Alimenter les villes « intelligentes » en énergie propre

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Par Hervé Thiard Modifié le 29 novembre 2022 à 9h15
Newyork
@shutter - © Economie Matin
63 %À New York, les bâtiments sont responsables de 63 % des émissions de gaz à effet de serre.

Les villes intelligentes réinventent notre manière de produire, de stocker et d’utiliser l’énergie. C’est une occasion unique pour les investisseurs de contribuer à la conception des métropoles de demain.

Les grandes villes sont très énergivores. Elles abritent 54 % de la population mondiale, mais comptent pour 70 % de ses émissions de gaz à effet de serre. Avec une population mondiale qui devrait atteindre 9,7 milliards d’ici 2050 et la raréfaction des ressources naturelles, les villes n’ont pas d’autre solution que de devenir plus intelligentes.

L’efficacité énergétique est l’un des domaines clés dans lesquels des progrès peuvent être accomplis. D’après les experts du Conseil consultatif de la stratégie Pictet-Clean Energy, cela suppose non seulement d’adopter de nouvelles formes de production et de stockage de l’énergie, mais également de développer l’électromobilité, de concevoir des technologies de construction novatrices et d’améliorer la connectivité. Sans surprise, c’est dans le bâtiment et le transport que la consommation d’énergie – et donc la pollution – en ville est la plus forte.

À New York, par exemple, le transport est responsable de 22 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre, tandis que les bâtiments – commerciaux et résidentiels – en représentent 63 %.

Source : Banque mondiale

Le point dans le domaine du bâtiment

Heureusement, plusieurs technologies innovantes ont le potentiel de réduire la consommation d’énergie à la fois dans le bâtiment et dans le transport.

Aujourd’hui par exemple, les immeubles les plus intelligents sont équipés de systèmes d’éclairage entièrement automatisés et intégrés qui associent des éclairages LED à basse consommation à des capteurs, à de la connectivité et à des contrôleurs de présence. Outre le fait que cela permet aux propriétaires d’immeubles d’économiser de l’énergie, cela génère de précieuses données qui peuvent être exploitées pour améliorer la vie des employés de bureau, des résidents et également des gens qui font leurs courses.

Par ailleurs, la technologie utilisée peut aussi être mise en œuvre en extérieur : Rome est ainsi l’une des toutes dernières villes converties à l’éclairage public LED connecté. Les responsables officiels de la capitale italienne estiment que ce nouveau système fera baisser la production de dioxyde de carbone de 350 000 tonnes et permettra d’économiser 260 millions d’euros dans les dix prochaines années, avec un coût de seulement 50 millions d’euros.

Pendant ce temps, les principaux fabricants d’isolants ont mis au point des panneaux d’isolation sous vide dont la conductivité thermique est de 0,007 W/m.K, soit des performances trois fois meilleures que celles des produits équivalents remplis d’air.

Ces solutions peuvent permettre de faire des économies en termes de chauffage, de ventilation et de climatisation (CVC).

Étude de cas : Sources d'émissions de gaz à effet de serre à New York

Source: inventaire des émissions de gaz à effet de serre à New York en 2014

Des économies supplémentaires peuvent être réalisées dans ce domaine par le biais de systèmes plus efficaces et via des usages plus ciblés et des capteurs automatisés. Et les villes donnent toujours plus d’élan à cette évolution. Singapour par exemple, où l’air conditionné génère jusqu’à 40 % du total de la consommation électrique, a récemment relevé ses normes en matière de systèmes CVC et a mis 6 millions de dollars sur la table afin de financer la recherche de nouveaux gains d’efficacité énergétique.

L’urgence du problème à Singapour est accentuée par le fait qu’il s’agit de l’une des principales plates-formes mondiales de centres de données, ces derniers étant eux-mêmes l’une des catégories de bâtiments urbains les plus énergivores. Constat révélateur: alors que la capacité d’un immeuble de bureaux ou d’une maison ordinaire est généralement mesurée par sa superficie ou sa surface au sol, celle des centres de données l’est par leur puissance exprimée en mégawatts.

Selon le cabinet de conseil McKinsey, un centre de données consomme aujourd’hui en moyenne la même quantité d’énergie que 25 000 ménages. Une consommation aussi élevée est coûteuse non seulement pour l’environnement, mais également pour les sociétés propriétaires des centres de données, dont 60 % des frais d’exploitation d’immeubles proviennent de la consommation d’énergie.

Une telle situation incite fortement à faire des économies et à devenir plus vert en adoptant des technologies à haut rendement énergétique – depuis les semi-conducteurs jusqu’aux équipements de refroidissement – aussi bien pour le stockage que pour la transmission de données. De nouvelles puces moins consommatrices en énergie sont employées pour créer par exemple des microserveurs, un marché qui devrait peser 16 milliards de dollars en 2019.

Le potentiel des entreprises innovantes dans ce domaine et l’importance des opportunités d’investissement sont amplifiés par le besoin croissant en données induit par les villes intelligentes de plus en plus dépendantes de la technologie.

