les media qui ne sont plus des actes isolés, hélas ! Insultes, crachats, coups, menaces, les manifestations d'animosité sont de plus en plus nombreuses et dangereuses dans les hôpitaux...

En cinq ans, les agressions contre le personnel de santé dans les services d'urgence ont augmenté de plus de 80 % et la hausse atteint presque 100% au cours de la dernière année selon l'Observatoire des Violences en milieu de Santé (ONVS), avec 11.344 atteintes aux biens (29 % du total) et surtout aux personnes (71 %) déclarées par les établissements de santé en 2012, contre 5760 en 2011.

Les services connaissant des situations de tension ou prenant en charge des pathologies susceptibles de générer des états d'agitation sont les plus touchés. Sans surprise, arrivent en tête les services de psychiatrie avec 2886 signalements, devant les urgences (1611), les services accueillant les personnes âgées (EHPAD, gériatrie) avec 1166 signalements et la médecine générale (932).

Un problème national bien que l'Ile-de-France concentre à elle seule 30 % des violences déclarées, suivie de très loin par la Basse-Normandie (6,26 %) et le Nord-Pas-de-Calais (6,18 %).
Les auteurs des atteintes aux personnes sont majoritairement des patients (78%), le reste étant constitué par des visiteurs.

Les raisons invoquées ?

L'attente aux urgences, principal facteur de violence et les comportements de démence liés aux maladies psychiatriques et au vieillissement de la population.
Il est clair que les locaux des urgences sont parfois inadaptés à la réception simultanée d'un nombre important de patients et/ou d'accompagnants. La promiscuité, l'angoisse, l'attente de soins dans un espace confiné, facilitent l'expression des personnalités et des comportements individuels. L'agressivité s'exprime encore plus facilement ou précocement lorsqu'il s'agit de groupes.

Les institutions gériatriques, quant à elles, sont confrontées aux conséquences sociales du vieillissement de notre société. L'âge est un facteur de risque certain de démence. De plus, la complexité de la prise en charge des personnes âgées réside principalement dans les difficultés liées aux problèmes de communication entraînés par la maladie et les troubles des comportements associés. La charge émotionnelle et psychologique est lourde pour chacun des acteurs, famille/résident/soignant, et naissent de ces difficultés et incompréhensions des réactions d'agressivité et de violence.

Dès lors, comment accepter que l'endroit où l'on soigne soit aujourd'hui pris dans la spirale de la montée des incivilités et de la violence ? Existe-t-il des solutions pour endiguer les comportements violents alors que le personnel n'est pas formé pour y répondre ?

Si le désengorgement des services d'urgence et la recherche contre les pathologies psychiatriques et les conséquences de la sénilité sont un travail de longue haleine, il existe des solutions de protection des personnels soignants immédiatement applicables qui ont prouvé leur efficacité.

Du côté des autorités de santé, des initiatives locales fleurissent face à cette situation explosive qui est prise très au sérieux. Par exemple, l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf) vient de tirer la sonnette d'alarme. Elle exhorte les ministres de la Santé et de l'Intérieur, Marisol Touraine et Manuel Valls, à « répondre concrètement à ces situations explosives et intenables, tant pour les usagers du service public que pour soignants et médecins ».

Autre décision récente et concrète de la direction générale de l'Assistance publique–Hôpitaux de Marseille (AP-HM) : un plan de prévention de la violence comprenant 30 mesures organisationnelles, pratiques et architecturales. Présenté comme "un chantier prioritaire de la direction générale et de toute l'AP-HM", il est notamment prévu d'aménager quelques chambres avec sas de sécurité dans des services de médecine et de chirurgie.

D'autre part, l'AP-HM va limiter au strict minimum les points d'entrée et de sortie sur les sites hospitaliers la nuit, en plus du renforcement de patrouilles de nuit aux abords et dans l'enceinte de l'établissement et de la mise en place d'agents de médiation entre soignants et publics.

