Le Venezuela a besoin d’une thérapie de choc pour sortir de l’hyperinflation

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Par Christopher Dembik Publié le 7 décembre 2015 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
95 %Le pétrole représente 95 % des exportations du Venezuela.

Les élections législatives qui ont lieu le 6 décembre prochain sont certainement les plus cruciales depuis le décès d’Hugo Chavez en 2013 car elles pourraient aboutir à une transition démocratique et à la mise en œuvre des réformes nécessaires pour sortir le pays de l’incurie économique.

La Mesa de la Unidad Democratica, la principale plateforme d’opposition regroupant près de vingt partis politiques, des socialistes aux chrétiens démocrates en passant par les écologistes, est bien placée pour obtenir la majorité au Parlement, jusqu’à présent détenue par le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) du président Nicolas Maduro dont la politique économique est de plus en plus contestée.

Le Venezuela est le parfait contre-exemple de l’Arabie Saoudite

Possédant les premières réserves de pétrole prouvées selon l’OPEP, le pays n’a pas réussi à mettre en place au cours des quinze dernières années un nouveau modèle économique qui, s’appuyant sur la manne pétrolière, aurait pu diversifier le tissu industriel et permettre la constitution d’un coussin de sécurité afin de faire face aux périodes de conjoncture défavorable. Le modèle chaviste a eu l’effet contraire en accentuant la dépendance du pays au pétrole. En 1998, juste avant l’arrivée d’Hugo Chavez au pouvoir, le pétrole représentait 74% des exportations du pays contre environ 95% de nos jours. Les revenus du pétrole ont été accaparés par une nouvelle bourgeoisie issue de la révolution bolivarienne, les boliburgueses. Une partie a servi à financer une ambitieuse politique sociale, les misiones bolivarianas, qui a permis de sortir un pan important de la population de la pauvreté et que personne ne remet en cause aujourd’hui. De 2003 à 2010, le pourcentage de ménages en situation de pauvreté a été réduit de 55% à 26% et ceux en extrême pauvreté de 25% à 7%.

Cependant, ces missions ne sont plus en mesure de fonctionner correctement à cause de la dégradation économique. Un violent retour en arrière s’opère. Le pays est confronté à une récession qui devrait atteindre 8,6% en 2015 et 6,2% l’an prochain. Après des années de reflux, la pauvreté rebondit sur fond de pénurie. Le pays figure au premier rang mondial de l’indice de misère qui dresse un panorama de l’économie à partir de la somme du taux d’inflation et du taux de chômage. Cette année, le Venezuela est entré dans le club des pays victimes d’hyperinflation en en devenant le 57ème membre. La chute de moitié du prix du baril de pétrole depuis mi-2014 a précipité l’effondrement économique en rognant sur les marges de manœuvre budgétaire et en déséquilibrant la balance commerciale.

Pour reconstruire l’économie et faire revenir les investisseurs, le Venezuela ne pourra pas éviter d’appliquer une thérapie de choc similaire à celle mise en œuvre par beaucoup de pays d’Europe de l’Est à la chute du communisme. Il faudrait libéraliser les prix et les salaires, faire respecter le droit de propriété, arrêter de subventionner le pétrole à la pompe et mettre un terme au financement du déficit budgétaire par la banque centrale. Le recours à la planche à billets a eu des effets dévastateurs : l’inflation a bondi autour de 700% selon les calculs d’organismes indépendants, et la monnaie s’est effondrée sur le marché noir à environ 700 bolivars pour un dollar contre un taux de change officiel fixé à 6,3 bolivars.

L’urgence est de rétablir la confiance des vénézuéliens dans leur monnaie. Plusieurs économistes soulignent l’intérêt de la mise en place d’une caisse d’émission qui permettrait de caler le bolivar au dollar américain, celui-ci n’étant utilisé que pour les règlements internationaux. Un tel mécanisme a permis d’endiguer l’inflation dans plusieurs pays d’Amérique latine dans les années 1990 mais il a pour inconvénient de contraindre fortement la marge de manœuvre de la politique monétaire et a favorisé, en particulier, le défaut de paiement de l’Argentine en 2001.

A la place, il serait plus judicieux d’instaurer un mécanisme hybride en fixant le taux de change du bolivar par rapport à un panier constitué à 70% de dollar et à 30% de pétrole. Concrètement, la monnaie locale fluctuerait à la fois en fonction du dollar américain mais aussi de l’évolution du prix du baril de pétrole sur les marchés mondiaux. Ce système aurait l’avantage de prendre en compte la forte dépendance de l’économie au cours des matières premières et pourrait permettre de redémarrer le cycle de production et de création de richesse en rassurant les investisseurs étrangers et les entrepreneurs locaux.

A défaut de réformes, le pays ne risque pas immédiatement le défaut de paiement. Il pourrait être encore maintenu à flot grâce à la Chine, à condition que ses intérêts stratégiques ne changent pas. Depuis 2009, Pékin a accordé près de 60 milliards USD de prêts en échange de l’envoi par le Venezuela de 540 000 barils de pétrole par jour. Le pays aura besoin d’au moins 55 milliards USD supplémentaires d’ici à 2020 pour rembourser ses créanciers. C’est plus de trois fois l’équivalent des réserves de change dont dispose la banque centrale. Ce serait une fuite en avant vaine que de poursuivre dans cette voie. Le Venezuela doit prendre le chemin des réformes pour retrouver son indépendance économique et assurer un avenir à sa jeunesse.

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Christopher Dembik est économiste chez SaxoBank.

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