Le triomphe de Donald Trump renforce le degré d’incertitude de l’environnement mondial actuel. Le président américain entrant est un outsider politique qui veut se faire remarquer et bousculer le statu quo. Si les marchés peuvent apprécier certaines idées de Donald Trump, ils attachent plus d’importance à la stabilité, qui risque de devenir une denrée rare.
Points essentiels
• En attendant de connaître les détails de la politique de Donald Trump, sa rhétorique sur le commerce, l’immigration et la coopération internationale représente une menace pour l’économie, aussi bien américaine que mondiale.
• Les marchés américains devraient entrer dans une phase d’aversion au risque, caractérisée par une volatilité accrue et une demande soutenue pour l’or et les Bons du Trésor. Les valeurs du secteur hospitalier pourraient quant à elles fortement corriger.
• Le protectionnisme sera le principal thème d’investissement, notamment en Asie, et nous anticipons un mouvement de repli vers la qualité sur les obligations asiatiques
• En Europe, de manière ironique, les actions pourraient se transformer en havre de paix comparé aux actions américaines et, à court terme, nous anticipons une remontée de l’aversion au risque sur les marchés obligataires, couplée à des rendements en baisse et un aplanissement de la courbe de taux
Au cours des 20 derniers mois, les États-Unis ont enduré l’une des campagnes présidentielles les plus conflictuelles et les plus corrosives de leur histoire, campagne qui a concentré l’attention des citoyens et des gouvernements du monde entier.
Aujourd’hui, après une épreuve longue et douloureuse, les résultats sont enfin connus et Donald Trump est élu président des États-Unis. Ce résultat consternant pour des millions de personnes, aux États-Unis et ailleurs, dégradera sans aucun doute l’image des États-Unis dans le monde à mesure que
l’information sera pleinement intégrée. Chacun peut aisément imaginer la suite : en se fondant sur les paroles et le comportement de Donald Trump au cours de la campagne, il semble évident que le prochain président des États-Unis entend ébranler l’ordre mondial. Pour atteindre cet objectif, Donald
Trump pourra très bien se passer du soutien de son propre parti au Congrès, soutien qu’il pourrait ne pas obtenir. En tant que chef de l’exécutif, il détient un pouvoir suffisant pour bousculer à lui seul les relations internationales.
Ainsi, les risques géopolitiques se sont considérablement accrus, et il faut s’attendre à une vive réaction des marchés à court terme. De manière plus significative pour les marchés, l’élection de Donald Trump ne constitue pas un événement isolé. Elle intervient dans une année au cours de laquelle plusieurs événements, notamment le Brexit, sont venus remettre en cause non seulement la vision conventionnelle de la mondialisation, mais également toute la dogmatique de l’après-guerre.Les investisseurs seraient quant à eux bien avisés de ne pas prendre de décisions de long terme au cours des jours à venir, durant lesquels les marchés devront encore digérer ces résultats.Récemment, nous avons vu des mouvements de marché significatifs se résorber en 24 ou 48 heures. Cependant, les risques doivent être gérés et les opportunités doivent être saisies.
Impact sur l’économie américaine
La victoire historique de Donald Trump et son refus du statu quo politique ont d’importantes répercussions sur l’économie américaine. Sa vision du monde diffère grandement de celle de ses pairs, et même si les Républicains du Congrès ne sont pas prêts à le soutenir pleinement, il sera en mesure d’appliquer
certaines de ses propositions sans rencontrer de réels obstacles. Pour mesurer l’impact économique de la victoire de Donald Trump, il convient de garder à l’esprit trois éléments :
1. L’opposition de Donald Trump aux élites dirigeantes, associée à un manque de précision sur sa politique, accroît le niveau de risque, tout du moins tant que les marchés n’auront pas une idée plus claire de sa vision pour le pays. Sa rhétorique radicale sur le commerce, l’immigration et la coopération internationale constitue une menace pour l’économie, aussi bien américaine qu’internationale.
2. Avec ses propositions de réforme de l’impôt sur les sociétés et de dépenses liées aux infrastructures, la présidence Trump pourrait relancer l’économie américaine.
3. Toutefois, les mesures budgétaires de Donald Trump pourraient lourdement accroître la dette publique, provoquant à long terme des difficultés économiques, voire une hausse de l’inflation et des taux d’intérêt.