Autre tendance en plein boom : le self-defense entre aux urgences ! Certains soignants s'initient désormais aux sports de combat. Il s'agit donc pour les médecins, infirmiers, aides-soignants qui travaillent dans ces services à forte tension de se protéger. Incroyable ! On peut les voir dans une salle de l'hôpital s'entrainer sur des tapis, avec des couteaux en bois et des boucliers en plastique. Le personnel de l'hôpital travaille sur la neutralisation du patient. Au CHU de Limoges très précurseur sur ce sujet, ces cours d'auto-défense sont même financés par l'hôpital ! Et depuis peu, la formation est obligatoire pour tout le personnel des urgences.

Self-defense, certes. Mais est-ce vraiment la vocation des personnels soignants d'apprendre à se défendre pour exercer sereinement leurs métiers ? Doivent-ils prendre du temps sur leurs heures de travail ou de loisir pour se former à cela ? Je rappelle de plus que le personnel soignant est tenu de respecter l'intégrité physique et morale de la personne hospitalisée en toutes circonstances. Il n'est donc pas question de proposer des réponses allant dans le sens de la violence.

Un problème évident de compatibilité...

Quelle est alors l'alternative possible, efficace et moins traumatisante pour tous ? Si l'aménagement des locaux en fonction du risque d'agression avec la mise en place de contrôle des accès, de vidéo-surveillance, de vitrages renforcés est une possibilité, elle n'est pas suffisante et ne couvre pas tous les risques encourus par le personnel soignant.

Dans ce contexte, un dispositif de Protection du Travailleur Isolé (PTI) peut s'avérer très efficace. Rappelons que la protection du travailleur isolé fait l'objet d'une loi depuis déjà 1992 et qu'elle vise l'ensemble des secteurs d'activité.
Dispositif d'alarme utilisé par un (ou plusieurs) travailleurs « hors de vue et hors d'ouïe » d'autres travailleurs (par exemple, dans un environnement dangereux, pour des veilleurs de nuit...), il s'agit d'un appareil permettant d'alerter les secours en cas de problème.

Ainsi, le médecin, l'infirmière ou le psychiatre en danger mais conscient déclenche alors volontairement une alarme détresse ; le dispositif peut également détecter une position anormale du soignant (perte de verticalité, immobilité prolongée, arrachement du dispositif) et déclenche automatiquement une alarme ; un système de localisation intégré permet une intervention rapide auprès de la victime. C'est d'ailleurs l'une des 30 propositions de L'AP-HM qui suggère également d' « équiper le personnel devant se déplacer seul la nuit d'un dispositif d'appel individuel relié au PC sécurité et permettant d'alerter les secours. »

Protéger les personnels soignants est un devoir prioritaire des responsables du système hospitalier et des maisons de retraite. Etre protégé sur son lieu de travail est d'ailleurs un droit élémentaire reconnu par la loi. Dès lors, comment tolérer encore d'exposer le personnel médical à des risques qui peuvent engager son pronostic vital alors même qu'il existe des solutions qui ont prouvé leur efficacité ? Une exposition d'autant plus inacceptable que l'hôpital public se fait un devoir de prendre en charge toute personne malade ou blessée, qu'elle soit une victime ou l'auteur d'actes de violence.

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Ingénieur diplômé d’ESI Sup’Info  et titulaire d’un Executive MBA obtenu à la London Business School, Philippe Billet est Directeur Général d’Ascom France depuis mars 2011. Auparavant, il était Vice-Président pour l’Europe du Sud (France, Espagne, Portugal, Italie) chez Polycom. Il a également occupé des postes de Direction Commerciale et Générale chez des constructeurs : 3Com, Apple Computeur, Dell, APC et MGE UPS (filiale de Schneider Electric). Marié et père de 4 garçons, Philippe Billet est passionné de rugby, de vélo et de golf qu’il pratique régulièrement.

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