Le variant delta annonce une nouvelle dimension de risque pour les marchés

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Par Stéphane Monier Publié le 7 juillet 2021 à 5h40
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@shutter - © Economie Matin
1%Au Nigeria, le pays le plus peuplé d'Afrique, seul 1% des habitants a reçu une dose de vaccin.

La semaine dernière, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a enregistré 2,6 millions de nouvelles contaminations au Covid-19 et 57'000 décès dans le monde, soit le chiffre de mortalité le plus bas depuis près de huit mois. Toutefois, un nombre croissant de nouveaux cas sont provoqués par le variant delta – la mutation la plus contagieuse du virus à ce jour. Au-delà des craintes des investisseurs face à un dérapage inflationniste susceptible de déclencher une hausse prématurée des taux d'intérêt, la propagation rapide du variant constitue désormais, pour les économies et les marchés financiers, une menace à surveiller.

Au 29 juin 2021, la souche B.1.617.2. ou « delta » du coronavirus, identifiée pour la première fois en décembre 2020 dans l'État du Mah?r?shtra, en Inde, était présente dans 96 pays au moins, selon l'OMS basée à Genève. Elle se propagerait plus rapidement que la souche originale et serait à l'origine de 95% des contaminations au Royaume-Uni fin juin. Cette situation a retardé d'un mois la réouverture complète du pays, désormais fixée au 19 juillet. Depuis début juin, les contaminations ont été multipliées par plus de six chez les Britanniques âgés de 20 à 39 ans, où les taux de vaccination sont plus faibles. Aux Etats-Unis, le variant delta serait à l'origine d'un cinquième des nouveaux cas. Au-delà de la résurgence immédiate de nouvelles contaminations, cette évolution inquiète, car plus un virus se transmet, plus il a de chances de muter avec des caractéristiques suffisamment différentes pour créer une autre souche.

Des retards dans la réouverture complète d'autres économies ne sont pas à exclure et de nombreux pays prennent des mesures pour empêcher le variant delta de prendre le dessus. Les indicateurs de l'activité en temps réel des entreprises, du commerce, de la production, de la consommation et de la mobilité montrent que les Etats-Unis et l'Union européenne, par exemple, ont retrouvé environ 90% de leurs niveaux d'avant la pandémie. A 84%, le Royaume-Uni se situe légèrement en dessous (cf. graphique 1, page 2).

« La combinaison entre des variants plus transmissibles, une mixité sociale croissante, une couverture vaccinale sous-optimale et un relâchement des mesures sanitaires et sociales ralentira cette progression et retardera la fin de la pandémie », peut-on lire dans la dernière mise à jour de l'OMS.

L'OMS a dressé la liste des quatre « variants préoccupants » du Covid-19, dont le delta. Le variant « alpha », apparu pour la première fois dans le Kent en septembre 2020, a entraîné le reconfinement du Royaume-Uni en janvier de cette année et est désormais présent dans 172 pays. Le bêta, repéré pour la première fois en Afrique du Sud en août 2020, se propage actuellement dans 120 pays. Quant au gamma, identifié dans la ville brésilienne de Manaus en décembre 2020, il se trouve dans plus de 72 pays. L'OMS, qui suit la situation de près, a identifié d'autres « variants d'intérêt » dénommés epsilon, zêta, êta, thêta, iota, kappa et lambda. On les trouve dans le monde entier, des Etats-Unis au Brésil, en passant par le Royaume-Uni, le Nigeria, les Philippines, le Japon et le Pérou.

L'exemple du Royaume-Uni

Il convient toutefois de placer le variant delta en perspective. Les vaccins semblent efficaces (cf. graphique 2, page 3). Dans les économies où une grande partie de la population est vaccinée et où les contaminations augmentent, comme en Israël et au Royaume-Uni, les cas sont pour la plupart bénins, avec de faibles taux d'hospitalisations et de surmortalité. Comparativement aux précédentes vagues de contaminations, la charge qui pèse sur les systèmes de santé nationaux en est allégée. Le Royaume-Uni et Israël ont respectivement vacciné 66% et 65% de leur population avec au moins une dose de vaccin contre le Covid-19.

