Versatilité sur les marchés

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 27 juin 2019 à 11h57
Chine Etats Unis Commerce
@shutter - © Economie Matin

Le marché ne sait plus quoi penser de ce qui pourrait sortir de la rencontre Trump - Xi de samedi prochain. En attendant, les indicateurs conjoncturels, sans faire de bruit, se dégradent plutôt et les dossiers politiques, américain et britannique, présentent quelques surprises.

Recontre Xi-Trump : quelles perspectives ?

On le sait dorénavant ; c’est samedi au petit matin, heure européenne, que Xi Jinping et Donald Trump se rencontreront. Quelle sera la perspective ouverte à la fin de l’entretien ? La question tient en haleine le marché. Celui-ci est actuellement en mode « réaction », avec une vraie capacité de passer de l’optimisme à la réserve en fonction du newsflow. Hier en milieu de journée (en Europe), le secrétaire américain au Trésor évoque la possibilité d’obtenir un accord commercial ; et la bourse de New-York d’ouvrir en hausse. Un peu plus tard, le Président Trump réitère la perspective de davantage de produits chinois taxés à l’entrée aux Etats-Unis, en cas d’absence d’amélioration des négociations en cours ; et le S&P 500 de baisser. Ce matin, en Asie, l’atmosphère est à davantage de confiance. La raison ? L’impression, que le locataire de la Maison Blanche voudrait qu’un accord soit trouvé rapidement, revient sur le devant de la scène.

Vous avez du mal à vous y retrouver ! C’est normal ; la volonté de paraître imprévisible fait sans doute partie de la tactique mise en place côté américain. A un niveau plus stratégique, cette façon de faire conforte la double idée d’une trêve et d’une reprise des négociations au lendemain de la rencontre entre Trump et Xi. Pour quel résultat et avec quel calendrier ? On ne le sait pas.

En attendant, les investisseurs scrutent les chiffres économiques pour mesurer l’impact de cette incertitude sur le tempo de la croissance mondiale. Mais sans excès de stress, tant ils sont persuadés que l’assouplissement des politiques monétaires, à venir vite, empêchera une dégradation de la conjoncture. Ont-ils raison ? Vraisemblablement que partiellement.

De meilleurs profist industriels côté chinois

Revenons aux statistiques publiées récemment. Aux Etats-Unis, les commandes de biens durables ont reculé de 1,3% en mai. C’est beaucoup ; mais cela doit beaucoup aux avions. Si on se concentre sur les biens d’équipement, hors matériel militaire et aviation civile, qui sont un bon estimateur de l’investissement des entreprises, deux choses apparaissent. D’abord, les livraisons « tiennent le choc », même si le dynamisme s’effrite. D’une période de trois mois à l’autre, la hausse annualisée ressort à 1,7% à fin mai. Ensuite, les commandes sont un peu plus à la peine, avec, selon le même calcul, une stabilisation pour le dernier mois connu. De quoi conclure que l’effort en capital productif ralentit et pourrait s’arrêter dans un avenir pas trop éloigné.

La Chine ce matin a publié les profits industriels pour le mois de mai. Ils sont meilleurs qu’attendus, avec un glissement sur un an ressortant à +1,1%, contre -3,7% en avril. Il semble toutefois que l’inflexion haussière soit d’abord à mettre au compte de la baisse de la TVA, intervenue en avril et qui aurait un effet positif sur les résultats des entreprises le mois suivant. Au-delà de ces « péripéties fiscales », la tendance n’est pas bien orientée, au titre des tensions commerciales sino-américaines et d’une demande intérieure qui n’arrive qu’à prendre un relai partiel.

Parlons politique intérieure aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Outre-Atlantique, les premiers débats entre les candidats du Parti démocrate aux élections primaires, dans le cadre de la désignation du « champion » pour la course à la Maison Blanche, sont en cours. Ceux-ci sont tellement nombreux qu’il faut en organiser deux (hier au soir et encore ce soir) ! Beaucoup sont très à gauche, même si le centriste Joe Biden est actuellement en tête dans les sondages. Cette course à l’investiture est importante, car le sort de Donald Trump en dépend en partie. Le choix par les Démocrates de quelqu’un de très marqué à gauche l’aiderait dans sa tentative de se maintenir au pouvoir. De fait, le soutien dont il dispose auprès de l’opinion ne lui garantit en rien un renouvellement de son mandat. Il a besoin d’un environnement favorable pour réussir. Cela dépend en partie de lui ; mais c’est aussi fonction de l’offre alternative qui se présentera. Dans tous les cas, sa popularité actuelle ne le disqualifie pas d’office. C’est du moins ce que l’observation des élections précédentes suggère.

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Au Royaume-Uni, Boris Johnson, présenté comme le favori pour remplacer Theresa May à la tête du gouvernement, zigzague pour ce qui est de la façon de sortir le pays de l’UE. Mardi, il se drapait dans un martial « ça passe ou ça casse », pour évoquer la ligne dure qu’il comptait adopter dans les discussions avec le Continent. Hier, il considérait qu’il n’y avait qu’une chance sur un million d’avoir un No-Deal Brexit. Ce n’est pas beaucoup ! Le chiffrage, bien sûr, ne fait pas grand sens. Un calcul, espérons-le un peu plus sérieux, de probabilités conditionnelles conduirait à la perspective à aujourd’hui d’une chance sur 6 environ pour une sortie sans accord. Comme quoi Johnson est un ardent défenseur d’une sortie ordonnée. A moins de considérer que son seul but est de devenir Premier ministre et qu’à ce titre « Londres vaut bien un accord avec l’UE » !

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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