Gagner en efficacité

Autre nécessité: réduire le problème mortel de la pollution urbaine. Le transport en est l’une des principales causes. Nos conseillers ont remarqué deux tendances en cours d’accélération qui devraient réduire au fil du temps son impact négatif: l’augmentation du nombre de véhicules électriques, ou de l’électromobilité, et le basculement progressif vers les véhicules assistés et autonomes.

Les véhicules hybrides rechargeables, et même les voitures tout-électrique, sont de plus en plus courants sur les routes. Les constructeurs ont accéléré leurs projets en la matière et lancent des véhicules électriques à un rythme soutenu, l’objectif étant d’atteindre les 20-25 % de leur offre d’ici 2025.

Parallèlement, les systèmes d’intelligence artificielle embarqués dans les voitures devraient être au nombre de 122 millions d’ici 2025, contre à peine 7 millions en 2015. Les systèmes d’aide à la conduite (ADAS) les plus récents rendent les trajets en voiture moins risqués et plus respectueux de l’environnement. Certaines des caractéristiques des ADAS réduisent déjà la consommation de carburant en fluidifiant la dynamique de conduite, notamment sur autoroute. Au fil du temps, le flux de trafic devrait s’en trouver nettement amélioré, alors que les voitures seront de plus en plus connectées et automatisées.

De tels progrès technologiques sont rendus possibles par la rapidité de l’innovation dans le domaine des semi-conducteurs de puissance, des capteurs de puissance et des autres solutions destinées à l’électrification des véhicules, aidée en cela par un meilleur rendement du carburant et par l’amélioration des capacités des ADAS. Résultat : les entreprises technologiques jouent un rôle bien plus important qu’avant dans la transformation du secteur de l’automobile.

Les voitures hybrides et électriques comptent bien plus de semi-conducteurs que les véhicules classiques dotés d’un moteur de combustion interne, tandis que les fonctionnalités des ADAS ajoutent une nouvelle couche de semi-conducteurs et de capteurs.

Alors que l’électromobilité est de plus en plus répandue, les constructeurs automobiles collaborent avec les entreprises de services publics en vue de bâtir des réseaux de bornes de recharge. Quatre grands fabricants automobiles – Volkswagen, Daimler, BMW et Ford – ont déjà réuni leurs forces pour créer un réseau à l’échelle européenne, en partie encouragés par la nouvelle réglementation sur les émissions de CO2.

« Les villes intelligentes pourraient devenir des centres majeurs de regroupement de technologies pour le développement des réseaux électriques intelligents et du stockage de l’énergie. »

Les voitures électriques du futur peuvent être rendues plus vertes encore via une production intermittente d’électricité issue des énergies renouvelables, compensant les fluctuations à l’aide d’un réseau électrique intelligent prenant la forme d’un réseau de fourniture et de stockage d’électricité qui emploie une communication bidirectionnelle avec des compteurs intelligents, des bornes de recharge et d’autres dispositifs dont l’objectif consiste à s’adapter aux pics et aux creux de consommation. Dans la seule Union européenne, un tel modèle de fourniture d’énergie basée sur la demande pourrait, d’après des estimations officielles, faire économiser une centaine de milliards d’euros par an.

Plus globalement, les villes intelligentes pourraient devenir des centres majeurs de regroupement de technologies pour le développement des réseaux électriques intelligents et du stockage de l’énergie solaire et éolienne, ainsi que pour la distribution intégrée de cette dernière. En effet, alors que la plupart des nouvelles villes devraient naître en Asie équatoriale, le solaire est attendu comme un constituant majeur des villes intelligentes.

Par ailleurs, la production de la technologie intelligente gagne elle-même en rapidité et en efficacité. Grâce aux logiciels d’automatisation de conception de circuits électroniques (EDA), les prototypes peuvent être développés et testés sur ordinateur, ce qui supprime la nécessité de fabriquer de multiples versions d’essai et accélère la livraison de semi-conducteurs et autres produits nouveaux.

Pour les investisseurs, l’avènement des villes intelligentes à faible consommation d’énergie ouvre la voie à des opportunités non seulement pour les entreprises innovantes dans divers domaines liés aux énergies propres, comme les technologies de construction, la mobilité intelligente, l’électromobilité, la fabrication, les fournisseurs d’énergies propres, le stockage de l’énergie et les réseaux électriques intelligents, mais aussi pour les entreprises technologiques plus traditionnelles, qui ont désormais de nouveaux marchés à conquérir.

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Hervé Thiard est directeur général de Pictet Asset Management France. Diplômé de l'Ecole Supérieure de Commerce de Rouen est Directeur Général de Pictet & Cie (Europe) SA, Succursale de Paris, il est responsable de la gestion institutionnelle et de la distribution des fonds de placements sur les marchés français et Benelux. Il a rejoint Pictet & Cie en juin 2003 pour créer la succursale de Paris. Hervé Thiard a exercé des responsabilités de Membre du Directoire de Deutsche Asset Management en charge de la distribution, du marketing et de la communication.

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