Impact sur l’investissement aux États-Unis
• En raison des inconnues et de l’imprévisibilité entourant Donald Trump, nous pourrions entrer dans un environnement averse au risque, marqué par une volatilité accrue et une hausse de la demande de valeurs « refuge », comme l’or et les Bons du Trésor.
• Les valeurs du secteur hospitalier pourraient chuter lourdement, Donald Trump ayant appelé à la fin de « l’Obamacare ».
• Le premier choc passé, Wall Street attendra les réformes fiscales de Donald Trump, en espérant voir les Républicains du Congrès tempérer ses positions les plus radicales.
• À plus long terme, les marchés se prépareront sans doute aux risques de dé-mondialisation (qui pourrait peser sur les actions) et aux pressions inflationnistes (qui pourraient nuire aux obligations). Cependant, tout dépendra de la capacité de Donald Trump à convaincre un Congrès qui, républicain sur le papier, est loin d’être acquis à sa cause.
Impact sur l’investissement dans la zone Asie-Pacifique
• Avec l’élection de Donald Trump, le protectionnisme deviendra le principal thème d’investissement. À terme, les tarifs douaniers devraient selon nous augmenter, tandis que les flux commerciaux devraient s’effondrer, pesant sévèrement sur les pays asiatiques exportateurs.
• La plupart des pays asiatiques ne soutiendront pas Donald Trump, même s’il semble partager plusieurs points communs avec le président philippin Rodrigo Duterte.
• Donald Trump pourrait réclamer une participation accrue des alliés des États-Unis au financement de leur sécurité. En cas de refus, les États-Unis pourraient se retirer partiellement, donnant à la Chine l’opportunité de s’imposer. Nous anticipons une hausse massive des dépenses d’armement en Asie, notamment au Japon et en Corée.
• Nous anticipons un mouvement de retour vers la qualité sur les obligations asiatiques, qui chuteront parallèlement aux Bons du Trésor américains.
• Dans l’anticipation d’une chute des marchés d’actions, les spreads en Asie sont susceptibles de s’élargir, les investisseurs s’inquiétant de l’effet des politiques protectionnistes de Donald Trump sur la croissance économique.
Impact sur l’investissement en Europe
• Selon nous, l’impact direct d’une présidence Trump sur les entreprises européennes pourrait être limité, et l’Europe pourrait ironiquement se transformer en havre de paix par rapport aux États-Unis.
• La victoire de Donald Trump pourrait pénaliser les entreprises européennes générant une part importante de leurs revenus en dollars US, qui risque de chuter face aux incertitudes de court terme.
• À court terme, nous pensons que le marché obligataire connaîtra une période de remontée de l’aversion au risque, provoquant une chute des rendements et un aplanissement de la courbe des taux.
• Sur le plus long terme, nous prévoyons une hausse des rendements des obligations longues, les marchés anticipant des réductions d’impôts significatives ainsi que des dépenses d’infrastructures massives.
Quelle direction le monde prend-il ?
Cette élection a été aussi passionnante qu’inquiétante, soulevant des questions dérangeantes sur l’avenir auxquelles aucune réponse n’a été apportée. L’attention s’est focalisée sur les personnalités et les attaques, plutôt que sur les politiques et les objectifs, et l’Amérique en sort profondément divisée. Cela laisse penser que la capacité du pays à jouer un rôle de leader mondial est désormais remise en question, même si l’espoir que la Constitution américaine soit assez forte pour maintenir un certain ordre persiste.
Cependant, avec le résultat surprise du Brexit et la défiance généralisée à l’égard des politiques et des gouvernements (défiance qui sera testée au cours de quatre élections européennes majeures l’année prochaine), il nous semble voir apparaître un nouveau thème. Un changement majeur dans les tendances politiques est à l’œuvre et conduit à un accroissement des risques de dé-mondialisation, de durcissement de la réglementation et d’ingérence gouvernementale dans les marchés et les entreprises. Les craintes géopolitiques croissantes et les tensions commerciales risquent de saper la confiance des investisseurs et les projets d’investissement des entreprises, ce qui pourrait freiner davantage la croissance mondiale, déjà atone.
Ainsi, nous pensons que notre thèse de faiblesse durable des taux d’intérêt et d’une répression financière persistante demeure valide. Cet environnement incitera les investisseurs à rechercher des niveaux de performance ajustée du risque acceptables, dans un contexte macroéconomique et politique plus exigeant. Cette situation renforce la nécessité d’une gestion active de portefeuilles marqués par la flexibilité de l’allocation d’actifs, des processus d’investissement rigoureux et une recherche approfondie.