Vers une autre relation entre cadres au travail

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Par Jacques Martineau Publié le 15 avril 2017 à 5h00
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20 %Dans les PME, on trouve une moyenne de 20 % de cadres.

Pour mieux comprendre la situation actuelle, il n’est pas inutile de faire quelques rappels historiques. D’aucuns ont oublié que cette notion de cadre s’est affirmée dans les années 1930 !

Elle correspondait à la qualification d’une catégorie socioprofessionnelle composée d’experts, d’ingénieurs, de juristes et de financiers. Cette nouvelle catégorie sociale avait une autonomie dans le travail, face à des responsabilités particulières et à un contrat de confiance moral avec ses dirigeants et sa hiérarchie. Ne représentant que quelques pour cent de la population active dans les années 50, cette catégorie de « cadres » a toujours fait figure d’élite.

Après avoir doublé en nombre dans les années 80, non directement concernés par les suppressions d'emplois et les licenciements, les cadres ont, pour la plupart d'entre eux avec leurs capacités et leurs moyens, contribué au redressement financier ou à l'amélioration de la compétitivité technique et économique de leurs entreprises. Ce sont eux qui en partie ont servi de relais pour réconcilier les Français avec leur entreprise.

Dix ans plus tard, beaucoup d'entre eux, plus du tiers, surtout dans le secteur privé à risque, connaissent la déconvenue et l'ingratitude. Ils ont beaucoup donné. Leur fidélité, leur dévouement et leurs compétences ne pèsent pas lourd au moment des choix décisifs. Le réveil est douloureux. Ils ne reçoivent rien en retour sinon pour certains le privilège de faire encore partie des effectifs. Chômage pour les uns, baisse du pouvoir d'achat, peur de perdre son emploi et considération en chute libre pour les autres, l'exaspération monte. Un fort sentiment de désillusion se développe.

Une banalisation de la fonction dans l’action

Depuis la crise et ces dernières années, les cadres s'en prennent à leur hiérarchie et à leurs patrons qui sont toujours là. Ils leur reprochent de s'être servis d'eux et de les laisser maintenant pour compte dans l'indifférence, ou de vouloir s'en débarrasser sans autre forme de scrupule. Ils dénoncent l'absence de gestion des ressources humaines qui à leurs yeux n'est qu'une tromperie de nature administrative, sans réelle valeur ajoutée, essentiellement chargée de gérer les entrées, de négocier les sorties, se limitant en interne à approche rigide de la fonction.

Aujourd’hui cet équilibre a été rompu. Il n’est plus le même et beaucoup de notions ont été remises en cause. Cette catégorie de cadre, déjà propre à la France, s’est fortement banalisée. Elle approche désormais les 20% dans les moyennes et les grandes entreprises. Le statut de cadre a perdu aussi de sa valeur. Au siège social d’un grand groupe près de 60 à 80% des salariés ont le statut de cadre. Parallèlement alors que ceux-ci n’ont pas nécessairement de responsabilité d’encadrement, il n’est pas rare de constater que la plupart d’agents de maîtrise, de chefs d’équipes sur le terrain ont encore un statut de « non-cadre » ou d’assimilés ! D’où apparaissent un sentiment d’injustice, un mal-être et un malaise identitaire.

Encore faut-il prendre en compte les nouvelles distinctions entre les cadres qui se sont développées. Le statut de « cadre supérieur » remet chacun à sa place. Dans un grand « ensemble », ce statut destiné aux proches du pouvoir ou positionné à des endroits stratégiques qualifie les « devenirs » de chacun. Les différences se multiplient et le sentiment de mise à l’écart d’une partie du personnel s’accentue.

Quel avenir de progrès pour cette qualification en question ?

Mais combien de cadres se sont préoccupés réellement de leur avenir quand il en était encore temps ? Combien ont essayé de le faire et se sont retrouvés sans interlocuteur à l'écoute ? Combien ont profité d'une situation privilégiée sans autre souci du lendemain ? Combien d'entre eux, dans leurs rôles de « petits chefs », peuvent affirmer n'avoir jamais employé à l'égard du « petit personnel » les mêmes méthodes et n'avoir jamais eu les mêmes comportements sans s'émouvoir pour autant des réactions et des conséquences ?

Piètrement représentés par leur syndicat, qu'ils n'ont pas toujours soutenu, ils se retrouvent maintenant seuls. Après la maîtrise et les cadres moyens, les nouveaux concernés sont maintenant les cadres de haut niveau et les cadres supérieurs qui trinquent et qui se voient remerciés. Pour la plupart et d'abord pour les plus âgés, ce ne sont pas les premiers signes de reprise économique qui les rassurent. La perte de savoir-faire et l'impact sur le moral de ceux qui restent dans l'entreprise est fort. Il tend à dégrader le climat des relations et à faire baisser la motivation.

Quant à l'image exportée de l'entreprise au travers de la désillusion des partants, volontaires ou non, elle inquiète. Mais certainement pas une majorité d'actionnaires que ce moyen efficace et rapide de réduction des coûts salariaux ne dérange pas outre-mesure. A ce niveau de mépris, peut-on encore parler de l'importance de l'exemplarité en matière de conduite et de management des hommes ?

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Après un long parcours scientifique, en France et outre-Atlantique, Jacques Martineau occupe de multiples responsabilités opérationnelles au CEA/DAM. Il devient DRH dans un grand groupe informatique pendant 3 ans, avant de prendre ensuite la tête d'un organisme important de rapprochement recherche-entreprise en liaison avec le CNRS, le CEA et des grands groupes du secteur privé. Fondateur du Club Espace 21, il s'est intéressé aux problèmes de l'emploi avec différents entrepreneurs, industriels, syndicalistes et hommes politiques au plus haut niveau sur la libération de l'accès à l'activité pour tous. Il reçoit les insignes de chevalier de l'Ordre National du Mérite et pour l'ensemble de sa carrière, le ministère de la recherche le fera chevalier de la Légion d'Honneur.

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