La France attire les médecins du monde entier

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Par Vincent Chriqui Modifié le 13 décembre 2012 à 5h47

Le Centre d’analyse stratégique (CAS) s’est intéressé à la mobilité internationale des professionnels de santé qui modifie le fonctionnement des systèmes de soins. Quels sont les enjeux pour le système français de mouvements accrus de professionnels et d'étudiants ?

La mobilité internationale des professionnels de santé s’intensifie. Or, elle modifie l’efficience des systèmes de soins. Du côté des pays receveurs, la mobilité d’emploi renforce les services mais accroît potentiellement les dépenses en fragilisant la maîtrise de l’offre. Elle soulève aussi des interrogations quant à la qualité des soins. Du côté des pays sources, elle tend à diminuer l’accès aux soins. Quant à la mobilité de formation, elle contribue à diffuser les bonnes pratiques.

La France, contrairement à d’autres pays, n’a pas opté pour un recrutement actif à l’étranger afin d’alimenter son système de santé en ressources humaines. Ainsi, seuls 7,4 % des médecins exerçant en France sont titulaires d’un diplôme obtenu à l’étranger, contre 30 % au Royaume-Uni. Toutefois, le nombre de professionnels formés à l’étranger et exerçant en France augmente. Quels peuvent donc être les effets sur le système de santé français de la mobilité croissante des professionnels médicaux et paramédicaux ?

L’exercice d’une profession de santé en France est conditionné à une vérification des qualifications et compétences qui dépend du lieu d’obtention du diplôme, c’est dire que la loi distingue les professionnels à diplôme européen, dont le diplôme est reconnu automatiquement, les professionnels à diplôme non européen, aux conditions d’exercice plus contrôlées. Les personnels paramédicaux doivent reprendre leurs études pour obtenir un diplôme français. Les professionnels médicaux peuvent obtenir une autorisation pleine d’exercer à l’issue d’un examen ou d’un concours.

Sur le plan mondial, la migration des professionnels de santé s’intensifie, particulièrement depuis la fin des années 1990. Au sein de l’Union Européenne, le processus d’intégration facilite cette mobilité. Entre 2007 et 2010, plus de 26 600 médecins et 15 200 infirmières ont vu leur diplôme automatiquement reconnu dans un autre pays membre.

Concernant le cas de la France, elle compte parmi les receveurs nets de professionnels de santé. En effet, elle est perçue comme attractive économiquement et est renommée pour son système de santé. D’un côté, l’émigration des professionnels de santé formés en France est marginale. De l’autre côté, le nombre de professionnels de santé à diplôme étranger exerçant en France augmente. Ces flux concernent avant tout les médecins. Entre 2007 et 2010, le nombre de médecins de nationalité étrangère inscrits au Conseil de l’Ordre a crû de 20 %. Plus d’un quart des médecins nouvellement inscrits au Conseil de l’Ordre en 2011 étaient titulaires d’un diplôme étranger.

Malgré cette augmentation, les professionnels titulaires d’un diplôme étranger ne représentent qu’une faible part des professionnels de santé exerçant en France, soit moins de 8 % pour les médecins, de 6% pour les sages-femmes ou de 2 % les pharmaciens. Le fonctionnement global du système ne dépend donc pas de leur présence, contrairement au Royaume-Uni et à l’Irlande, où ils comptent pour un tiers des médecins.

L’accroissement du nombre de professionnels non formés en France ne résulte pas d’une politique nationale, ni d’une stratégie de diversification des compétences, mais découle plutôt des difficultés de recrutement des établissements dans les zones géographiques en manque d’effectif ou dans les disciplines délaissées.

Au-delà, les mobilités de courte période augmentent avec l’émergence de mouvements de prestataires de services, c’est à dire de professionnels de santé établis dans un Etat membre mais autorisés à exercer pour un temps limité dans un autre. La mobilité temporaire se développe particulièrement dans les zones frontalières, où elle permet aussi de mutualiser des ressources. La France et la Belgique ont par exemple conclu un accord concernant l’aide médicale d’urgence permettant aux SMUR des deux pays d’intervenir de chaque côté de la frontière.

La mobilité internationale permet parfois, dans certaines zones et disciplines, de maintenir une présence soignante et de mieux répondre aux besoins des populations. Le recours aux professionnels de santé à diplôme étranger peut-il garantir durablement l’accès aux soins ? Faire dépendre le fonctionnement de son système de soins du recrutement de professionnels à diplôme étranger comporte certains inconvénients. Ce type de recrutement nécessite des réajustements en termes de formation et de langue. De plus, une fois sur le territoire national, les professionnels étrangers ont tendance à préférer les mêmes disciplines et lieux d’exercice que leurs confrères.

Par ailleurs, les médecins non formés en France optent majoritairement pour le salariat. Ils n’exercent en libéral qu’à 25 %. La plupart d’entre eux ne sont donc pas une ressource adéquate pour les collectivités locales en quête de médecins généralistes, ne pouvant ou ne désirant pas investir dans une structure de soins reposant sur le salariat. Enfin, la concurrence pour les mêmes bassins de recrutement déstabilise les systèmes de santé des pays sources, problématique aiguë dans les pays en développement mais aussi dans l’est de l’Europe.

Le recrutement de professionnels diplômés à l’étranger ne pouvant garantir durablement l’accès aux soins, il est indispensable de renforcer les efforts de régulation démographique et l’attractivité du secteur. Concernant les médecins, la réflexion est en cours d’approfondissement. De nouvelles solutions se font jour : je pense notamment à la création d’un praticien territorial ou au plan de lutte contre les déserts médicaux prévu pour 2013.

Concernant les professionnels venant exercer en France, plusieurs pistes existent pour améliorer le cadre de leur recrutement et la qualité des soins dispensés au patient. La réglementation différant selon l’origine du diplôme, j’examinerai le cas des ressortissants extra-européens puis européens.

Concernant les professionnels diplômés hors de l’Union européenne, il serait nécessaire de clarifier davantage les règles d’accession au droit d’exercice. Les médecins diplômés hors de l’Union européenne exercent parfois dans des situations complexes. La majorité de ces professionnels ont obtenu leur inscription au Conseil de l’Ordre. Toutefois, encore un certain nombre exercent sous des statuts précaires dans nos hôpitaux.

Des mesures ont été prises pour clarifier le cadre de leur exercice. Par exemple, l’examen pour obtenir l’autorisation pleine et entière d’exercer prend désormais plus en compte les acquis de l’expérience, ce qui donne plus de chances aux professionnels exerçant déjà dans nos établissements d’accéder à l’inscription au Conseil de l’Ordre.

Toutefois, il serait nécessaire de définir davantage les critères de sélection aux épreuves d’autorisation d’exercice. Ainsi, le Conseil de l’Ordre a publié des référentiels précisant les exigences des maquettes officielles afin qu’ils soient utilisés par les commissions lorsqu’elles statuent sur des dossiers. Toutefois, seul un quart des spécialités est pour l'instant couvert.

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Vincent Chriqui est le Directeur général du Centre d’analyse stratégique.  

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