Valls veut niveler les banlieues par le bas

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Par Eric Verhaeghe Publié le 28 octobre 2015 à 14h36
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@shutter - © Economie Matin
150 000150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans aucun diplôme

Valls a présidé un comité interministériel sur les banlieues lundi matin. Manifestement, il est à bout de souffle et n’a plus grand chose à proposer. Pourtant, les tensions dans les banlieues n’ont jamais été aussi fortes…

Des mesures vides de sens

Ce comité interministériel aux Mureaux a permis trois annonces: équiper les policiers de caméras miniatures pour filmer les interventions, stigmatiser les communes qui n’ont pas assez de logements sociaux et mener des campagnes de testing (de tests à l’aveugle pour mes lecteurs qui abominent les anglicismes) sur les discriminations à l’embauche. Et puis pas grand chose d’autre, voire rien du tout.

Là encore, c’est bien connu, les discriminations n’existent que dans le secteur privé. Le Premier Ministre n’a absolument pas besoin de s’occuper de la lutte contre les discriminations au sein du premier employeur de France: l’Etat.

Une situation dramatique

Dans la compréhension du phénomène des banlieues, une donnée a été superbement chassée du discours gouvernemental. Elle est pourtant essentielle puisqu’elle concerne le nombre de logements commencés dans l’année. J’ai sorti ici le graphique du volume des débuts de construction depuis 1980:

Le dernier chiffre est de 2014. On s’aperçoit, en regardant ces quelques données brutes que le nombre de constructions annuelles en France a baissé par rapport aux années 2000 alors que la population a augmenté.

Si l’on examine les constructions individuelles sur la même période, le graphique donne ceci:

Autrement dit, en 2014, la France a atteint l’un des pires niveaux de constructions de logements individuels depuis plus de 30 ans, En dehors des années 1992 et 1993, la crise du logement individuel n’a jamais été aussi intense. On construit deux fois moins de maisons en 2014 par rapport à 1980, alors que la France compte grosso modo dix millions d’habitants en plus.

Mais ce sujet-là, l’accession à la propriété des occupants de logements sociaux, ne méritait pas d’être évoqué au comité interministériel. La perspective de s’élever, de se construire son petit chez-soi, est probablement un rêve trop petit-bourgeois pour les socialistes au pouvoir.

Le logement social comme solution universelle

Au lieu de faire rêver nos banlieues en leur promettant une amélioration de leur sort par l’accession à la propriété, Manuel Valls a préféré manier le bâton et annoncer des mesures de rétorsion contre les communes qui ne construisent pas assez de logements sociaux. Normal, la solution à la crise des « quartiers » consiste forcément à construire d’autres quartiers. Lorsque tous les Français occuperont un logement social, on aura non seulement tué toute idée de patrimoine architectural, mais on aura réglé le problème par un nivellement par le bas.

Pour supprimer les inégalités entre les bien portants et les malades, contaminons toute la population, il n’y aura plus de jaloux.

L’émiettement communal occulté

Comme d’habitude, Manuel Valls a évité, dans sa dénonciation facile de l’apartheid, le problème majeur: qu’est-ce qu’une banlieue? sinon la périphérie plus ou moins abandonnée d’un centre?

Depuis des décennies, la fiscalité locale accompagne cette ségrégation par son obsolescence: aux centres attractifs une taxe professionnelle qui permet de baisser les impôts locaux des ménages et d’offrir une qualité de vie à cause de laquelle les loyers augmentent et sélectionnent les habitants. Dans les banlieues, peu d’entreprises, mais beaucoup de cités dortoirs avec peu de taxe professionnelle et des impôts sur les ménages élevés. A défaut, on se contente de peu: pas de bibliothèque municipale, des écoles primaires repoussoirs, des équipements collectifs indigents.

La seule solution consistante à la crise des banlieues consiste à les supprimer par des fusions imposées de communes. C’est l’unique moyen pour égaliser de façon intelligente les finances locales et pour harmoniser le développement des territoires.

C’est bizarre, Manuel Valls n’a pas du tout évoqué le sujet.

L’Etat, premier ségrégationniste de France

Un autre sujet n’a pas été évoqué: la distribution des moyens de l’Etat sur le territoire.

Exemple? Cahors, préfecture insignifiante de 20.000 habitants, dispose d’un commissariat ouvert 24 heures sur 24. Elle dispose également d’un tribunal d’instance. L’ensemble de Seine-Saint-Denis: Bagnolet, Lilas, Romainville, Pré-Saint-Gervais, qui jouxte la circonscription de Cambadélis et comporte la circonscription de Claude Bartolone, compte 100.000 habitants et un seul point de police ouvert non-stop comme à Cahors.

Peut-être que le premier problème des banlieues est là: l’autorité y est infiniment moins présente que dans nos préfectures rurales.

Et si le problème des quartiers tenait d’abord à une profonde discrimination dans l’utilisation des moyens publics?

Aucun projet pour les jeunes décrocheurs

Le premier problème des banlieues, ce sont ces jeunes plus ou moins décrocheurs qui traînent dans les rues et gagnent de l’argent en trafiquant plutôt qu’en travaillant. Avec 150.000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans aucun diplôme (soit un jeune sur six, tout de même – belle performance de notre brillant système éducatif), l’Education Nationale est une remarquable usine à fabriquer du malaise de banlieue.

Comme dans tous les déplacements du Premier Ministre ou presque, Najat Vallaud-Belkacem était présente, pas très loin de son mentor, et même très près si l’on se fie aux images. Mais… curieusement… cette enfant de l’immigration n’a pas eu un mot sur la gangrène que son département ministériel propage année après année.

On aurait pu espérer un grand plan pour supprimer le décrochage scolaire, au besoin avec un apprentissage obligatoire pour tous les décrocheurs. Mais cette idée-là fait la part trop belle au sens de l’effort. Il vaut mieux faire oeuvre de populisme en désignant à la vindicte des banlieues tous ces méchants maires qui ne construisent pas de logements sociaux pour héberger le trop-plein de racailles des quartiers.

Du pain et des jeux, on vous dit! Telle est la grande ambition républicaine du quinquennat Hollande.

Article écrit par Eric Verhaeghe paru sur son blog.

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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