La montée des bloqueurs de publicité change la donne pour beaucoup d’éditeurs internet en les privant de revenus. Quelles en sont les conséquences à long-terme pour la survie de certains sites et quelle est la meilleure réaction ?
Il y a quelques mois, la régie publicitaire Ebuzzing a voulu estimer le prix que devrait payer un internaute si tous les services consommés sur le web étaient payants. A l’issue de cette étude, ils ont découvert que, dans un monde où le web serait sans publicité, un internaute devrait payer près de 175 euros par an.
Si de plus en plus d’internautes sont équipés d’un ad-blocker, cela est-il seulement un avantage pour eux ? Selon l’UDA, entre 15 et 20 % des impressions sont bloquées, jusqu'à plus de 30 % sur les sites de jeux, vidéo et IT. Ainsi, selon une récente étude intitulée « Le coût du blocage publicitaire », le nombre d'internautes dans le monde ayant recours à ce genre de logiciel serait de 198 millions (desktop). En France, la part d'internautes utilisant un bloqueur de publicité serait de 10,4 %.
Peut-on imaginer que le filtrage publicitaire connaisse une tendance similaire sur les dispositifs mobiles ? Le débat reste entier. Mais si la tendance de l'ad-blocking sur mobile suit la même croissance que celle observée pour les postes fixes, le manque à gagner pour les éditeurs n’est plus à démontrer. En effet, la plupart sont devenus totalement dépendants des entrées publicitaires. Or, au premier semestre 2014, le prix de l'encart traditionnel (display) a chuté de 3% et ne représente plus que 264 millions d'euros pour les éditeurs selon l'observatoire de l'ePub SRI. Une chute des revenus d'autant plus précipitée par les bloqueurs. Toujours selon l’étude « Le coût du blocage publicitaire », le blocage des publicités ferait perdre 22 milliards de dollars aux sites Web.
Mais un web sans publicité, quelle conséquence cela aurait-il pour l’internaute ? Sans surprise, la part des internautes qui seraient prêts à débourser cette somme est extrêmement faible : seulement 2 %, indique l'étude.
Les internautes réagissent à l’abus de pression publicitaire
Une majorité des personnes sondées déclare toutefois réduire au maximum leur exposition à la publicité en ligne. 63 % des personnes interrogées « passent les publicités vidéos le plus vite possible », plus du quart des sondés coupent le son et 16 % ouvrent un nouvel onglet ou une nouvelle fenêtre pour y échapper. Quand on demande aux sondés ce qui pourrait les convaincre de regarder une vidéo publicitaire, un tiers répond que la vidéo doit être « pertinente » pour eux, et un sur cinq plaide pour la possibilité de choisir les vidéos regardées.
Il semblerait que se diriger vers une publicité ciblée et pertinente soit le compromis le plus fédérateur et c’est désormais possible avec les nouveaux outils d’analyse disponibles.
La publicité est la source de revenu principale des medias en ligne, les en priver c’est menacer leur existence à moyen terme
Si la publicité est le carburant des éditeurs online, comme c’est le cas pour le reste des médias d’ailleurs, il leur faut donc tirer parti des spécificités de l’Internet. Pas seulement pour augmenter l ‘efficacité des campagnes mais aussi pour faire entrer la publicité dans le parcours des internautes de manière fluide, pertinente, non-disruptive, voire en apportant une valeur ajoutée à la navigation.
L’IAB (Internet Advertising Bureau, l’association professionnelle des acteurs de la publicité en ligne) est d’ailleurs très consciente de cette nécessité et a publié un guide des bonnes pratiques en fin d’année dernière pour s’engager sur cette route.
Une fois installé un ad-blocker est efficace sur tous les sites, y compris ceux dont la chorégraphie publicitaire est raisonnable
Mais regardons la réalité en face, ce n’est pas à cause de la pression publicitaire sur un site media que l’on installe un ad-blocker. C’est le jour où l’on se trouve sur un site qui fait la course au clic, sur un site de téléchargement ou de contenu adulte, que la multiplication des pop-ups ou des bannières innombrables sont au-delà de l’acceptable. Et, une fois qu’un ad-blocker est installé, à cause de ces sites au comportement « court-termiste », il fonctionne sur tous les autres sites par défaut.
En revanche, les éditeurs premium et les chaînes de télévision, font partie des acteurs qui sont très attentifs à ne pas perturber leur audience en la matraquant de publicité. Leur image de marque est, en effet, en jeu. Les internautes sont d’ailleurs tout à fait conscients de la valeur des contenus qui s’y trouvent et une publicité ciblée et en quantité mesurée leur paraît acceptable. Mais parce qu’un ad-blocker est installé ils ne la voient plus et privent l’éditeur de revenu.
C’est dans cette ironie que réside le nœud du problème : des médias au comportement prudent voient leur existence menacée par le manque de précaution de certains acteurs peu scrupuleux.
Des réponses à la fois techniques et stratégiques
Pour eux des solutions techniques existent : il est possible de mettre en place des outils pour désactiver les ad-blockers sur leurs sites et retrouver la capacité à monétiser leur audience, des connections avec des sources de données démographiques et intentionnistes leur permettent de choisir le bon message pour chaque visiteur et des outils d’ajustement de la pression publicitaire pour chaque utilisateur en fonction du temps qu’il est prêt à consacrer à sa consultation.
Un internet sans publicité, jusqu’à preuve d’un business model alternatif, serait infiniment plus pauvre. Mais un internet avec une publicité responsable est désormais indispensable.