En supposant un délai de deux semaines entre les contaminations et les hospitalisations, nous pouvons évaluer la courbe qu'auraient entamée les contaminations au Royaume-Uni sans les vaccins. Ces calculs indiquent que le nombre réel d'hospitalisations dues au coronavirus au Royaume-Uni est au moins quatre fois inférieur, et le nombre de décès 16 fois inférieur, à ce qu'ils auraient été en l'absence de vaccins.

Il s'agit à la fois d'un argument en faveur de programmes de vaccination à large échelle et d'une mise en garde sur ce qui pourrait arriver dans les pays qui ne disposent pas d'un tel programme, ni d'un accès à des vaccins efficaces. Si le monde développé n'aide pas les pays en développement à accélérer leurs programmes de vaccination, de nouvelles mutations sont inévitables.

Un fossé se creuse entre les pays en ce qui concerne l'accès aux différents vaccins. Le vaccin à base d'acide ribonucléique messager ("ARNm") de Pfizer/BioNtech s'est révélé efficace à 88% contre le variant delta. Les alternatives, telles que les vaccins chinois SinoVac et Sinopharm, qui reposent sur des virus inactivés pour déclencher une réponse immunitaire, sont largement utilisées dans les pays émergents, notamment en Chine, au Brésil et en Indonésie. Mais leur efficacité contre le variant delta reste incertaine.

En outre, certaines nations, notamment en Afrique, ne disposent pas de réserves suffisantes de vaccins d'aucun type. Alors que les gouvernements du continent ont passé des commandes suffisantes pour vacciner 60% de leur population d'ici fin 2022, les commandes n'ont toujours pas été livrées. Au Nigeria, le pays le plus peuplé d'Afrique, seul 1% des habitants a reçu une dose de vaccin, alors qu'en Afrique du Sud, cette proportion est de 5%.

En juin dernier, les dirigeants du Groupe des Sept (G7) ont promis de fournir « au moins » 870 millions de doses de vaccin dans le cadre de l'initiative internationale COVAX, et de tenir au moins la moitié de cette promesse d'ici fin 2021. « Nous faisons la course de notre vie », a déclaré le directeur général de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus le mois dernier, « mais cette course n'est pas équitable, et la plupart des pays viennent à peine de prendre le départ. » COVAX prévoit de disposer de quelque 400 millions de doses par mois au quatrième trimestre de cette année.

Positionnés pour une reprise soutenue par les vaccins

Nos portefeuilles restent positionnés pour une reprise économique mondiale robuste. Dans notre scénario central, les vaccins continueront à être efficaces, car pour l'instant, aucun variant ne s'y est avéré résistant. Si de nouveaux confinements ou restrictions sanitaires pourraient ralentir l'activité, presque toutes les économies savent désormais comment atténuer les pires effets du Covid et ont fait preuve d'une résilience et d'une capacité de rebond encourageantes.

Dans ce contexte, nous continuons à privilégier les actifs risqués dans nos allocations d'actifs globales. Toutefois, pour les investisseurs désireux de mettre en place des couvertures de portefeuille dans l'éventualité d'un scénario de risque où une mutation résistante au vaccin ferait surface, les stratégies optionnelles peuvent s'avérer efficaces. Le VIX, qui mesure la volatilité attendue des actions, s'inscrit à ses plus bas niveaux depuis le début de la pandémie, et les investisseurs peuvent ainsi protéger leurs rendements en recourant aux options « put spread » sur indices actions à des niveaux abordables.

Concernant le marché des changes, nous pensons que notre scénario central d'une forte reprise macroéconomique se traduira par une amélioration des perspectives en Europe et un affaiblissement modéré du dollar américain. Si cette reprise devait marquer le pas suite à de nouvelles mesures pour lutter contre le Covid, la devise américaine se renforcerait, du fait que les investisseurs chercheraient un refuge contre le risque, déclenchant un vent contraire pour l'euro.

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Stéphane Monier est Chief investment officer chez Lombard Odier.

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