Le digital dans les points de vente : opportunité ou fatalité ?

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Par Didier Degryse Modifié le 26 décembre 2013 à 6h32

L’irruption des technologies digitales au point de vente est un sujet inépuisable de réflexion et d’espoir. Alors qu’il y a encore peu, on annonçait la mort du magasin remplacé par le commerce sur internet et mobile, le magasin revient sur le devant de la scène technologique. Mais immédiatement se pose la question de l’opportunité des technologies. Service rendu au client, théâtralisation de l’espace de vente et des produits, besoin des marques de développer leur CRM, développement du chiffre d’affaires… Les applications ne manquent pas.

Le défi que le digital pose aux magasins est intimidant : comment concilier avancées techniques, simplicité d’utilisation, mise en valeur des produits et/ou services, pour séduire et déclencher plus d’actes d’achat ? Comment se servir du digital pour rendre l’expérience pré ou post achat plus attractive qu’un simple acte de consommation ? Comment inciter le client à utiliser ces nouveaux outils, en lui proposant une expérience innovante ?

Car le client doit aussi trouver un intérêt dans l’utilisation de ces nouvelles technologies. Déjà mis en œuvre dans certaines enseignes, la commande des produits en magasin combinée à la livraison à domicile ou au point de vente de sa convenance en est un exmple. Ces pratiques se généraliseront dans les prochaines années. Mais les technologies sont censées répondre à des scénarii de visite au point de vente dont les motivations sont très variées, et qui ne sont pas toujours l’achat.

Reconnaissons-le : aujourd’hui, le digital au point de vente séduit les marques parce qu’il leur permet d’apprendre une foule de détails sur leurs clients qui sont supposés acheter plus grâce à ces nouvelles solutions. A ce titre, on peut penser que ceux qui ne prendraient pas le train digital en marche seraient les grands perdants de demain. Les marques doivent opérer les bons choix et nous disposons de peu de recul. Mais ce sont à elles de faire en sorte que le digital au magasin ne devienne pas un passage forcé ni une fatalité. Son usage ne doit pas être perçu comme technique et superflu : il doit être source d’avantages pour tous, faire partie d’une vision du commerce, et impliquer les équipes de ventes qu’il ne concurrence pas.

Grâce à leur capacité croissante à analyser finement des volumes exponentiels de données, le digital appliqué au retail met frontalement en contact un client a priori hyper-renseigné et connecté avec des marques focalisées sur leur capacité à faire rêver pour fidéliser et vendre plus. Malgré la multiplication des canaux de vente, la proximité du produit - vendeur – client et la possibilité « sentir » le produit (d’où la place prépondérante occupée par le marketing sensoriel) restent incontournables dans la relation du client avec la marque. C’est ce que montrent les études récentes sur l’avenir du retail. Donc pas question de renoncer aux vendeurs en magasin. Pas question de les remplacer par des robots ni même des solutions informatiques. D’ailleurs, même le e-commerce se met au conseil, grâce aux possibilités de chat et d’assistance par des conseillers-vendeurs durant l’achat en ligne.

Si le contact physique avec le vendeur et le produit est une évidence, la technologie en magasin peut-elle répondre à d’autres besoins? Parmi les solutions supposées dynamiser le point de vente, lesquelles sont les plus susceptibles d’apporter une vraie valeur à l’expérience en magasin ?

Par exemple, le merchandising : lors d’un symposium il y a quelques semaines, une société spécialisée sur le magasin connecté a présenté une vitrine innovante et hybride, à la fois digitale et dotée d’une dimension « réelle » : elle est constituée de panneaux multitouch diffusant via un CMS des contenus dédiés à un ou des objets. Sa valeur ajoutée, c’est la détection automatique de l’objet placé dans la vitrine grâce à un système de reconnaissance RFID, et l’affichage en conséquence de contenus éditoriaux et visuels dédiés. Un client peut accéder aux fiches produit, visionner une vidéo, changer de menu pour accéder à divers contenus, tout en voyant le produit réel dans la vitrine. Le produit peut bien sûr être remplacé et sa détection immédiate permet de visualiser le contenu adapté, avec des possibilités proches de l’infini. Le concept est simple : pas de 3D, pas de hologrammes, mais un simple réceptacle présentant un objet et diffusant de l’information.

Avantages pour le client : le confort de navigation. La vitrine ne complexifie pas l’acte de découverte du produit. Pas besoin de connaissances pointues, le bout du doigt suffit, l’usage prime sur la technologie et c’est le produit qui est au centre. La vitrine raconte une histoire focalisée sur le produit, que l’on peut imaginer complétée par d’autres outils de marketing sensoriel afin de marquer la mémoire. Pas besoin non plus de recourir à un smartphone. Et l’application ne demande rien au client, qui en retour n’éprouve pas de méfiance.

Avantages pour le vendeur : un support à la vente, une réelle mise en valeur des produits, une administration simple

On pense tout de suite à l’usage que l’hôtellerie, lieu d’exposition en vitrine (quelque peu démodée) et de vente de produits de luxe, pourrait faire de telles vitrines. L’industrie automobile, la joaillerie et l’édition de produits hi-tech seraient aussi des domaines d’utilisation idéaux de ces vitrines.

Le but d’une telle technologie n’est pas de remplacer le vendeur, mais de soutenir son rôle commercial en « starifiant » le produit. Mais au moment de passer à l’achat, le client souhaite toucher, essayer, établir un contact physique avec lui. Car l’autonomisation du client au point de vente est un mythe. Ce n’est pas ce qu’il souhaite. Il apprécie la liberté d’aller à sa guise et de consulter tranquillement du contenu en magasin, mais il souhaite être pris en charge une fois le moment de l’achat venu.

Ces technologies sont porteuses de bien des fantasmes chez les technophiles et les responsables retail, qui souhaitent voir s’effacer les cloisonnements entre commerce physique, en ligne et sur mobile, perçus comme source de complexité. En dehors de cet enjeu, il reste donc d’autres pistes à explorer. Mais la sélection des technologies doit faire l’objet d’une évaluation critique, dépassant les impératifs de concurrence, la nécessité absolue de se convertir au digital sous peine d’être qualifié de passéiste, ou même un peu trop d’enthousiasme. Associer les vendeurs à l’implantation de ces technologies est stratégique. Et garder à l’esprit que la technologie doit servir au client sans forcément qu’on se serve de lui en retour également.

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Directeur général de M.X Data France

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